Sharon Cullen

— Ella, j’ai envie de vous embrasser.
— Brice, je ne crois pas que…
Il ne lui laissa pas le temps de terminer. Il ne voulait pas entendre ce qu’elle allait lui dire, à savoir que l’embrasser n’était pas une bonne idée. Il pensait au contraire que c’était une idée formidable.

Les yeux fermés, elle étira les jambes en pointant les orteils. Qu’il était bon d’être couchée sur un matelas en plume sous une montagne de couvertures et avec un doux oreiller sous la tête. Sauf que l’oreiller en question n’était pas si doux que cela. Il était même dur, et délicieusement chaud.
Elle ouvrit les yeux, poussa un cri et bondit hors du lit avec une telle précipitation qu’elle se prit les pieds dans les couvertures et s’affala de tout son long sur le parquet.
Se retournant sur le dos, elle fixa le plafond un moment. Le sommier grinça. Elle se redressa sur les genoux et regarda le lit. Son cœur manqua s’arrêter.
Brice Sutherland était étendu sur le côté, se soutenant sur un coude, la tête dans la main, un sourire aux lèvres et une lueur amusée dans les yeux.
— Bonjour, dit-il gaiement.
Elle le dévisagea, interloquée, un millier de questions se bousculant dans sa gorge sans pouvoir être prononcées.
— Vous vous demandez sûrement ce que je fais dans votre lit, pas vrai?
Elle acquiesça.
— Toutes les nuits, vous faites d’horribles cauchemars et criez dans votre sommeil. Cela dure depuis que je vous ai trouvée sur la route. La seule manière de vous calmer est de vous tenir dans mes bras.
Elle écarquilla les yeux. Voilà pourquoi elle ne parvenait à dormir que lorsqu’il était au château. Il venait dans sa chambre, dormant près d’elle.
En la voyant pâlir, il ajouta précipitamment :
— Ne faites pas cette tête. Généralement, je m’allonge sur le couvre-lit. La nuit dernière, je devais être trop fatigué pour réfléchir. Je me suis simplement glissé sous les draps. Je vous jure qu’il ne s’est rien passé d’inconvenant.
Elle poussa un soupir en levant les yeux au ciel, le faisant rire.
— Naturellement, vous le saviez déjà, n’est-ce pas ?
Elle acquiesça à nouveau.
— Bien… alors je… euh…
Il sortit du lit, et elle constata avec soulagement qu’il portait le même kilt et la même chemise que la veille.
— Je vais vous laisser, acheva-t-il.
Eleanor se releva et contourna le lit jusqu’à se tenir devant lui. Il baissa vers elle ses yeux d’un bleu doux et clair.
Elle ouvrit la bouche pour le remercier et, naturellement, ne parvint à articuler aucun mot. Elle poussa un soupir de frustration. Elle tenait à lui exprimer sa reconnaissance. Peu d’hommes auraient agi comme Sutherland. Surtout envers une femme qu’ils connaissaient à peine et en qui ils n’avaient pas confiance.
Elle se hissa sur la pointe des pieds et, fermant les yeux, déposa un bref baiser sur ses lèvres. Un frisson lui parcourut l’échine. Quand elle rouvrit les yeux, elle constata qu’il n’avait pas fermé les siens et la dévisageait avec une ardeur qui la fit frémir. Elle recula d’un pas.
— Il n’y a pas de quoi, dit-il d’une voix rauque.

Blackwood reprit la route le lendemain matin. Brice se tint dans la cour et attendit que la dernière tunique rouge ait franchi le pont-levis pour pousser un soupir de soulagement. Il n’avait jamais été aussi content de voir quelqu’un partir de chez lui.