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Citation de genou


Extrait de l'avant-propos

«On est plus souvent dupe par la défiance que par la confiance.»
CARDINAL DE RETZ, Mémoires

Louis XIII régnait, Richelieu gouvernait. Liés à jamais dans l'histoire, ils passent non sans raison pour être à l'origine de la transformation majeure qui fit d'une France encore à demi féodale un grand pays moderne à l'échelle européenne. Mon propos n'est pas d'ajouter un élément de plus au corpus déjà très riche des ouvrages consacrés à leur oeuvre. Je n'en ai ni la compétence, ni le goût. J'ai été frappée en revanche par un aspect très particulier de leur relation. En général, la collaboration prolongée entre un souverain et un ministre implique entre eux un lien personnel, coloré d'affection, n'excluant pas les désaccords mais permettant d'en débattre sereinement. Elle repose sur la confiance. Ainsi en allait-il d'Henri IV et de Sully. Or, de notoriété publique, ce n'était pas le cas de Louis XIII et de Richelieu.
Ils ne s'aimaient pas. Ils ne se sont jamais aimés. Certes ils ont abondamment affirmé le contraire. Mais si cela était allé de soi, ils ne se seraient pas tant évertués à le dire. Ils ont fini par se haïr, tous les contemporains en sont d'accord. «Les défiances augmentaient tous les jours de l'un contre l'autre : en sorte, prétend Montglat, qu'ils se sont fait mourir tous deux» à force de se tourmenter. L'un parlait trop, l'autre pas assez, mais paroles et silences étaient également lourds d'arrière-pensées. Pour évoquer cette relation ambiguë, j'ai choisi un vieux mot dialectal oublié, la malentente. Contrairement à ceux de «mésentente» ou de «malentendu», évocateurs de heurts plus vifs et bien circonstanciés, il me paraît mieux suggérer cette fêlure sournoise qui, sans produire d'éclats, minait sourdement leurs rapports. Comme on le dit très simplement, ils ne s'entendaient pas.
Pourtant nul ne semble s'étonner qu'ils aient assidûment travaillé ensemble pendant dix-huit ans et qu'ils soient parvenus à mener à bien en commun une oeuvre considérable. Comment s'y sont-ils donc pris ? Richelieu s'était déjà posé la question ou, plus exactement, il s'était douté qu'on se la poserait et avait fourni sa réponse : le succès était le fruit de ses efforts incessants pour faire prévaloir ses vues auprès d'un roi hésitant. Et il trouva pour le dire la formule qui fit mouche : «Les quatre pieds carrés du cabinet de roi me sont plus difficiles à conquérir que tous les champs de bataille de l'Europe.» Dans la Succincte narration des grandes actions du Roi, qui ouvre son Testament politique, il prétend avoir été l'homme providentiel apportant au souverain un projet tout ficelé pour remédier aux maux du royaume - largement surestimés pour les besoins de la cause : «Je lui promis d'employer toute mon industrie et toute l'autorité qu'il lui plaisait me donner pour ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des grands, réduire tous ses sujets en leurs devoirs et relever son nom dans les nations étrangères au point où il devait être.» Tant et si bien que les «grandes actions» susdites sont essentiellement les siennes. C'est un peu trop beau et un peu trop simple pour être honnête. D'où l'envie d'aller y voir de plus près et de chercher à comprendre comment fonctionnait cet attelage disparate. Ce livre est avant tout une enquête ciblée, visant un objectif précis où sera concentrée la lumière.
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