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Citation de la_fleur_des_mots


La thèse de la transition a prévalu dans tous les esprits jusque dans les années 1980. Elle semblait limpide et soutenait que, peu à peu, en Écosse et en Angleterre, les loges «opératives», qui regroupaient des artisans, étaient devenues «spéculatives», en intégrant progressivement des notables, des aristocrates et des intellectuels. En effet, au Moyen Âge, sur les chantiers, il existe des loges de maçons et d'artisans qui s'épaulent et défendent leur savoir ainsi que leur métier. Avec la Réforme, à partir du XVIe siècle, on ne construit plus de cathédrales. Par conséquent, les loges disparaissent, et avec elles, les structures d'entraide. Mais certains de leurs membres ont une idée : pour ne pas mourir, ils ont recours au patronage. Ils accueillent des donateurs et des notables qu'ils déclarent membres honoraires. Ceux-ci reçoivent alors le nom de «gentlemen masons» ou de «maçons acceptés».
Selon la théorie de la transition, la proportion de ces membres honoraires a tellement augmenté au fil du temps qu'un jour, les loges constatèrent qu'elles n'étaient plus opératives, mais spéculatives. Cette vision décrit donc une sorte de continuité par dilution. Elle garantit aussi une très grande ancienneté à la franc-maçonnerie, et instaure une belle mythologie. Elle a perduré très longtemps, car elle repose sur des faits documentés : des «gentlemen masons» ont bien existé en Écosse. Cependant, jusque dans les années 1980, les Écossais ont refusé l'accès aux archives des loges aux historiens anglais, qui étaient les seuls à travailler sur cette question. Le grand historien David Stevenson, qui n'est pas franc-maçon mais écossais, a finalement pu consulter les procès-verbaux des loges, et a fait une découverte extraordinaire : les procès-verbaux d'une loge datant du xvne siècle relatant la réception honorifique des donateurs, mais prouvant de manière incontestable qu'après leur intronisation solennelle - ils payaient, un certain cérémonial était donc de mise ! -, ceux-ci ne fréquentaient plus jamais la loge. Cette découverte marqua la fin, pour les historiens, de la théorie de la continuité.
Celle-ci est symbolique, mais pas historique. Certes les «gentlemen masons» ne se rendaient plus dans la loge à laquelle ils avaient apporté une contribution financière, mais ces notables, intellectuels, souvent aristocrates, se sont retrouvés «libres» de toute attache et se sont appelés «free masons», francs-maçons. En 1707, dix ans avant la fondation de la première Grande Loge à Londres, intervient l'union des deux couronnes entre l'Angleterre et l'Écosse, qui ouvre une période d'échanges foisonnants. Quelques donateurs de loges spéculatives écossaises ont pu en importer l'esprit et le rituel en Angleterre. Mais cela n'est pas démontré.
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