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Citation de Airsatz


Je n'ai pas beaucoup aimé les paysages durant ces années d'horreur, et plus ils étaient beaux, plus ils me faisaient mal. Non pas que j'aie gardé mes distances, mais je sentais trop l'étrangère dans la nature, cette grandiose indifférence de l'éternel face aux tourments terrestres. Au-dessus des corps déchiquetés, d'insouciantes fleurs poussaient, colorées et souriantes ; des oiseaux gazouillaient autour des gens affamés, esseulés ; la lune glissait doucement par-dessus les toits des insomniaques ; l'été s'épanouissait, beau et insensible, et les montagnes étincelantes regardaient fixement l'interminable souffrance de l'Europe. L'invariable beauté de la nature me faisait frissonner presque haineusement, puisque les cris des hommes qui meurent ne sont rien de plus, pour elle, que le voluptueux roucoulement d'une colombe, elle qui, des ossements, fait s'élancer les plantes et nourrit de la chair sacrée des humains d'obscures bêtes rampantes. Elle me semblait cruelle, inaccessible, d'un calme qui ne console pas, d'une beauté sans bienveillance, d'une générosité sans empathie, ô tellement étrangère, aussi infiniment étrangère que le ciel et les étoiles, animée pourtant, et toute proche. Jamais autant que pendant cette guerre je n'ai su qu'elle ne nous accorde aucune attention, que notre amour infini la laisse froide ; et plus elle déployait sa beauté sous nos yeux, plus c'était douloureux de voir cette abensce de regard, d'éprouver cette insensibilité que nous appelons, en les aimant, paysages et nature.
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