Le témoignage bouleversant et plein d'espoir du combat d'une adolescente contre l'anorexie mentale.
UNE PETITE VOIX ME DISAIT DE MAIGRIR ENCORE
de Solène Revol
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EN LIBRAIRIE LE 29 MARS 2018
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Depuis quatre mois, pour m'occuper, je lis énormément, et si mon état d'esprit a changé, c'est aussi un peu grâce à mes lectures. Si je pouvais remercier les auteurs directement, je le ferais bien volontiers,. Je ne cesse de relire des phares qui ont du sens pour moi.
"Cela fait trois jours que je suis là et j'ai déjà pris 500 grammes, alors que je n'ai presque pas mangé.
Qu'est ce que ça va être la prochaine fois? A cause de cette biscotte, je vais peut-être prendre 1kilo! C'est horrible.
Des calories, encore des calories. Non, non, non!
Je ne peux pas accepter ça. Tant pis, je vais faire du sport, je dois rattraper mes bêtises.
Déjà trente minutes d'exercice entre la gainage, les abdos et les pompes. J'intègre les squats; c'est peut-être suffisant pour la biscotte, je vais m'arrêter là."
Maman nous propose ensuite un Magnum en dessert, sachant que je suis fan de ces glaces. Depuis toute petite, c'est mon plaisir de l'été, mais aujourd'hui je refuse. Ce n'est pas que je n'aime plus, mais avec la rentrée qui arrive, je vais éviter. Et je suis bien contente que maman n'ait pas l'air de se poser de questions, car je n'ai pas envie que quelqu'un insiste pour m'engraisser, ce n'est pas le moment. D'ailleurs, cette après(midi, je ferai quelques abdos...
J'ai commencé à vouloir perdre un peu de poids et, progressivement, je me suis transformée. C'est comme si j'avais enfilé un masque, revêtu le costume de la maladie. Je n'étais plus moi-même. Il ne restait plus aucune partie de moi pour dire : "Oh, qu'est-ce que tu fais ? " Je m'imposais des choses terribles et rien ne pouvait changer ça. Je fermais la porte ne à une, je n'avais plus aucune liberté.
- Ça va? Tu as mangé, ce matin? fais attention tu ne vas pas tenir très longtemps, Solène.
Je ne réponds pas, je ne veux pas avoir à mentir encore une fois. C'est déjà si difficile. ce matin, j'ai réellement mangé trois céréales que j'ai eu du mal à avaler. Tout ça parce que, hier, j'étais tellement fatiguée que je ne suis pas allée à mon entrainement de basket. Du coup, après, j'étais bloquée pour les repas.
" Tes copines ont brulé des calories alors que toi tu te la coulais douce. Tu ne mérites pas tes céréales."
Je me sens tellement coupable d'avoir renoncer à courir.
Tout ce que je veux, dans le fond, c'est garder la maîtrise de quelque chose et ne pas, là encore, me sentir dépassée par les événements.
Et si c'est aussi important pour moi, c'est parce que, contrairement à ce que je pensais, je me rends bien compte que je n'ai plus aucun contrôle sur ma vie et sur mon corps. C'est un véritable échec… Ce mal-être constant que je ressens me prouve bien que j'ai encore un bon bout de chemin à parcourir avant de m'accepter. Je suis un peu perdue… C'est comme si tous mes efforts ne servaient à rien. J'ai l'impression que tout m'échappe
En fait, mon père est comme moi, impulsif. Nous n'aimons pas les conflits, mais à force d'encaisser on finit par craquer. Cela m'a d'ailleurs coûté quelques embrouilles, deux ou trois fois, avec des amis.
Mon frère se sert direct des quenelles, Papa me sert et m'en propose trois.
- Non, deux pour l'instant, je verrai après...
" C'est trop, ta mère n'a pas mangé autant! grosse vache!"
Je termine mon assiette et Papa me regarde.
- Tu prends quoi, maintenant? C'est juste pour savoir si je termine les pâtes ou si je t'en laisse.
- Non, je vais passer au yaourt, je n’ai pas très faim.
- Tu en es sure?
- Oui, j'ai fait un gros gouter tout a l'heure !
C'est évidemment faux. Je me déteste de mentir comme ça, ....
Je me dirige vers la douche après notre tour de huit kilomètres. J'aime bien prendre mon temps, trainer un peu avant d'y aller. Aujourd'hui c'est bizarre, cela fait un moment que je ne l'ai pas fait, mais j'ai envie de me peser : 52.3 kilos. Mon poids normal. Enfin j’enlèverais bien 1 ou 2 kilos. Oui; 50 kilos, ce serait parfait, histoire que je perde un peu mes hanches et surtout ces cuisses que je n'aime pas. Bon, allez, c'est décidé, je perds 2 kilos pendant l'été. On va voir si j'y arrive.
Le plus difficile va être le beurre, mais je vais le faire. Je le découpe en quatre morceaux de grosseur identique et en étale un sur une biscotte.
" C'est de la matière grasse, tu en as trop, tu n'as pas besoin de tout ça. Tu vas grossier. TROP, TROP, TROP !"
Je suis incapable de toucher aux trois bouts restants, alors je récupère le beurre sur la biscotte déjà tartiné pour l'étaler sur les autres biscottes.