Bruno Doucey lit des poèmes de
Sigurbjörg Thrastardóttir, extraits du coffret "Europoètes Cinq voix de la poésie européenne", © Éditions
Bruno Doucey, 2016.
NUIT BLANCHE
impossible de dormir
tourner et se retourner
pêcher des poissons bouffis
attendre que ça ne
rêve plus
marcher dans le calme du gel
en robe de tulle
aleviner des poissons belettes
dans un sentier de lune
entrer en soi
se tâter
sombrer
//Sigurbjörg Thrastardóttir (Islande)
/ Traduction de Thór Stefánsson et Lucie Albertini
Livraison à domicile
un homme à vélo débarque
dans mon salon
grandes oreilles, dégoulinant
d’huiles d’émeutes
grand nez, jambes de pantalon déchirées
il descend de son vélo
grande bouche mais muette
par terre une flaque d’huile
peut-être que je ne comprends plus les gens
mais que me veut cet homme ?
je pense à lui offrir du jus de pomme
alors il rompt le silence
cligne des yeux, regarde autour de lui et dit :
oui, c’est toi qui as commandé une révolution ?
//Sigurbjörg Thrastardóttir (Islande)
/ Traduction de Thór Stefánsson et Lucie Albertini
Je me referme
Il y a un éventail
avec une carte du monde
qui depuis des années se referme en moi
Les continents lentement rétrécissent
les volcans s'endorment
les rivières s'assèchent, les lumières se figent
les déserts s'enroulent
tels des tapis remplis de poussière
Un jour, j'ouvrirai l'éventail
et le monde entier se déploiera en moi
avec le ciel et les ailes
des oiseaux d'envergure
(Nikolina Andova Shopova - Macédoine)
Comme les sources des landes
à la suite de toutes vos demandes
voici un autre remède de bonne femme :
mettre la tête
dans un chaudron
quand l'eau commence à bouillir
l'esprit se nettoie
la vue s'aiguise
un jour par exemple je me suis levée
en me disant :
tous les jours des tours
s'écroulent dans notre grand monde
quelques trouées
regorgent d'amour
à part ça rien de neuf
Sigurbjürg Thrastardottir (Islande)