AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Unvola


En mars [1919], à Astrakhan, une grève d'ouvriers éclate. Les témoins attestent que cette grève a été noyée dans le sang des ouvriers. "Dix mille ouvriers qui discutaient paisiblement dans un meeting de leur dure situation matérielle ont été entouré par des mitrailleurs, des matelots et des soldats armés de grenades. Les ouvriers ayant refusé de se disperser, une salve de coups de fusils a été tirée ; puis les mitrailleuses se sont mises à crépiter, dirigées vers la masse compacte des participants, et les grenades à main à éclater avec des explosions assourdissantes. La foule a tremblé, est tombée à terre, puis s'est tue. Le crépitement des mitrailleuses a couvert les gémissements des blessés et les cris des blessés à mort...
"La ville s'est vidée. Le silence s'est fait. Les uns se sont enfuis, les autres se sont cachés.
"Il n'y avait pas moins de 2 000 victimes dans les rangs des ouvriers.
"Ainsi se termina la première partie de l'effrayante tragédie d'Astrakhan.
"La deuxième, encore plus terrible, commença le 12 mars. Une partie des ouvriers furent faits prisonniers par les "vainqueurs" et répartis dans six postes sur des péniches et des bateaux. Parmi ces derniers, le vapeur Gogol se distingua par ses horreurs. On envoya à l'autorité centrale des télégrammes au sujet de "l'émeute".
"Le président du soviet révolutionnaire militaire de la République, Trotski, répondit par ce télégramme laconique : "Réprimer sans merci !" Et le sort des malheureux ouvriers prisonniers fut décidé. La folie sanglante se déchaîna sur la terre et sur l'eau.
"On fusillait dans les caves des postes de la Tcheka et dans les cours. On jetait les victimes entassées dans les bateaux et les péniches par-dessus bord, dans la Volga. On attachait des pierres au cou de certains malheureux, d'autres étaient pieds et poings liés. L'un des ouvriers, oublié dans une prison près d'une machine et resté en vie, raconte qu'en une nuit, sur le vapeur Gogol, on jeta par-dessus bord environ 180 personnes. En ville, dans les postes de la Tcheka, il y avait tant de cadavres qu'on parvenait à peine à les transporter la nuit au cimetière où s'entassaient les corps sous le nom de "victimes du typhus".
"Le commandant de la Tcheka, Tchougonov, publia un ordre d'après lequel, sous peine de mort, il était interdit de ramasser les cadavres perdus sur la route du cimetière. Presque chaque martin, de très bonne heure, les habitants d'Astrakhan trouvaient dans les rues des ouvriers fusillés demi-nus et couverts de sang. Et ils erraient de cadavre en cadavre, à la lumière du petit jour, à la recherche de leurs chers disparus.
"Le 13 et le 14 mars, on ne fusilla que des ouvriers. mais ensuite les autorités, sans doute, se ressaisirent. Il n'était guère possible d'attribuer la cause des massacres au soulèvement de la bourgeoisie. Et les autorités pensèrent que "mieux vaut tard que jamais". Pour masquer quelque peu l'impudence des exécutions des prolétaires d'Astrakhan, on décida d'arrêter les premiers bourgeois venus et de s'en débarrasser d'une façon très simple : "On prendrait chaque propriétaire d'immeuble, chaque marchand de poisson, chaque petit commerçant et on les fusillerait..."
"Vers le 15 mars, on ne pouvait guère trouver de maison où l'on ne pleurât un père, un frère, un mari. Et dans quelques maisons, c'étaient plusieurs habitants qui avaient disparu".
Pour établir le chiffre exact des victimes, il aurait fallu interroger individuellement chaque citoyen d'Astrakhan. Au commencement d'avril, on donnait un chiffre de 4 000 victimes. mais la répression ne s'arrêta pas. L'autorité avait évidemment décidé de se venger sur les ouvriers d'Astrakhan de toutes les grèves de Toula, de Briansk, de Petrograd, qui avaient éclaté en mars 1919. Les exécutions se calmèrent seulement en avril.
(Pages 98 à 100)
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}