Quand je t’ai rencontrée
je ne savais pas que je t’aimerais
j’ai cru que je serais sauf
que la fin viendrait par accident
simple efficacement par oubli
sans vainqueur ni victime
sans mémoire surtout
je ne savais pas
que tu resterais comme une asphalte
sur la grève en ressac de la marée
et reprise encore sous l’œil du goéland
la mort experte
l’éternité
rien n’est moins mort que la perte
quand je t’ai rencontrée
je ne savais pas que tu habitais
la mort qui veuve efface l’asphalte
au désarroi du goéland.
Ce poème qui ne se chante pas
je n’ai pas su l’écrire
cette mélodie entre les mots
j’en ai rêvé voyelles
le noir
qui ne se dit pas
que le cœur l’accomplisse
la bouche expatriée
la main perdue
furtive
de tant de calligraphes
en des signes plus forts que la main gauche
en des gestes plus ténus que le bras droit
j’écris cette cantilène qui ne s’entend pas
pour que ma gauche protège
et que ma droite entende.
Ton corps est opaque
ton âme transparente
une énergie
descend
en quelle âme dis-moi
je me suis exilé
toi qui as égaré le rêve
toi qui as enfoui le hasard
de quelle zones es-tu
toi qui descends?
de quelle zone suis-je
moi qui te vois monter?
La plage ne saura jamais
le destin du sable passager.
On ouvre fenêtres et lucarnes. On éteint toutes les lumières. Pénombre étonnée. Jacky dit gravement: «La pauvre proprio! Si elle ne pisse pas dans sa culotte, elle fait au moins une syncope…»
Plus tard, on fait une «vraie» pause. Je reçois des «merci!» En silence, je fais disparaître dans un large sac orange tout ce qu’il y a de canettes vides et de couvercles de plastique. Passage à tour de rôle dans la minuscule salle de bains. On se lave les mains, les bras. On passe de la térébenthine sur les habits mouchetés de couleurs. Une fatigue courageuse nous unit. Le clan des Occitans se maintient en périphérie. Un gars ouvre grand la fenêtre pour fumer. On lui fait cracher sa cigarette. Il y a dans les flacons et les bouteilles assez d’essence et de décapant pour faire sauter l’appartement.
Je dus vendre l’encrier
je me mis à parler au poème
la nostalgie est un mot navire
aux carrefours des dunes.