Quand on me demande ce que je fais dans la vie, il m'est toujours pénible de répondre :"J'écris, je suis écrivain". Ca coince, je me ferais l'effet d'un imposteur. Evasif sans être mensonger, "je travaille dans l'édition" me semble plus acceptable, moins tape-à-l'oeil, plus décent. Plus apte à couper court. Plus facile à gober aussi. La personne qui me questionne ne connait ni mon nom ni mon oeuvre (mon oeuvre, syntagme le plus imprononçable) et l'approximation derrière laquelle je me retranche m'évite de subir un interrogatoire démoralisant : "Des romans ? Ah oui...de quel genre ? Un titre en particulier que je pourrais...? Suivi du dubitatif, du mielleux, du condescendant, du mesquin et sempiternel "et vous réussissez à en vivre ?" La question vient toujours; elle conforte mon interlocuteur dans l'idée qu'il ne rate rien à ne pas connaitre un seul de mes ouvrages. Expliquer, se justifier, devoir prouver qu'on existe : écrivain la belle supercherie !