
Depuis qu’elle avait été adoptée, elle n’était jamais retournée à l’orphelinat, l’idée même de devoir se confronter à son passé l’effrayait. En allant voir Albertovna, Anna passa devant l’immense bâtiment aux briques rouges, sinistre et maintenant à l’abandon, nourri d’horreur et de mauvais souvenirs. Elle revit les pires moments, elle entendit les pleurs, les cris qui venaient du sous-sol. Heureuse de s’en être sortie vivante, elle avait cependant honte. Honte d’elle de ne pas être intervenue, ou seulement de ne pas avoir tenté d’aider ses camarades ; comme beaucoup, elle avait préféré ne rien voir. Tous les enfants savaient ce qui se passait dans les profondeurs de l’orphelinat, mais aucun n’osait en parler de peur de se retrouver à la place des victimes. Au moment où elle avait quitté l’orphelinat, celui-ci lui paraissait plus grand, plus terrifiant. Pourtant, même si les fenêtres brisées et les murs ternis donnaient un aspect horrifique, elle ne le voyait plus de la même...
Ce soir-là, comme chaque soir, le lac Baïkal demeurait immobile : on aurait pu croire à un miroir gigantesque. Toute sa surface reflétait le ciel d’encre parsemé de taches bleuâtres. Peu de personnes assistaient à ce spectacle magnifique. Rien ne pouvait le troubler, le déformer.
au calme clair de lune triste est beau, qui fait rêver les oiseaux dans les arbres et sangloter d'extase les jets d'eau les grands jets d'eau sveltes parmi les marbre.
Paule Verlaine