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Critiques de Sonia Dayan-Herzbrun (2)
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Rien qu'une vie

Des mots de résistance, d’espérance, d’inquiétude, et la soif d’apprendre



De la courte préface de Souleymane Bachir Diagne, je souligne quelques éléments. « La vie de Sonia Dayan-Herzbrun vaut témoignage ». Le préfacier parle, entre autres, d’humilité, de culture juive germanophone de la Mitteleuropa, des Palestiniens, d’un passé détruit, d’engagement et de commencement, « qu’elle était née à elle-même, qu’elle s’était donné son propre commencement », de révolution fondatrice, « La vie pensée n’est pas une narration linéaire d’évènements mais d’abord un foyer d’où irradie son sens en arrière et en avant », de féminisme et d’universel, « le féminisme n’est universel que si cet universel est compris depuis le pluriel de ses expressions à qui il donne un horizon commun », de philosophie de la relation et de la créolisation, des visages multiples « de notre commune condition humaine »…



Si la lecture d’un livre est toujours en partie personnelle et subjective, cela est encore plus vrai pour une biographie. La confrontation au récit d’une autre personne à ses environnements et à ses choix résonne, en décalage plus ou moins étendu, avec mes propres confrontations aux autres et certains de mes choix. Ma lecture sera donc partielle et partiale, posant des regards sur des « petites choses » sans négliger des lignes d’engagement (que, dans un contexte historiquement et socialement un peu distinct, je partage sur le fond avec l’autrice



Récit de vie, options majeures structurant les engagements intellectuels et politique, tri et organisations des souvenirs, des regards, des voix, des paysages. En avant-propos, Sonia Dayan-Herzbrun parle de la manière dont elle a pu « lentement et douloureusement, s’octroyer le droit de penser et de théoriser », un droit que la société et la majorité des hommes ne semblent pas vouloir accepter pour les femmes. L’autrice discute des marges, d’effraction, d’autonomisation, de subjectivité, « Je suis profondément convaincue qu’on ne peut véritablement penser qu’à partir de l’expérience, à condition toutefois que celle-ci s’efforce d’être communicable et surtout parvienne à s’universaliser, au moins de façon provisoire », de réflexion et de remémoration, de bricolage et d’effort de distanciation, de « je » et de se trouver « face à moi-même », du comment « une petite réfugiée apatride et apeurée était devenue cette dame qui prenait tant de plaisir à la rigueur de la pensée et à la musique des mots », des proches et de leurs encouragements…



Le féminisme : une entrée en résistance et « une seconde naissance », une occupation d’école maternelle, Delphine Seyring, l’engagement au sein d’un collectif, les interdits et les mondes, l’« oubli de soi », les femmes dans d’autres régions, les lectures et les rencontres, l’expérience de « la difficulté d’être femme », les contacts avec les garçons, « On ne parlait pas encore de harcèlement sexuel. Mais les faits étaient bien là », la question de son propre désir, l’égalité qui « n’aillait socialement pas de soi », les constats « progressifs, douloureux et humiliants », les contradictions entre les principes libertaires et égalitaires et l’attitude des hommes à l’égard des femmes et à l’égard de « leur » femme, L’ennemi principal de Christine Delphy, la question de la maternité et l’hostilité manifesté par beaucoup, le « sexage » de Colette Guillaumin, les femmes et l’international, « Nous étions prises dans une grande utopie émancipatrice qui visait à transformer radicalement la vie privée, les rapports sociaux et même l’organisation de la société », les groupes de parole, les mots « sur ce que nous n’avions jamais été autorisées à nommer », la possibilité d’agir collectivement, le passage du « je » au « nous », les problèmes collectifs et le renvoi de chacune « à la gestion individuelle de sa progéniture », la présence des femmes au sein du mouvement universitaire, « Nous voulions nous faire entendre et nous rendre visibles comme femmes », les chercheuses et l’université, la construction sociale de la « féminité » et la hiérarchie sociale, l’inséparable « militantisme et recherche », l’élan utopiste brisé et le passage « d’une quête d’émancipation et de transformation radicale de la société, à une demande d’égalité des droits », la corporéité, « le corps, cependant, ne constitue pas un donné biologique fixe qui impose un destin », l’article « La production du sentiment amoureux » (voir lien ci-dessous), les impact de la vie, un mode de domination complexe, « Je conçois la domination comme une tension, où joue une constellation de facteurs toujours en mouvement, ce qui laisse place aux multiples formes de résistance et de ce fait à l’histoire », le sens du mot politique, la non-mixité, « A travers cette parole libérée puisqu’elle ne subissait plus l’inhibition de la présence des hommes, nous avions enfin la possibilité de réfléchir en commun sur l’affectivité, le rapport au corps, au travail, en prenant conscience de ce que nous désirions et que nous voulions, et en élaborant des stratégies communes pour y parvenir »…



La philosophie et la sociologie, « La pensée et le savoir étaient énoncés par des hommes, depuis leur position d’hommes, avec leurs privilèges d’hommes qui avaient toujours des femmes à leur service pour accomplir ces tâches du quotidien sans lesquelles la vie et sa perpétuation sont impossibles », la ségrégation sociale, l’université et les représentant·es de la glaciation stalinienne, la lecture d’Edward Saïd, l’ambivalence et la complexité des rapports de domination, la guerre au Vietnam, « Mon engagement n’a jamais été exclusivement féministe ». Loin des actuelles mutilations des espérances, « la transformation des rapports au privé, au politique et au savoir », le lien entre épistémologie et politique, la critique du biais colonial et du biais androcentré, le carcan du cadre disciplinaire de l’université, Theodor Adorno…



Le féminisme et les religions, le féminisme et l’islam, l’occultation du racisme, l’histoire de l’adhésion de femmes au nazisme, l’Algérie, « le poids d’une sécurité militaire qui menaçait, torturait, assassinait et contrôlait communication et communicants », les visions occidentalo-centrée, une conception falsifiée de la laïcité, les fils emmêlés de « la question politique et coloniale et de la question du genre », un couvre-chef et les violences, « se couvrir ou non les cheveux, ou autre chose, obéit à un code qui varie selon les temps et les lieux », l’Albertine de Marcel Proust, la sexualité et « la menace que le sexe fait peser sur la société et sur la politique », l’impensé colonial de la France. L’autrice souligne qu’à travers « la question des codes vestimentaires et des normes de comportement, c’est la conception de l’universel qui se trouve interrogée » et parle d’universel comme horizon, de pluriversel. Il y a ici une notion qui me paraît plus appropriée que des positionnements oubliant la place sociale et le moment d’énonciation (point de vue situé) et l’historicité des rapports et des phénomènes sociaux dont les normes auxquelles nous nous conformons.



J’ajoute que les parures, les vêtures, les présentations de soi sont fortement sexuées dans la très grande majorité des sociétés. Et si cela nous renseigne sur les rapports sociaux, cela ne nous dit que peu de chose sur les choix individuels, les contraintes et les négocations avec les normes dominantes, les contradictions qui nous fracturent.



L’autrice aborde les discours des hommes sur les femmes et les féminins, le droit « que les homme s’arrogent d’évaluer le corps des femmes », les revendications du droit de porter un foulard, les hommes, « Ils ne sont pas mieux chez toi qu’ici », le mouvement de libération des femmes « un mouvement vers, jamais achevé et donc avec une forte charge d’utopie », le droit de décider, le genre, « A l’évidence, c’est l’ensemble des sciences sociales et de la philosophie qu’il fallait aborder autrement en y faisant apparaître la dimension du genre, avec pour conséquence une entière réélaboration et une relecture critique des auteurs du passé », le masculin et le féminin, « la manière dont cette catégorisation opère dans les symboles et l’effectivité des rapports sociaux ».

Elle parle aussi d’inquiétude, de soif d’apprendre, d’impulsion à ne jamais rester purement spectatrice…



Je n’ai que peu de sensibilité envers les dimensions mystiques, que cela soit celles du judaïsme ou de l’islam, sans parler des autres religions. Je conçois cependant la place que cela prend dans la vie de beaucoup. Les pages écrites sur ce thème me semble bien dignes d’intérêt pour ce qu’elles décrivent en complexité et en espérance. Lontano Da Dove. Le judaïsme messianique à connotation libertaire, l’histoire familiale et personnelle, ces frontières « faites pour être franchies, non dans l’errance, mais dans la rencontre », Ernst Bloch et le principe espérance, l’injonction à l’étude, le monde du transbord et de l’archipel, Dieu « la Loi, mais pas la terre », le judaïsme, l’enfouissement d’une part de son histoire, « C’était comme si je devenais marrane à l’intérieur de mon propre foyer »…



Survivre en temps de guerre, lorsque les frontières se ferment, lorsque les lois discriminatoires (« ne pas traiter les êtres humains à hauteur d’humain ») envers les personnes juives se multiplient, les camps en France comme Risevaltes, les transferts, « Il m’a fallu désormais vivre avec le sentiment d’avoir échappé à la mort, et avec la pensée lancinante que les autres n’avaient pas eu cette chance ». L’autrice aborde les disparitions qui la hantent, l’absence de mots à mettre sur certaines réalités, celles et ceux qui résistaient, la survie coute que coute et sa contrepartie silencieuse, « Pour continuer à vivre, il fallait se protéger d’un trop plein d’émotions et se concentrer sur le présent », le monde d’après, la fin de l’amnésie, l’Aufklärungallemande, « Comment, au-delà de la survie, devenir sujet de sa parole, de son écriture et de son agir ? »



L’enfance, appréhender et comprendre le monde qui nous entoure, le mariage et une période d’inhibition, l’écartèlement « entre la nécessité de me conformer aux normes et l’impossibilité de renoncer à moi-même », la réduction au rôle d’épouse et faire-valoir, les livres et ce que l’on vit, la décision de vivre et « donc de changer totalement », l’espace intérieur dont on forme la porte, La chambre à soi de Virginia Woolf, les recherches, les lectures, les interprétations, les hypothèses, le travail solitaire, la mémoire du mouvement ouvrier, la ruse des dominé·es et la transgression du silence…



J’ai notamment apprécié les pages sur la colonie, les entreprises coloniales, les mobilisations collectives et individuelles, la revue Tumultes, les processus de racialisation, le dépouillement « de leur accès propre à la parole et à la connaissance », les personnes différentes mais semblables, « je partais à ma propre rencontre », la mise en mots de l’indicible, la douleur permanente, « le fait que le judaïsme puisse aujourd’hui justifier une politique de colonisation, d’asservissement et d’apartheid », les chemins de traverse, les lieux de production de l’« universel », la soi-disant « mission civilisatrice » de la république colonisatrice, les regards et les absences de regards portés sur les personnes colonisées, le contrat social comme « contrat racial », le « blanchissement » des Juifs, être « paria et parvenue », le protéiforme racisme et son historicité, les remarques qui nous renvoient « à ce qui se donne comme une différence irréductible »…



Sonia Dayan-Herzbrun discute aussi des questions d’épistémologie, des énoncés vraisemblables, de la mise en cause des évidences, de connaissances, de contestation et de dissonances, « Nous nous trompons d’autant plus que nous nous assoupissons dans nos certitudes », du bonheur « absolu de l’imaginaire »…



Engagement et réunification de soi, l’autrice parle de maternité, de rapports aux enfants, de vie amoureuse, de vie professionnelle, des ménagements progressifs dans la douleur, des entraves à la jouissance d’un espace et d’un temps à soi, « Les hommes qui créent ont une femme, ou plusieurs. Il ne reste aux femmes que d’être leurs propres femmes », l’injonction de se « marier vierge à un garçon juif et d’avoir des enfants », les fossés soi-disant infranchissables, la fable politique de l’origine unique, les marges et le rapport de « dedans-dehors », le sentiment d’être harcelé·e « par je ne sais quel monstre », les amours, les mises en scène des hommes de pouvoirs « leur virilité et leur puissance », le « racisme récréatif » et le « sexisme récréatif », les femmes ramenées à leur seul sexe, le luxe, « Je me suis offert le luxe dangereux de gérer mon propre temps et de refuser cette disponibilité permanent qu’on attend des femmes », la sociologie et les portes de la chambre à coucher, l’adultère, « L’adultère réaffirme la norme du mariage monogamique, et comme toute infraction il est révélateur de la loi »…



Dans les derniers chapitres, l’autrice aborde, entre autres, les noms que l’on porte et ces noms qui vous portent, la désignation des femmes, les couches du passé enroulés en spirale, l’être au monde, le croisement de tous les fils pour aborder la réalité, la réflexivité, l’hospitalité, la non-violence « imposée aux plus faibles, mais non aux plus puissants », la rencontre avec la Palestine, « Les figuiers de barbarie poussent sur les ruines », un texte signé « en tant que juif », l’expulsion violente des populations palestiniennes en 1948, « l’histoire de ce qu’il a bien fallu appeler un nettoyage ethnique », les séjours et les rencontres, la répression et les résistances, la paix comme slogan d’injustice, la guerre et le genre comme catégorie politique, « le féminin c’est ce qu’on peut dominer et, réellement ou métaphoriquement, pénétrer, violer », l’envers du décor de l’université, l’espérance, la dissociation entre citoyenneté et nationalité, la multiplicité des appartenances et des affiliations, l’inexorable finitude.



« D’une certaine manière, je n’ai jamais réussi à changer, quand beaucoup dans ma génération ont abandonné les utopies qui nous animaient. Je suis parvenue au terme de ce livre, à comprendre le projet qui m’a portée et qui donne unité à tout ce que j’ai, jusqu’à présent, tenté de penser et d’écrire ».



Il est somme toute assez rare que les personnes engagées socialement, intellectuellement ou politiquement, abordent le coté intime de leur vie, les faiblesses et la force, les contradictions et les frictions, la « banalité » des quotidiens. A cette lecture chacun et chacune sera confrontée à son propre intime, à ses difficultés, à ses renoncements ou ses petites lâchetés. Le personnel est politique, trop de militant es se cachent derrière leurs dénis. Un ouvrage du coté de la vie, des engagements, de l’enfance toujours là, « avec ses curiosités et ses étonnements », de l’espérance et de l’esprit sensible.




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Femmes et politique au Moyen-Orient

Pour un véritable universalisme prenant en compte la totalité des rapports de domination, condition sine qua non d’un internationalisme authentique



Loin du rejet des complexités et des aspects contradictoires des réalités, Sonia Dayan-Herzbrun propose, dans ce recueil, quelques études sur le thème « Femmes et politique au Moyen-Orient ».



Dans son introduction, « Féminisme, politique et nationalisme dans le monde arabe », publiée avec son aimable autorisation (lire sur "entre les lignes entre les mots"), l’auteure souligne l’importance du féminisme pour la compréhension des réalités sociales, « Le féminisme, mouvement social et poli­tique, a introduit un paradigme nouveau dans les sciences de la société »… Elle parle, entre autres, de la visibilité de la place des femmes, des multiples formes de domination et de résistance, « les rapports de domination sont faits de tensions, de lutte, de résistance et de compromis », d’historicisation, de complexité… L’auteure critique les perceptions de sujet « comme un tout anhistorique » et y oppose « l’analyse de situations sociales précises ».



Sonia Dayan-Herzbrun analyse particulièrement la naissance de mouvements « nationaux » en Egypte et en Palestine, la présence de minorités religieuses, la participation « précoce » des femmes aux luttes…



Je souligne les paragraphes sur les luttes de libération nationale, les mouvements féminins s’auto-désignant comme féministes, la place du droit de vote, la participation aux luttes politiques, l’aveuglement aux souffrances des autres, les atteintes aux droits des femmes et leur lien avec les atteintes contre la démocratie.



Je partage son opinion sur l’occultation des « divisions, des luttes et des ruptures, que ces divisions passent entre les classes ou les sexes » dans l’affirmation nationale énoncée comme une revendication, sur les rapports entre passé immémorial fantasmé et modernité, « On constate, une fois de plus, que ce n’est pas seulement par leur invisibilisation, mais aussi et parallèlement par leur glorification mythique que les fem­mes se trouvent instrumentalisées ».



J’ai notamment été intéressé par les analyses de la première Intifada (1987-1991), « l’irruption et la tentative de prise du pouvoir politique par les groupes dominés de la société de la Palestine Occupée : les jeunes et les femmes », puis une mise à l’écart devant « donc être interprétée comme le signe de la réacti­vation des vieux liens claniques et patriarcaux », la place des lieux de socialisation masculine non ouverts aux femmes (comme les cafés), les violences spécifiques subies par les femmes…



Des questionnements aussi, sur des silences assourdissants, comme par exemple : « Comment partager la lutte des hommes, comment refuser le regard de mépris jeté par la plupart des occidentaux sur les sociétés arabes ou musulmanes, et ne pas occulter les problèmes les plus difficilement avoua­bles — la polygamie, bien sûr, mais aussi les diverses formes de violences familiales : les coups, les assassinats, l’inceste, etc. ? »



Sonia Dayan-Herzbrun termine son introduction en précisant l’objectif de son ouvrage : « L’analyse des rapports de genre doit donc toujours être liée à celle de l’ensemble des rapports de domination, et à celle des proces­sus de démocratisation ouvrant le passage d’une démocratie formelle à une articulation de la liberté et de l’égalité dans les rapports qu’entretiennent les sociétés entre elles, les groupes plus restreints, mais aussi les êtres humains ».



Je n’aborde que certains points, subjectivement choisis.



L’auteure traite des liens entre nationalisme et féminisme à travers l’exemple de Huda Sharawi, féministe égyptienne. Elle aborde les questions du harem, du voile, du statut inférieur des femmes, la réclusion des « grandes dames » et leur intense activité économique, la polygamie ostentatoire, le tabou de la sexualité, le dévoilement ostentatoire choisi, les femmes pacifistes réclamant le droit de vote, le nationalisme égyptien, les usages matrimoniaux faisant « fi des désirs individuels », le Comité central des femmes du Wafd, le lancement d’une revue explicitement féministe, « l’ambivalence non encore résolue des luttes nationales qui nourrissent le combat des femmes pour leur émancipation et en même temps l’étouffent »…



Sonia Dayan-Herzbrun revient sur la construction de la laïcité en France « contre le pouvoir politique mais surtout éducatif de l’Eglise catholique », des débats de femmes musulmanes en congrès (2002) « synthèse étonnante entre féminisme, libéralisme et islam » et en particulier sur quatre points principaux d’une résolution : « le droit, mais non l’obligation, de porter le « hijab », le droit à la contraception et à l’avortement, la discrimination au travail, et la violence domestique », des rapports entre Etat et pratiques et institutions religieuses, des projets dans « lequel l’islam prime sur l’Etat démocratique et multi-confessionnel », des différences entre la première et la seconde Intifada, de l’islamisme, de la nécessité à aborder politiquement les partis et mouvements se réclamant de l’islam, de groupes islamistes qui « sous le prétexte fallacieux de rigorisme musulman, s’efforcent ainsi de dénier aux femmes toute autonomie et peut-être toute véritable humanité », de l’instrumentalisation de l’affirmation identitaire nationale et religieuse, de la subordination des femmes, d’engagement religieux de type nouveau…



L’auteure rappelle que « les droits obtenus par les femmes dans les pays du Nord ont été l’aboutissement, encore inachevé d’un véritable mouvement social et d’un long processus démocratique ». Elle souligne l’incompatibilité entre l’islam politique qui se réclame du califat mythique et l’établissement d’une véritable souveraineté du peuple.



L’analyse des « Femmes dans l’Intifada (1987-1989) » me semble remarquable, loin des imageries habituelles et loin de la réduction des femmes palestiniennes au « palestiniens » y compris dans les groupes prônant l’émancipation… L’auteure parle de « projet moderne » de l’OLP, de fin de l’exclusion des femmes de la sphère politique tout en ajoutant que ce « n’est pas un projet égalitariste dans la mesure où il ne touche pas au privé », des femmes palestiniennes dans la lutte, de la première Intifada essentiellement non-violente, de « l’organisation du self-help qui était déjà un élément central de la résistance », de la visibilité croissante des femmes, de la présence de normes faisant obstacle « à une interrogation radicale des rapports hommes-femmes dans le privé et la sexualité »…



Les évolutions, (les droits des femmes sont toujours réversibles), sont accentuées par la répression et la violence, le primat du corps de la nation sur le corps des individus surtout lorsqu’il s’agit de celui des femmes, l’écrasement des émancipations possibles par les « demandes » de sacrifice des femmes à l’autel de la lutte nationale… L’auteure insiste sur les contradictions toujours présentes et l’humour des palestiniennes disant que « l’ombre d’un homme est préférable à l’ombre d’un mur »…



Je signale le chapitre sur les cheveux coupés, les cheveux voilés, le traitement différentiel du sytème pileux masculin, les coutumes réelles, les codes sociaux, le voile comme « scansion du temps » (temps individuel et temps social), exclusion de l’espace public et moyen de circulation dans cet espace, instrument de contrôle social et manifestation d’autocontrôle et donc de statut social… L’auteure aborde les processus de dévoilement et de re-voilement, la coexistence « de femmes qui choisissent librement de se voiler et d’autres qui y sont contraintes », l’imposé « sans qu’il soit tenu compte du désir de chacune des femmes », le voile comme « objet de revendication et de stigmatisation », la fascination et les fantasmes sur l’orient, l’érotique (toujours masculine) de la dissimulation, les images en miroir…



Sonia Dayan-Herzbrun analyse le voile islamique en France et ses enjeux, le dévoiement de la laïcité et son utilisation contre un groupe minoritaire, sans négliger les dimensions de discriminations sexuelles, de mixité, de contestation de « la valeur universelle des pratiques de l’Occident contemporain », les paradoxes du voile comme privilège et entrave de mouvement… Nous sommes ici loin des interprétations univoques des un-e-s et des autres.



Dans le dernier chapitre, « Dire ne pas dire les sexualités », l’auteure parle de sexualités et de déni de la sexualité, de pénétration et de domination, de parole crue et de sa circulation, de jouissance des hommes, d’intime rejoignant le politique.



Je ne peux que conseiller la lecture de cet ouvrage, jamais simplificateur, posant des questions difficiles, mettant au centre des analyses la situation des femmes et leurs luttes, en prenant en compte l’imbrication des rapports sociaux et en préservant la tension vers un universalisme concret.
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