Une femme croisée un jour m’avait dit « J’ai compris très jeune que je n’avais pas de conversation ». Je me souvenais toujours de cette phrase lorsque je retournais en pensées au Papillon. Nous avions des conversations, mais nous aurions tout aussi bien pu ne pas en avoir. Ce n’était pas l’important. Nos rendez-vous quotidiens – qui, précisément, ne nécessitaient jamais de prendre rendez-vous, on y allait, ou pas – constituaient surtout notre manière d’appartenir à une histoire.
La plupart d’entre nous travaillait en free lance, pigiste, intermittent, nous avions plusieurs employeurs et pas de vie de bureau. Sans doute était-ce la raison pour laquelle nous nous autoproclamions collègues d’apéritif, nous créant une vie de bistrot, avec ses propres règles et parfois ses contraintes.