Une version scénique et inédite de « Bookmakers »,
par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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La mort vint un matin.
Il a suffi d’une longue fissure, d’une explosion.
De l’air soufflant la mort par des rayons.
D’invisibles radiations et tout a commencé.
D’invisibles radiations qui très vite ont tué.
... comment faire pour tenir dix jours avec quarante euros ?
Comment faire ou plutôt comment non-faire : non-acheter, non-sortir, non-vouloir, non-métro, non-bus, non-shopping, non-desserts, non-viande, non-bière, non-marché, non-cinqfruitsetlégumes-frais, non-café, non-imprévus, non-nouvelles factures, non-nouvelles charges ? Ces pensées se refermaient sur moi jusqu'à bloquer mes poumons dans une non-respiration qui m'aurait sans doute amenée à une oui-crise d'angoisse puis à une séance de contemplage de plafond, lorsque mon ordinateur émit un bip qui me fit violemment sursauter.
C'était un mail d'Hector, mon grand ami. p 17
On ne s’en rend pas compte d’ordinaire, mais toute initiative finit par engendrer une dépense. Partir pour une promenade, c’est accroître la faim. Voir des amis, c’est risquer une proposition pour une bière. Ce sont pourtant les gens fauchés qui ont le plus besoin de divertissement. Par instinct de révolte, on se dit : tant qu’à être chômeur, soyons joyeux… Mais c’est trop tard.
Les gens, c’est tous des miroirs. Tu passes ta vie avec des miroirs. Les gens ils te matent, ils contrôlent. Ton aspect, les papiers, t’as fait quoi, t’étais où. T’es jamais comme il faut.
Puisque c’était cela, fonder une famille; devenir reine et esclave à la fois; avoir constamment le souci des autres, adultes comme enfants (…); mettre son corps au service du bon fonctionnement de la machine familiale, pieuvre dévorante dans laquelle toute la personne de M.A. s’était fait avaler, toute sa personne manipulée par les tentacules de la bête, qui tour à tour demandait un biberon, un conseil, où est passé le puzzle et qu’est-ce qu’on mange ce soir ma chérie.
Nous ne nous apercevons que tardivement, à l'occasion d'un événement précis, de ce qui change lentement chaque jour dans nos corps et dans nos sociétés; et, bouleversés par cette découverte, elle nous paraît une déflagration.
Les étoiles se mettent à papillonner. Ca brille plus fort ici et là. Un scintillement, un éclat (…)
Avec un peu de patience, peut-être que son corps va monter, comme une goutte de rosée s ‘évapore, peut-être que les étoiles vont le prendre, le soustraire à la gravité, et qu’il pourra quitter cette terre.
(pages 93 et 94)
Dans la catégorie des pires boulots du monde, téléprospecteur peut concourir pour la palme interplanétaire ; c’est le métier de l’inutilité et de l’emmerdement de son prochain joint à la pollution sonore et à la déformation du langage par la communication ; je me demande dans quel cerveau de casse-couilles congénital ou de commercial péteux est née cette idée de vendre des services par téléphone en bafouant les règles les plus élémentaires de la politesse qui consiste à ne pas déranger les gens.
Longtemps j'ai cru qu'on devait dire aux enfants que, la vie c'était quoi ? Un bon combat avec des bons copains, un conflit entre la liberté et le partage, avec pour compagnon des outils comme l'empathie, l'hospitalité, la fidélité. Mais, aujourd'hui, si tu leur dis ça, tu ne les aides pas. Aujourd'hui, la vie c'est : tout seul. Tu te battras peut-être contre l'injustice, mais tout seul... Tu auras des peines tout seul. Tu partiras en voyage en solitaire. Tu auras des joies individuelles. Tu ne feras rien gratuitement. Tu autoévalueras ta marge de progression... Tu ne te joindras pas à la grève. Tu ne te laisseras pas corrompre par l'imprévu d'un doux soir d'été. Tu érigeras une clôture devant ta maison. Et quand tu seras bien tout seul, avec ton tout seul-famille et ton tout seul-enfant, tu seras libre comme il faut l'être dorénavant : libre tout seul dans ta cage. p 166
Quand je vois à la rentrée tous ces livres niaiseux qui envahissent les librairies alors qu'ils ne sont, quelques mois plus tard, plus bon qu'à se vendre au kilo.[...] Le pire ce sont les livres-express, les livres d'actualité : sitôt commandés, sitôt écrits, sitôt imprimés, sitôt télévisés, sitôt achetés, sitôt retirés, sitôt pilonnés. Les éditeurs devraient inscrire à côté du prix la date de péremption, puisque, ce sont des produits de consommation.