Citations de Serge Brussolo (1346)
"Pourquoi vouloir connaître l'avenir?" Mais pour organiser nos sentiments, bien sûr, pour se débarrasser des espoirs inutiles, éviter les fausses pistes. Pour savoir avec précision quelle est notre place dans l'ordre du monde.
Alors qu'ils quittaient la salle, le préposé de la morgue leur barra le chemin. Il expliqua, sans précautions superflues que David devait signer la décharge réglementaire autorisant la dissolution du défunt en atomes.
"cette énergie sera recyclée, expliqua-t'il. Elle vous donnera droit à une réduction d'impôts proportionnelle au nombre de watts récupérés."
N'importe qui sait que la Terre est plate, bien sûr, mais peu de gens ont marché jusqu'à l'endroit où elle s'arrête, telle une falaise, et où il suffit d'un pas de trop pour tomber dans l'abîme du ciel.
Après deux années de solitude on s'aperçoit qu'un homme qui prend toutes les couvertures ou ronfle comme un sonneur n'est pas entièrement dépourvu de charme, en dépit de tout ce qu'on peut penser à vingt ans!
Quand un soldat rêve qu'il fait l'amour quelques heures avant de monter au combat, c'est que son corps sait déjà qu'il va mourir...
— Le système du cloisonnement a développé la phobie de l’incursion étrangère. Les vieux racontent que les cellules étanches ont été conçues à l’occasion d’une gigantesque épidémie. Les déplacements d’une unité à l’autre étaient strictement prohibés pour empêcher toute propagation du virus mortel. Seuls les médecins avaient le droit d’emprunter les ascenseurs. L’épidémie a duré des années. Certaines cellules en étaient atteintes, d’autres pas. Pour enrayer la panique et la fuite de la population, on a inventé le principe de l’implant inhibiteur. Ainsi, les malades restaient chez eux et ne contribuaient pas à propager le mal dans les unités demeurées saines. Mais tout cela n’est peut-être qu’une légende…
— Peut-être…
— Quoi qu’il en soit, l’arrivée d’un étranger est restée depuis ce jour synonyme de malheur et de mort. Nous ne ferons pas exception à la règle.
On ne devient pas saint Michel en tuant des souris.
Jehan détestait les clercs en robe de bure, tous gras à lard, qui vivaient plus longtemps que le pauvre monde. Des profiteurs monnayant fort cher leur savoir et leurs tours de passe-passe théologiques auprès de tous ceux qui avaient les moyens de s'acheter une conscience de nouveau-né.
Une femme, au cinéma, dépasse vite sa date de péremption. A trente ans c'est râpé, on ne lui propose plus que des rôles de mère célibataire, d'avocate obsédée par son travail... cinq ans plus tard on ne la voit qu'en veuve, prof ou bonne sœur. Après c'est carrément la mamie tricoteuse ou la gardienne de prison, quand ce n'est pas la poivrote qui chante des complaintes paillardes dans un pub irlandais. Dans le meilleur des cas, elle peut décrocher un rôle de génie du crime, de mémère machiavélique régnant sur un empire ténébreux. La vieille garce dangereuse, quoi.
Quand un soldat rêve qu'il fait l'amour quelques heures avant de monter au combat, c'est que son corps sait déjà qu'il va mourir …
- Qu'en pensez-vous? disait-il, qu'est ce qui vous paraît le plus profitable: l'immortalité? La jeunesse éternelle? La connaissance scientifique absolue? La connaissance scientifique absolue peut contenir en elle-même les deux souhaits précédents, et être de plus génératrice de fortune... Ah! Comment savoir! Je suis embarrassé... et vous vous en moquez bien sûr. Les femmes n'ont pas la tête aux grandes choses.
Au terme de la route on est devenu fort, et cette force est nécessaire lors de la révélation finale.
«La forêt est le potager du diable », avaient coutume de répéter les vieilles femmes. Corco prenait cet aphorisme au pied de la lettre. Dans ses délires il voyait la forêt comme une monstrueuse Sargasse, un piège rampant capturant et digérant la ville avec voracité. Curieusement, la favela lui rappelait la forêt... Leur stratégie était la même : bourgeonnement et extension. Le bidonville reproduisait au cœur même de la cité blanche le lent travail de la végétation.
(p.27)
Regarde, dit-elle ce jour-là en déployant sur le sol une carte fantaisiste qu'elle avait coloriée en rose et en bleu. C'est le pays du Temps. Depuis que le Grand Sablier s'est cassé, le cours normal des choses s'est suspendu. Comme le sable ne coule plus, on y a cessé de vieillir. C'est là que nous devons aller chercher refuge si nous ne voulons pas devenir des adultes comme nos parents. Là-bas, nous aurons toujours envie de jouer, de rire, nous ne nous casserons jamais la tête pour des problèmes d'argent, nous ne deviendrons jamais vieux et laids. Le Temps s'est arrêté, il stagne sur le sol en flaques qui tiédissent, dans les débris de verre du sablier. Si l'on prend garde de ne pas le remuer, on peut même vivre éternellement.
(chapitre III)
C’était comme un bûcher gigantesque érigé au centre de la plaine argileuse et grise. Une titanesque imbrication de fagots au sommet desquels la ville paraissait bizarrement posée en équilibre instable avec ses tours plus larges à la base qu’au sommet, ses donjons curieusement resserrés à la hauteur des créneaux, à tel point qu’on pouvait de loin fort bien les confondre avec ces cheminées d’usines qui semblent ne jamais devoir finir.
(p.155)
-C'est du dandysme à rebours,rien de plus les ados font souvent ça.
-Je te rappelle qu'il a trente cinq ans.
-Oui, mais il faut appliquer aux hommes la même règle de calcul que pour les chiens. Seulement au lieu de multiplier, tu divises par sept. Tente cinq ans d'âge apparent ça équivaut à cinq ans d'âge réel.
Quand tu sais ça, tu comprends bien des choses...
Contrairement à ce qu'on imagine, la neige ne désaltère pas, elle avive même le besoin de boire. Quant au froid, il dessèche le gosier aussi sûrement qu'un vent de sable.
- Officiellement, lui a, un soir, déclaré Cachalot Tuna James, on accuse les loups ou les ours, mais les animaux ont bon dos ! Le plus souvent, ce sont les hommes eux-mêmes qui s'entre-dévorent. L'histoire du Pôle est truffée de cas d'anthropophagie célèbres. La banquise rend fou, c'est connu. Les humains ne sont pas faits pour affronter le désert blanc.
Il me fallait ficher le camp avant de perdre la boule ou de sombrer dans la résignation. Je suppose qu'il en va de même pour tous ceux qui se retrouvent prisonniers d'une secte. À la révolte succèdent l'abattement puis la capitulation.
Dans son école, David avait l'habitude de pratiquer les jeux de rôles : Donjons et Dragons aux parties interminables, mais aussi le Maître des cobras...et le Labyrinthe des quinze bossus [...] A plusieurs reprises il avait essayer d'initier M'man aux aventures du Labyrinthe des quinze bossus, mais elle mélangeait tout.
"Comment pouvez-vous jouer à des trucs aussi compliqués ? s'exclamait-elle. Rien que la règle du jeu fait cent cinquante pages ! Si tu as été capable d'assimiler ça, tu devrais n'avoir aucune difficulté à obtenir la moyenne en mathématiques !"