Présentation de Sophie Chassat sur "la profondeur du superficiel" lors de la 4e édition des (im)pertinents le 21 février 2013 à L'Express
"J'ai parcouru les dictionnaires au mot Gourmandise, et je n'ai point été satisfait de ce que j'y ai trouvé. Ce n'est qu'une confusion perpétuelle de la gourmandise proprement dite avec la gloutonnerie et la voracité : d'où j'ai conclu que les lexicographes, quoique très estimables d'ailleurs (...) ont oublié, complètement oublié la gourmandise sociale qui réunit l'élégance athénienne, le luxe romain et la délicatesse française, qui dispose avec sagacité, fait exécuter savamment, savoure avec énergie, et juge avec profondeur : qualité précieuse, qui pourrait bien être une vertu, et qui est du moins bien certainement la source de nos plus pures jouissances."
extrait de :
Jean-Anthelme Brillat-Savarin, La Physiologie du Goût
Vous n'êtes donc pas obligé de reconnaître que vous avez tort ni que l'autre a raison. Cependant, vous l'aurez compris, vous n'avez pas non plus le droit e dire que c'est vous qui avez raison et l'autre tort : il faut suspendre votre jugement, c'est le revers de la médaille... !
Cultivons notre élan vital. La vie ne vaut pas d'être vécue en mort-vivant. (p. 15)
Comment résorber cette division schizophrène, comment unifier cette hydre à deux têtes que nous sommes ? Par le jeu, répond Schiller.
Celui-ci est en effet le paradigme qui permet de penser une activité pleinement humaine, faite en même temps de contrainte et de liberté ;
on joue avec des règles du jeu sans connaître l'issue du jeu - tout peut advenir, mais pas n'importe comment.
D'autres contraires s'harmonisent à travers le jeu, ainsi la matière et la forme : quand nous jouons, nous investissons et trans-formons des matériaux et objets mis à notre disposition ou des conventions ludiques (un terrain de jeu), réconciliant en toute souplesse nos deux tendances sensible et raisonnable, installant entre elles un "jeu" au sens où l'on parle en mécanique du "jeu" entre deux pièces.
Derrière tout jeu, il y a donc un enjeu (c'est d'ailleurs pourquoi nous nous prenons généralement au jeu) : rien moins que l'unité de notre être.
L'élan vital se manifeste quand nous coïncidons pleinement avec ce mouvement de la vie en nous, quand nous ne faisons plus qu'un avec l'impulsion génératrice de vitalité qui est en nous. L'élan vital, c'est quand "ma" vie s'ajuste avec "la" vie, quand les deux se recoupent sans distinction possible : mon mouvement propre concorde avec le mouvement universel du vivant, toute impulsion mienne est aussi excitation de la vie en général. De là, cette impression d'un "surcroît" de vitalité et le sentiment d'être portés par un mouvement qui, pour inhérent qu'il soit, nous entraîne cependant au-delà de nous-mêmes : l'élan vital fait participer d'une dynamique qui est à la fois intime et débordante, il surgit en somme quand "Je est la vie", quand "la" vie est en "moi". (p. 21)
[...] le mouvement spontané caractérise la vie. (p. 20)
Tout (re)commence par le corps, car la vie n'est pas éthérée, la vie est matérielle. Son mouvement de création incessante se nourrit du plus tangible. La pensée peut ainsi se révéler parfois le plus grand ennemi de l'élan vital, lequel est simple, brut, en ce qu'il va droit au but : ce qui l'intéresse, c'est la vie et son expansion, point. (p. 68)
Traversée par un infatigable élan vital, "l'évolution [est] créatrice", en effet. C'est pourquoi la véritable "adaptation" est invention et non accommodation. S'adapter, c'est toujours innover : la contrainte appelle une réponse qui n'est pas prédéterminée, ce qui exige d'aviser et d'oser ce qui n'existe pas encore. (p. 47-48)
Ne les nommant pas,nous ne les voyons pas : quand j'ai le mot pour désigner la chose dans sa singularité, je me mets à la "voir". Nous n'exploitons pas toutes les ressources qu'une langue met à notre disposition. En appauvrissant notre niveau de langage, c'est le monde lui-même que nous appauvrissement. (p. 52)
L'antidote de la bêtise est l'humilité et peut-être la philosophie si l'on entend par ce terme non pas un galimatias abstrait, mais une force d'étonnement iconoclaste. Le "je sais que je ne sais rien" de Socrate, par exemple, ou le marteau avec lequel Nietzsche cogne sur les idoles en tous genres.