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4/5 (sur 1 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : Saxon, Valais , 1971
Biographie :

Simon Roth, né en 1971 à Saxon (VS). Historien formé à l'Université de Fribourg, il s'est spécialisé dans l'étude des intellectuels et du monde de l'édition en Suisse romande.

Source : SHSR
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
8 avril 1941
Silence angoissant des Yougoslaves. D'ici, impossible de communiquer avec Belgrade qui, sans doute, sera bientôt occupée par les Boches. Où sont le jeune roi Pierre, le gouvernement, les chefs de l'armée ? Les Grecs donnent des nouvelles brèves et sobres sur les terribles combats qu'ils soutiennent, dans la vallée de la Strouma, contre les hordes de Hitler. Les Yougoslaves se taisent. Une agence américaine annonce qu'ils auraient pris Scutari d'Albanie. Mais dans la Serbie du Sud, ils semblent fléchir. Que nous réserve demain ?

9 avril 1941
Mauvaises nouvelles : la prise de Massaouah par les Anglais ne saurait compenser la perte de Skopjie et de Nich, celle de Salonique et la capitulation, après une résistance surhumaine, de l'armée grecque de Thrace. Sans doute Roumains et Hongrois vont-ils se jeter ensemble à la curée. L'héroïque Yougoslavie succombera sous le nombre. Mais la guerre n'est pas finie. L'heure de la justice sonnera. Pour les Français qui ont fait leur devoir dans l'autre guerre, quelle rage ce doit être d'assister impuissant à cette ruée teutonne sur des peuples braves et fiers qui ont toujours regardé la France comme leur mère ! Nos amis britanniques n'ont pas dit leur dernier mot. Dieu non plus, je l'espère pour lui.

10 avril 1941
De nouveau, les Boches et leurs valets triomphent. Ils en feront tant qu'ils finiront bien par en crever. En attendant, le chancre teuton ronge la Yougoslavie et la Grèce.

11 avril 1941
Aujourd'hui, vendredi saint, le régent Horthy ordonne à ses troupes d'occuper, dans le dos des Allemands, le Banat yougoslave. Le 12 décembre dernier, Budapest avait signé avec Belgrade un pacte d'éternelle amitié. Quelle ignominie ! Et les Roumains s'apprêtent à suivre l'exemple !
Les Boches proclament l' " indépendance " de la Croatie. Et ils y installent en qualité de " Führer " le bandit Ante Pavelitch, assassin du roi Alexandre. Insondable bassesse !

[ . . . ]
9 juillet 1942
Visite du nouveau ministre d'Italie, Bova Scoppa. Il est plus " distingué ", comme disent les bonnes gens, que ses prédécesseurs Sola et Ghigi. Son langage est mesuré. Il ne paraît pas être fascistissime. Sa femme, restée en Italie et que l'on dit charmante, est Russe. Il arrive de Lisbonne. Auparavant, il a longtemps habité Genève, où il fut collaborateur du baron Aloisi. Après l'affaire des sanctions, il y demeura pour " liquider " la position de son pays. C'est là qu'il a connu J. D. de Montenach, dont il me parle en termes très amicaux. Il ne cache pas qu'il croit à une guerre lente. Je traduis qu'il ne croit pas ou plus à la victoire de l'Axe. En quoi il se montre intelligent. La France et l'Italie, dont la position n'est certes pas brillante, gardent du moins cet avantage que, si elles savent s'y prendre, elles pourront retirer leur épingle du jeu sans trop de dommage au moment où s'effondrera le IIIème Reich. Cela ne sera pas facile, mais cela demeure possible.

[ . . . ]
20 mars 1942
C'est sans doute avec la permission, peut-être même à la requête de Berlin que Mihai Antonescu a prononcé hier son grand discours anti-hongrois, procurant ainsi aux Roumains un instant d'euphorie. L'effet de ce " doping " est déjà passé. Les gens se disent . " River le clou aux Magyars, c'est fort bien. Et puis après ? Ce n'est pas cela qui nous rendra la Transylvanie. " De la manifestation d'hier, une seule chose est à retenir : les Boches, furieux de voir les Hongrois leur refuser un concours plus actif pour la campagne de Russie, essaient de les faire chanter en flattant la vanité roumaine. Réussiront-ils ? Ils jouent un jeu assez dangereux, mais ils ne peuvent pas en jouer un autre. Ayant attelé à leur char deux chevaux qui ne pensent qu'à ruer l'un contre l'autre, ils doivent employer alternativement le morceau de sucre et la cravache. Le tout est de savoir combien de temps cela peut durer. ( . . . )

23 mars 1942
À déjeuner, Albert Janssen, ancien ministre des finances de Belgique, et sa fille ; W. Rohner, Suisse, délégué du CiCR ; les Sarret, Opresco, les Stircea, Mme Hass, le docteur Costinesco, président de la Croix Rouge roumaine, et sa femme ; la comtesse Römer, Roumaine de naissance, Polonaise par mariage.
Janssen, bon Wallon placide et gros mangeur, est venu à Bucarest, flanqué de Rohner, dans l'espoir d'y trouver des vivres pour la Belgique. Hélas ! Je crains fort qu'il ne les trouve pas. Rohner, Suisse allemand, pratique autant qu'honnête, loyal et allant droit au but, a jugé du premier coup ses partenaires et définit en quatre mots le climat du pays : " le pays du sourire ".
J'ai interrogé Janssen sur le moral de la Belgique. Excellent, m'a-t-il dit, malgré les privations et la misère. 95 % des Belges exècrent le Boche ; les Flamands ne sont pas moins persuadés que les Wallons que l'ennemi finira par être battu ; tout le monde préfère à une paix de compromis la prolongation des souffrances qu'endure la Belgique : ce que chacun veut, c'est que le Boche, responsable de tout, soit définitivement hors d'état de nuire et châtié de ses crimes. Les " collaborateurs " sont des traîtres ou des égarés. C'est en interdisant tous secours aux chômeurs que les Allemands arrivent à recruter de la main-d'œuvre pour le Reich.

[ . . . ]
6 février 1944
Voici, sans doute, le jour le plus cruel de toute ma vie. Ce que j'ai de plus cher au monde se débat entre la vie et la mort. Cette nuit, je l'entendais respirer, j'avais le sentiment qu'elle dormait d'un bon sommeil : j'étais sans inquiétude. Et j'ai dormi, quand il fallait agir. Ce matin même, en voyant qu'elle ne se réveillait pas à mon premier appel, je n'ai pas pris peur tout de suite : j'ai pensé que l'allonal que je lui avais donné hier soir et toute les émotions de la journée la faisaient dormir plus fort et plus longtemps que d'habitude. Un peu plus tard, voyant que je n'arrivai pas à la réveiller, j'ai compris soudain. J'ai couru au téléphone, j'ai appelé I. S., encore couché. Il lui a fallu près d'une heure pour arriver. Tout de suite, il m'a dit : " Sa vie est en danger ". J'ai vu à son air qu'il jugeait presque désespéré l'état de mon pauvre K. Il l'a emmenée dans ma voiture à son hôpital. Depuis qu'elle y est, lui-même, son assistant, ses internes, ses infirmières se relaient à son chevet. Tout à l'heure, pour la première fois, il m'a dit qu'il espérait la sauver. Ce matin, j'ai envoyé auprès d'elle Mgr Ghika, dont les prières et la bonté m'ont profondément ému.
Pauvre Kikou, pauvre Bibou !
Que puis-je faire de plus pour elle ! Corps et âme, je l'ai confiée au deux hommes que je crois les meilleurs de ce pays. Tandis qu'ils luttent, je ne puis que souffrir en silence.
Ah ! la " guerre des nerfs " n'est pas un vain mot. C'est à elle que nous devons notre malheur. Mon pauvre cher Kikou n'a pas eu la force, la patience de tenir tête aux misères qui accablent le monde. Le sort tragique de son cher et grand pays l'a terrassée. J'ai tout fait cependant pour lui insuffler ma foi, qui n'a jamais fléchi, dans le relèvement, dans la résurrection de la France.
Qu'auras-je dû faire pour lui épargner les épreuves qui l'on conduite à cette fatalité ? Où est ma faute ? Ai-je été trop dur ou trop mou ? Trop sévère ou trop indulgent ? Fallait-il, au lieu de m'inquiéter et de réagir comme je l'ai fait, feindre d'ignorer, d'affecter l'indifférence ?
Mon Dieu, sauve-la, sauvez-moi.

9 février 1944
On l'a sauvée ! Je veux croire qu'elle doit la vie, celle du corps et celle de l'âme, aux deux hommes à qui je l'avais remise. Quelle part attribuer à la science du médecin, au dévouement de ses assistants, de ses internes, aux vertus, aux prières d'un saint prêtre, à l'attouchement de la divine relique ? Je ne veux pas le savoir. Tous ceux qui m'ont aidé dans ce combat terrible, je les remercie du fond du cœur. Il me suffit de constater le miracle. À vues humaines, la Mort devait l'emporter. Une force mystérieuse, qu'il faut bien appeler la Providence, ne l'a pas permis. Comme je le disais ce matin à Mgr Ghika, si je n'ai pas encore retrouvé la foi de mon enfance, j'ai senti ressusciter comme une force de nature, toute mon hérédité chrétienne. N'est-ce qu'un réflexe ? Ou le commencement de la grâce ?
Elle est absoute. Je voudrais l'être aussi. Mon Dieu. Aidez-nous.

14 février 1944
Et voici qu'elle est morte !
Ce dimanche, 6 février, n'était donc pas le jour le plus terrible !
" Arrêt du cœur " dira le médecin dans son certificat de décès. Que dirai-je ?
Cet après-midi, à cinq heures et demie, je la quittais calme, enjouée, souriante, pour descendre à mon cabinet où m'attendait un visiteur.
Deux heures plus tard, nous la retrouvions sans connaissance, peut-être déjà délivrée. Mais délivrée de quoi ?
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