Stanislas RODANSKI Poète dans un Lyon surréaliste (Conférence, 2012)
Une conférence prononcée par Patrice Béghain le 12 mai 2012, à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Certains me croient un conquérant
Et voient en mes yeux l'extase des guerriers jeunes
Je suis celui qui s'enfuit et ne revient jamais
Et je suis celui qui demeure
Chevalier errant du temps perdu
Je campe en des territoires prohibés
Je suis un chasseur solitaire
Mes proies sont nombreuses et fugitives
Je les traque en des jungles sous-marines
Parmi les fleurs aiguës du givre et de l'écume
Et je voyage pour des quêtes périlleuses
La piste de la nuit me guide
Jusqu'en des ports de légende
Où résonne l'appel des lointains nordiques
Et je pars
Passager d'un navire illusoire
Vers les ultimes mers de la nuit
Le cap à l'infini
Vogue la galère
Sur l'onde amère
De l'ombre sans espoir...
La recette de Rodanski : Pour écrire un poème, on assemble les mots choisis et puis on ajoute le sens.
LA NUIT VERTICALE
Que je sois – la balle d’or lancée dans le Soleil
levant.
Que je sois – le pendule qui revient au point mort
chercher la verticale nocturne du verbe.
Que je sois – l’un et l’autre plateau de la balance, le
fléau. La période comprise entre les deux extrêmes de
la saccade universelle qui est le battement de cœur sui-
vant celui dont on peut douter au possible et tout
attendre de son anxieux « rien ne va plus ».
Je lance au possible ce défi : Que je sois la balle au
bond d’un instant de liberté.
Je lance ce cri – que je sois la balle de son silence.
Mon départ s’appelle toujours, tous les jours et tous
les instants du grand jour. Mon retour à jamais, éter-
nelle verticale nocturne, point mort, égal à lui-même,
que l’autre franchit – toujours.
Qui suis-je?
Toujours le même revenant, ce qui revient à dire
encore un autre.
C’est avec une indignation toujours plus forte dans sa colère qui va jusqu’à balayer des hommes en effaçant le brouillard dont ils ne cessent d’embuer la vitre par où l’on se voit, c’est avec une main de rêve que j’écris au tableau noir de ce temps opaque. Que le sort de ces lignes soit celui des graffiti sur les murs d’une rue quand le sang gicle de l’émeute, du moins tentent-elles de tracer à la hâte les derniers signes qui caractérisent l’homme, dont les traits sont en mon être comme le visage d’un instant hagard apparaissant derrière la vitre incandescente d’un sauve-qui-peut sans espoir de sortir du Bazar de la Charité en proie aux flammes.
Connais-toi ta solitude
Ma main de gloire joue sur les fils de la vierge
La nuit est une grande lyre mélodieuse
Ma musique brûle l’ombrage des arbres mortels
Ma musique brûle d’accord avec l’eau
J’apporte ma flamme au cœur de la glace
Cristal silencieux de ma solitude
Libéré mon ombre mon reflet morts avec les feuillages
Je suis seul
Au bord d’une mer de lait où nagent des poissons fraternels
Mon sang perpétuel connaît sa profondeur
Pour aimer il faut être deux
L’amour est une grande solitude
Étoile de mer la femme est une eau méditative
Prisonnier des places des plaines multiples
J’ai fui en moi le monde
Bel espace restauré grandeur nature
Le monde lieu commun
Lieu humain
Chacun son centre intime égal à l’un à l’autre
Du pareil au même on va on vient
Tels qu’en nous-mêmes en fin de quête
La vérité nous baigne tout nus dans notre nudité rayonnante
Mille fois plus seul de se regarder dans les yeux
Et de s’y retrouver au fond du puits
Puits de science intime
Je suis si vaste d’être seul
Je me croirai multiple
Femme ton corps est une lune rousse
Ta nuit une gelée blanche
Ton corps de tous les jours est un matin
Mais tu es toutes les pluies de la mer
Et pour cela je t’aime
Aimant la nuit.
J'ai cherché le visage d'une femme en écartant les franges de la pluie avec mes bras qui s'ouvraient en vain et n'accueillaient que les désertions du vent.
Je creuse.
Insomnies de somnanbule, j'envie le sommeil de ceux qui peuvent trouver dans les rêves une image éventuelle de l'amour.
Je ne suis pas de ces chercheurs-là : je creuse.
Je fouille des terres ardues comme un tombeau. Quand il est enfin ouvert, l'amour en sort et moi je m'y coule en faisant semblant de dormir.
Je creuse tout au long d'un faux sommeil où vingt fois par nuit je fais en dormant le geste de souffrir.
Il ne s'agit pas de faire une œuvre, mais de faire acte de présence à moi-même
Je n'ai plus d'ombre
Je l'ai vendue à la nuit qui prend toute choses
En échange de son secret
Obscurité
Absence de lumière
Néant
Les lois sont si futiles qu'elles doivent servir. Encore faut il savoir sans s'en servir, car jamais on y échappera par d'autres lois mais hors de ces dernières et en plein danger. Rien n'a jamais été dit. Tout à été ravi dans ce que l'on perdait.
Le jeu est bizarre à l'excès. Mais on ne peut consentir à.la vie sociale plus qu'une apparence promise au massacre. Se fera t on complice de son goût du néant?