Tous les personnages de Sonia Ristic, autrice de Des fleurs dans le vent, lauréate du prix Hors Concours 2018, sont engagés. Tout comme son éditeur, Armand de Saint-Sauveur, qui revient pour nous sur les livres qu'ils publie.
Je suis sûre que tu finiras par tomber amoureux de Belgrade. C'est une ville plutôt moche à première vue mais qui a en vérité un charme fou. L'ambiance y est très particulière, joyeuse, pétillante, et il y a une vie culturelle extraordinaire. Et puis, j'aimerais que tu rencontres ma tribu, tous mes amis. C'est important pour nous, pour notre avenir, que nous puissions nous ancrer dans la "vraie vie", se voir dans nos quotidiens, expérimenter autre chose que des parenthèses enchantées.
Toute cette histoire est soudainement devenue si compliquée, je ne sais pas quoi en penser, à vrai dire. J'ai l'impression d'être en proie à une tornade d'émotions contradictoires et de ne pas me retrouver dans mes propres sentiments.
C'est de cela qu'elles parlent en premier, commentant la répétition à laquelle elles ont assisté, et puis ça les mène aux livres qu'elles viennent l'une et l'autre de terminer, puis à ceux qu'elles ont lus il y a longtemps mais qui les ont marquées, et encore tous ceux qu'il leur reste à lire.
J'ai fait de mon mieux, j'ai oeuvré à me maintenir à la surface, j'ai appris à tricoter de la joie à partir de petits riens.
En vérité, toutes sont avides de m'entendre raconter les détails croustillants, mais en bonne écrivaine, je sais ménager le suspense et ne leur livre le récit de nos folles aventures que par courts épisodes.
Un ami écrivain qui se reconnaîtra me maintenait il y a quelques temps que l'écriture était le lieu de la vérité absolue, de la mise à nu de l'âme, alors que je crois qu'au contraire, elle est le royaume du mensonge, ou pour le dire sans jugement moral, celui de l'arrangement. Qu'écrire n'est rien d'autre que bâtir des mythes et élaborer des légendes - jouer à se faire peur - pour pouvoir regarder en face les douleurs qui nous ont façonnés.
J'ai écrit pas loin d'une cinquantaine de textes différents, or je ne sais toujours pas ce qu'est censé être de la "bonne littérature". Si on m'invite dans des librairies et des médiathèques, qu'on m'accorde des bourses et des résidences, qu'on me fait parfois l'honneur d'un papier élogieux, ni chiffres de ventes conséquents ni prix convoités ne sont jamais venus me faire croire que la littérature se portait mieux grâce à ma contribution.
Au bord de la route, tous les cent mètres, des gens vendent de l'essence de contrebande. Aucun n'a la tête de l'emploi, aucun ne ressemble à l'image qu'on se fait d'un contrebandier. Ils ressemblent à mes profs de lycée, à mon dentiste d'enfance, à la bibliothécaire de mon quartier.
L'amour de ma vie, c'est ce que je suis en train de faire. C'est l'écriture. Tout le reste que j'ai vécu et qui me reste à vivre n'est là que pour alimenter l'écriture. p. 93
Février était maussade, comme toujours. Froid, pluvieux, déprimant.
J'avais probablement foiré mes partiels, je n'avais pas vraiment de maison et, pour couronner le tout, voilà que je devais retourner à Belgrade, pour une sordide histoire d'héritage.