Oui nous avons le droit d’imposer qui nous voulons [qu’elle épouse] à Kany parce que Kany a quelque chose de nous : elle porte notre nom, le nom de notre famille. Qu’elle se conduise mal et la honte rejaillit sur notre famille. Il ne s’agit donc pas d’une personne, mais de tout le monde. Tu me parles de ton camarade ? Voyons, qui est-ce qui l’a choisi ? Kany, me diras-tu ; mais, dis-moi, crois-tu que Kany, à elle seule, puisse mieux juger que nous tous réunis ? Le mariage n’est pas une plaisanterie, il ne peux être réglé par ceux qui ne rêvent que de cinéma, de cigarettes et de bals. (p. 54-55, Chapitre 5).
Tiéman-le-Soigneur m’a dit : « Si tu ouvres ta porte à tout le monde, les paresseux seront nombreux. »
Je lui ai dit : « Avec tes paroles, tu détruiras le village. Il est des pensées qu’on doit taire. Nous sommes comme des guerriers sur un champ de bataille. La peur est en chacun. Lorsqu’on voit le voisin courir à l’ennemi, on se dit : « il est fou », puis on fait comme lui, et on devient brave. Si chaque guerrier avait dit sa peur au voisin, on aurait palabré et peut-être décidé la fuite. » (p. 118, Chapitre 16).

vous avez tord de vouloir tout laisser tomber. Vous avez tort d’essayer d’imiter les Européens en tout. Comprends-moi bien. L’homme européen n’est qu’un des multiples aspects de l’homme. On ne vous demande pas d’être Européens. On ne vous demande pas de vous défigurer. (…)
Il n’est pas question pour vous de fuir votre milieu. Cherchez plutôt à agir sur lui. Cherchez à sauver ce qui doit être sauvé et essayez d’apporter vous-mêmes quelque chose aux autres : une figure dans l’ébène, le paysage rutilant de chez nous sur une toile de peintre ! (…)
Il ne s’agit pas évidemment de tout accepter. Mais faites un choix. Les coutumes sont faites pour servir les hommes, nullement pour les asservir. Soyez réalistes ; brisez tout ce qui enchaîne l’homme et gêne sa marche. Si vous aimez réellement votre peuple, si vos cris d’amour n’émanent pas d’un intérêt égoïste, vous aurez le courage de combattre toutes ses faiblesses. Vous aurez le courage de chanter toutes ses valeurs. (p. 142-143, Chapitre 20).
Ce jour-là, le père Benfa s’était levé plus tôt que de coutume. Il était debout avant les premières lueurs de l’aube. Rien dans la cour ne bougeait. Seuls, de temps en temps, bruissaient les feuilles du petit manguier, non loin du puits. (incipit, p. 13, Chapitre 1).
S'ils en existent qui ne rêvent que d'être Blancs, l'avenir se chargera de leurs faire comprendre que «le séjour dans l'eau ne transforme pas un tronc d'arbre en crocodile».
je sais le sentiment qui vous anime en ce moment c'est de l'orgueil. Il n'a pas sa place ici.Encore une fois, les vieux ne sont pas vos rivaux mais vos aînés, vos pères[...]les vieux sont plutôt malheureux. Imaginez un homme qui, encore très riche se trouve aujourd'hui sans rien. on lui annonce que ses richesses n'ont plus de valeur[...]et cela sans préparation aucune, avec la brutalité d'une pluie d'été
L’homme n’est rien sans les hommes, il vient dans leurs mains et s’en va dans leurs mains.
J'ai abordé ce monde avec scepticisme, desinvolture, et même ironie. Mais au fil des jours , ce monda m'a pris et m'a envahi comme l'amour d'une femme. Je comprends à présent pourquoi les premieres ceremonies d'inititiation sont appelées Noces Sacrées. Il s'agit d'un véritable mariage avec quelque chose dont on ne soupçonnait même pas l'existence, quelque chose qui vous possède et qui s'ancre en vous avec une telle force que vous vous demandez comment vous avez pu vivre jusque ici sans cela
Le séjour dans l'eau ne transforme jamais un tronc d'arbre en crocodile.
« Ô ma Nuit ! ô ma Blonde ! ma lumineuse sur les collines
Mon humide au lit de rubis, ma Noire au secret de diamant
Chair noire de lumière, corps transparent comme au matin du jour premier »