De l’autre côté de la planète, il y a l’océan. Grand-Père m’y a emmenée, un jour, avant que les derniers avions ne soient immobilisés à terre. C’était l’après-midi, il s’est posé sur le rivage et nous nous sommes installés là pour regarder l’infinité du large. Avant le coucher du soleil, des tourbillons sont apparus, des spirales qui se sont matérialisées une à une dans la dense couche de nuages et sont tombées du ciel, vers la surface houleuse. Nous sommes restés longuement là, tandis que la lumière s’évanouissait à l’horizon, des centaines de tourbillons s’agitaient à fleur d’eau, fronçaient la noirceur de l’océan.
Son corps se met à trembler, il enfouit alors son visage au creux de l’épaule de sa mère et la serre plus fort. Les mains de la vieille femme, sa peau rêche contre la nuque et les joues de son fils ; elle lui souffle délicatement dans le cou, à son oreille, et ils restent longuement là, enlacés, recroquevillés comme les pétales d’une fleur qui se referme pendant la nuit.
Il esquisse un geste théâtral des bras, un signal. Tout à coup, le dôme devient transparent. Les nuages, le soleil, et le ciel bleu disparaissent, l’obscurité du dehors s’introduit à l’intérieur, tombe sur les visages. Seuls les écrans éclairent désormais leurs traits. Les obélisques se révèlent en arrière-plan, trente-quatre doigts sombres pointés dans le noir, vers l’espace, vers tout cet au-delà.
Il fait clair. Le soleil qui perce à travers la paroi du dôme illumine le petit groupe, le disperse en fragments d’ombres et de lumière. À l’intérieur, le silence flotte dans l’air, sauf le bruit tranchant de l’éclat du jour, tout est en suspens.
L'avenir est une érosion imperceptible qui nous réduit aux contours faibles de ceux que nous étions autrefois.
Les visages ne sont plus que des pierres qui ne perçoivent pas le temps.
Je m’arrête juste derrière Su, mon ombre se pose sur elle, l’enveloppe entièrement. Cette petite créature tient dans mes contours, comme si nous étions faites d’une seule et même étoffe.
Son corps se met à trembler, il enfouit alors son visage au creux de l’épaule de sa mère et la serre plus fort. Les mains de la vieille femme, sa peau rêche contre la nuque et les joues de son fils ; elle lui souffle délicatement dans le cou, à son oreille, et ils restent longuement là, enlacés, recroquevillés comme les pétales d’une fleur qui se referme pendant la nuit.
Le bruit de la lumière les pourchasse toute la journée.
La lumière des étrangers révèle tout ce qui autrefois, était dissimulé par la nuit.