Serge Dieudonné

Ployé devant les herbes flexueuses doucement gonflées de vent, je me hausse et lentement émerge dans la trouée de tiges et de feuilles arrachées. Au-dessous de mes pieds sur quoi repose, craquelée de boue figée, le bord de ma soutane, palpite la chevelure, comme une bête frileuse, de Milienne, et le reste du corps vacille sous mon regard dans la tranchée. Je demeure immobile, attentif à quoi, de ce firmament où s'amoncellent des nuages ? Le vent s'agite sur mes joues et sur mes lèvres. Je voudrais me laisser tomber dans ce trou. Depuis longtemps jappent des chiens dans le fond de mon oreille; des voix éparses les excitent, comme pour une chasse. Très loin, dans un fourmillement de formes vagues que frappe le jour, surgissent Uroigne et les ultimes frondaisons flottant dans la buée blonde des bois. J'étend les bras, pesants de ma pèlerine, et j'appelle d'une voix forte vers le chemin où monte la rumeur de la meute et de mes paroissiens, et je me sens sourire à savoir enfin leurs visages défigurés par l'épouvante autant que par la haine.