Sophie Bacarisse

Elle aime regarder les gens, chacun a son histoire dans les halls de gare. Il y a ceux qui attendent l’arrivée de personnes chères, on les remarque souvent à trépigner beaucoup trop tôt devant les arrivées, les mêmes qui quelques heures avant, lisaient et relisaient les mêmes panneaux affichant les arrivées, comme si le temps allait ainsi passer plus vite.

Nombreux sont ceux qui partent en vacances, ils sont excités, bruyants et donc rarement discrets. Ils aiment d’ailleurs saisir la moindre occasion pour vous livrer leur futur périple, comme un trophée que l’on affiche bien en vue chez soi. D’autres sont en souffrance, ils quittent leur nid pour aller trop loin ou partir trop longtemps.

C’est ainsi que leur rapprochement a commencé, une complicité fructueuse, une passion partagée qui commence à les unir. Les jours passent, tous plus harmonieux les uns que les autres, comme une symphonie bien orchestrée.  Puis, les sentiments ont commencé à se mêler à leurs travaux, chaque mot, chaque geste était interprété par Sarah comme une invitation à plus d’intimités. Le quotidien, jusque-là pesant par ses enjeux devenait pétillant, léger, voire magique. Sa naïveté cultivée par son jeune âge et certes imprégnée par un trop de fictions romanesques, la menait à espérer davantage de la part d’Andréas. Elle était fascinée par tout ce qu’il était. Toute l’attention était toujours tournée vers lui, il attirait tous les regards, impressionnant naturellement par son charisme exceptionnel. La peau dorée, les cheveux bruns et une voix grave et vibrante faisaient de lui un homme viril et très séduisant.

Le danger, c’est de décevoir les personnes dont la démarche est innocente, comme ce qui vient de se passer avec Andréas. Il avait pris soin de ses fouilles en lui faisant bénéficier d’une technologie qu’elle n’aurait jamais utilisée sans lui, il avait tout organisé pour elle, ce petit déjeuner très touchant, jusqu’au béret

Les constructions sont plus anciennes que les pyramides d’Égypte, leurs civilisations précèdent celles des Mayas. Il faut replonger 12 000 ans en arrière,  les hommes en sont à l’âge de pierre, bien avant la découverte de la poterie, l’écriture, et la roue.
Pour les hommes de cette époque, tout n’est que survie, chasse et cueillette, puis soudain, à l’échelle des millénaires,  l’évolution de l’humanité s’accélère. Pourquoi ? Quel évènement est à l’origine de ce spectaculaire changement ? Sarah, tout comme chaque archéologue ayant connu ce site, voudrait apporter sa pierre à l’édifice, aider à trouver des réponses logiques, basées sur la science humaine.

Tout semble pouvoir être une opportunité pour s’abandonner aux rêveries.  C’est étrange ; son amour pour l’ancien n’apparait pas ici, leur magie n’opère que dans la salle de Sarah, avec le passé des autres gens, un passé qu’elle leur envie peut être, cloisonnant le sien dans un appartement sans âme. Dans sa chambre, on y trouve des valises jamais totalement défaites, ou rangées, Sarah préfèrera dire qu’elles sont sur le départ, sans destination précise mais dans la promesse d’un voyage imminent.

Sarah, dont la jeunesse était bercée par les chansons d’amour était une femme naïve en recherche de soutien, de valorisation pour se construire. Archéologue en herbe, elle avait pourtant commencé les fouilles seule, certainement que son célèbre nom lui valait ce privilège. Elle avait donc très vite pris conscience des nombreux enjeux qui se trouvaient devant elle.

À chaque raisonnement lui reviennent ses craintes, comme un écho à son passé qu’elle ne maitrise pas. Elle est partagée entre le souhait de se protéger d’Andréas et lui prouver son détachement, lui montrer qu’aujourd’hui, elle n’est plus la femme vulnérable dont il a profité.

« Il faut apprendre de ses erreurs, les succès ne nous apprennent rien ».