Des lectures pour faire fréir les adolesqcents.
" Ce sera un garçon et il sera footballeur, a rêvé tout haut mon père.
- Je suis une fille et je serai astrophysicienne ", ai-je pensé tout bas.
Dès que je suis arrivée, je me suis dit que j'allais lui expliquer que son rêve, ce n'était pas ma vie.
J'avais beau crier, il ne m'entendait pas. Les parents n'entendent que lorsqu'il est trop tard.
C'était sa force [celle de l'espace] et ma faiblesse que j'apprenais lentement, si lentement, à accepter.
Pour voir les étoiles, je devais travailler, relâcher les tensions qui encombraient mon visage, plisser les paupières, laisser mes yeux s'habituer à l'obscurité. Jamais à la lumière.

Ce qui me fait horreur, ce n'est pas l'examen [ici, le baccalauréat], c'est la guerre d'Algérie [son sujet]. Je ne m'imagine pas avoir une bonne note pour avoir écrit correctement et dans l'ordre chronologiques les horreurs commises. Sans oublier celles d'aujourd'hui aussi. La guerre continue sans que l'on s'en soucie vraiment. Je repense au soleil blanc qui tombe sur la maison d'Alger. C'est Grand-père qui m'a raconté. Il ne pouvait pas la peindre ; il pouvait tout juste l'admirer plonger à la verticale sur les gens, sur le sol, chuter sur Alger immobile, en un mouvement imperceptible à l’œil mais absolument réel. Il ne pouvait pas peindre, m'a-t-il avoué. Il regardait, et c'était déjà immense à accomplir. C'est là-bas qu'il a compris qu'il ne serait jamais un artiste intéressant, parce qu'il n'arrivait pas à avoir assez d'envie, assez de désir pour retranscrire cela sur une toile. Il préférait boire la lumière tout seul, sans partage, sans donner à voir à d'autres ce qu'il en avait absorbé.
Ma feuille aussi est restée blanche.
Ben quoi? Qu'est-ce que vous avez à me regarder comme ça? Je ne sais plus où j'en suis, alors je préfère rester là un moment.
Armand, très raisonnable, me fait observer que je risque de prendre froid. Ma mère fronce les sourcils en me disant que, dans la mesure où je suis à moitié nu sur le carrelage de la salle de bains, il y a de quoi s'inquiéter, non?
" Ne cherche pas, Myrtho, il n'y a rien, zéro, niente, nada pour nous retenir ici-bas, rien d'autre que notre désir ", souriait-il en m'observant toujours avec curiosité. [.......]
Je me demande s'il a su que les étoiles me paraissaient moins loin quand il était là ; sans doute l'a-t-il senti, plus que su. Savoir, ce n'était pas son problème. Ce qu'il aimait, c'était aimer sans mot dire, avec son sourire, son regard, et quelques paroles mystérieuses qu'il avait inventées pour m'intriguer la vie entière.
Rarement on frappe à la porte pour réconforter son semblable. Pas de bonjour, ni de bonsoir. Souffrons sans un mot, ne changeons pas.
Je l'ai détesté d'être si fine, de m'avoir observé tout l'été sans que je m'en doute une seule seconde. Elle n'avait, ce soir, que tenté une infime percé pour vérifier le bien-fondé de son hypothèse. Sans insister le moins du monde. Bref, j'étais furieux qu'elle se soit comportée en parfait gentleman.
Je ne sais pas parler des choses merveilleuses. Je me dis qu'elles ont lieu, c'est tout. On ne sait pas raconter les beaux moments. Ils ressemblent trop à des cartes postales, à des photos pafaites, des clichés uniques. Une fois passés, ils n'ont pas de raison d'être racontés. Ils n'ont pas de valeur autre que celle d'avoir été vécus. Comme s'ils n'étaient pas faits pour être partagés.
J'en ai pleuré, je reniflais comme une imbécile que l'air trop fort, trop frais, trop chargé de parfums et de la peine de Grand-Père étouffait, jusqu'à ne plus avoir que le désir d'être engloutie instantanément. Pour ne plus avoir à penser que je pense.

"Tu ne veux pas arranger ta tenue ? On dirait que tu viens de te rouler dans les foins.
- Simon, tu es impossible. Je viens simplement d'embrasser quelqu'un.
- Que Dieu te pardonne, tu ne sais pas ce que tu fais. Un grand blond à boucle d'oreille ! Quelle horreur !
- Il embrasse très bien.
- Je me demande si je ne regrette pas ma grande blonde."
Je lui ai raconté pendant que nous longions la Seine à la recherche d'un café ouvert.
"Comment a-t-on osé embrasser Sa Seigneurie sans lui demander l'autorisation en trois exemplaires auparavant ? s'est-elle exclamée en riant.
- Tu m'appelles Sa Seigneurie en douce ? ai-je demandé incrédule.
- Mince, tu es fâché ?
- Pas du tout. C'est moqueur mais pas méchant. Je crois même que je vais m'autoriser à sourire."
Nous étions debout au comptoir d'un bar bondé. Je chassais sans espoir la fumée qui m'asphyxiait quand j'ai vu Rose jeter un oeil désolé au tabouret devant le comptoir. Il était trop haut pour elle. Je l'ai soulevée dans mes bras pour l'aider à s'y asseoir. Elle a penché le visage vers moi, j'ai senti sa main sur mon épaule. Elle l'a enlevée un peu trop vite à mon goût. J'ai rencontré ses yeux, qu'elle a d'abord détournés. Je suis d'un naturel élégant, j'ai donc attendu qu'ils reposent sur moi puis je me suis comporté de façon scandaleuse.
"Tu embrasses très bien, Ta Seigneurie", a-t-elle chuchoté à mon oreille.
J'ai pris sur moi pour ne pas l'emporter sous le bras afin de lui montrer l'étendue de mes talents. Au lieu de cela, j'ai vérifié que je n'avais pas rêvé.