Citations de Sofia Aouine (104)
Cette ville nous entasse les uns sur les autres comme dans un grand bain d'amour mais personne ne se parle. On additionne les vies, sous du béton et dans des boîtes à 15K le mètre carré pour avoir l'air d'exister. On paie jusque dans la tombe le droit de vivre dignement. Les âmes sont suspendues les unes aux autres mais ne semblent jamais se croiser. On naît en hurlant pour montrer au monde qu'on est là, et quand la Faucheuse s'installe à nos portes, on hurle à l'intérieur de nous pour ne gêner personne. Parce que ça ne se fait pas. C'est ce que demande cette ville. Il ne faut pas y souffrir. Cette ville est un mac, elle te gère, tu tapines, tu khalasses et tu files droit. Ici on se doit d'être jeune et riche, pas pauvre et pas vieux et surtout pas malade.
A ces générations d'hommes qui souffraient en silence ou le cul entre deux chaises a succédé aujourd'hui un monstre ingérable que ce payx a créé de toutes pièces. Génération avec la rage vissée au corps que les pères et leurs grands frères avant eux n'avaient peut-être pas ou qu'ils cachaient profond à l'intérieur. Un nouvel ennemi intime et invisible, prêt à se faire sauter au nom d'un Dieu qu'ils ne comprennent pas et salissent chaque jour.
"Les adultes oublient toujours leur enfance, c'est pour ça qu'ils deviennent des vieux cons,"
"Les parents perchés dans leurs tours d'ivoire veulent toujours vous faire avouer des choses que vous n'avez pas faites. Mais ils refusent de vous entendre."
"On naît en hurlant pour montrer au monde qu'on est là et quand la Faucheuse s'installe à nos portes, on hurle à l'intérieur de nous pour ne gêner personne. Parce que ça ne se fait pas."
"La dame d'ouvrir dedans m'a dit que les souvenirs traversent la peau des familles. Ce qu'il y a au plus profond reste en nous, à travers les enfants, les petits enfants et les petits-enfants des enfants."
On ne raisonne pas un homme humilié.
La principale religion à la maison s’appelle le silence.
Les adultes oublient toujours leur enfance, c’est pour ça qu’ils deviennent des vieux cons.
La principale religion à la maison s’appelle le silence. Pour éviter les problèmes et espérer être un peu heureux, la tactique à employer est de fermer sa gueule, baisser la tête, raser les murs.
Vous savez, une pute, c'est une belle qui a grandi trop vite. Même si vous pensez que c'est juste une pute, je le sais et je vous le dis, une pute, c'est une maman aussi.
Ma rue raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans.
Je suis arrivé dans ce bordel il y a à peine trois ans et j'ai déjà l'impression d'avoir vieilli de dix piges, rien qu'en me posant sur le square Léon. Juste à regarder les gens. Les enfants on l'air de centenaires. Des yeux de vieux, sur des gueules d'anges. Surtout les petits Noirs. On dirait qu'à force de vivre les uns sur les autres, ils ont une âme pour cinq.
Je suis restée à cette place jusqu'à ce que le sang coule d'entre mes jambes. Quand j'ai grandi, je suis devenue celle que l'on cache. Le père et le frère ont commencé à me regarder comme si je leur cramais le visage. Mon corps a changé. Tout poussait trop vite pour eux et quand la petite fille s'est sauvée, il était déjà trop tard.
Les valises, c'est toujours des souvenirs de vie.
Putain je t'aime ! Il a suffit qu'un jour comme d'habitude je fume mon joint en regardant chez la vieille du quatrième à essayer de mater ses seins quand elle lave le sol. Là, j'ai vu ton visage de Madone, entre toutes les fenêtres, le linge pourri qui sèche, les balcons pleins comme des décharges & des odeurs de gravillon. Un visage de princesse au milieu des ordures. De gros yeux noirs qui mataient dans ma direction. J'étais encore le torse à poil car je venais de me branler devant YouPorn en essayant tout ce que j'avais laissé derrière moi, les potes, ma vie, mon quartier, ma rue d'avant [...] Comment je t'aime ! ...
La dame d’ouvrir dedans m’a dit que les souvenirs traversent la peau des familles. Ce qu’il y a au plus profond reste en nous, à travers les enfants, les petits-enfants et les petits-enfants des enfants.
Certains souvenirs vous consument si vous les laissez enter.
Baba, il est comme tous les pères de mes copains. Ils ne parlent pas , travaillent comme des esclaves, des boulots de merde qui salissent et éclatent votre corps en morceaux. Ils n'embrassent pas, mangent et dorment tout seuls, font l'amour à maman, juste pour enfanter, et des garçons de préférence. les filles, c'est que des problèmes. Ils sont comme des ombres à vivre à côté de vous sans vous voir. Les seules paroles dont on pourraient se souvenir quand on sera plus âgé, ils les prononcent avec leurs poings. Ils vous évitent mais ils tapent fort, très fort, pour dire qu'ils sont là. Si tu dois trouver un sens à ton existence, ce sera dans les coups de ton père.
une fille, ça s'échappe pas. c'est un oiseau dans une cage fermée à double tour. A moi, des ailes me poussent. je me suis souvent blessée en essayant de les couper.
Je cours, je cours, je ne m'arrête plus. Les larmes m'inondent le visage. Le jour se lève à peine et le paysage défile. Du bleu, du vert, du gris, j'en ai plein la tête. J'aperçois enfin l'horizon. Mes pieds touchent l'eau saumâtre de la baie de Somme. Je n'avais pas revu la mer depuis l'enfance. Je cours comme un fou vers le large. Je ne me souviens plus si je sais nager. L'infini m'appelle. Je ne sais que ça. Je plonge la tête la première dans le froid de la Manche en hurlant cette phrase que ma mère me chuchotait tendrement à l'oreille, ces fois où mon père n'en était plus un : "C'est pas grave, fils, quand tu grandiras, tu auras oublié."
J’ai découvert un monde à part. La république des sans-sommeil, ceux qui ne veulent pas sentir la lumière parce qu’ils ont peur de se voir eux-mêmes. J’en ai rencontré des gens, je pourrais pas tout vous dire, mais il s’en passe des choses la nuit à Barbès. Je crois qu’il y a rien de plus beau qu’une ville qui dort. Je cours, je cours, je cours et quand mon coeur est au bord de mes lèvres, je monte sur le toit de mon immeuble pour sentir l’aube qui s’empare de la nuit. Juste les premières minutes. Là, Paris, où j’étouffe, se laisse enfin voir. Loin des abysses du vice et de la morsure du jour qui brûle.
Je ne suis pas un Emmaüs de l'amitié