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Citations de Stefan Zweig (6037)


Balzac n'a jamais réussi à dominer son penchant le plus détestable: son snobisme;si conscient qu'il ait du être de sa puérilité et de son ridicule . L'homme qui a crée l'oeuvre la plus monumentale de son siècle et qui eût pu passer devant les princes et les rois avec la même indépendance que Beethoven, est affecté d'un respect maniaque pour l'aristocratie. Une lettre d'une duchesse du faubourg Saint-Germain a pour lui plus de poids qu'un éloge de Goethe... Par un inconcevable paradoxe, pour "s'élever" à ces hautes sphères il va s'avilir sa vie durant, pour vivre dans le luxe il va se river à la galère du travail, pour se présenter avec élégance se rendre ridicule ...

Petit-fils de paysans, fils de bourgeois, incurable roturier, Balzac a une telle corpulence qu'il ne saurait, rien que pour cela, espérer se donner une silhouette et une allure aristocratiques. Il n'est pas de tailleur de la cour,... qui puisse faire parâitre distingué ce gras plébéien aux joues rouges, taillé à la hache, qui parle fort et sans discontinuer et s'introduit dans tous les groupes pour y éclater comme un boulet de canon. Il a un tempérament bien trop exubérant, bien trop excessif pour s'adapter à des manières discrètes et retenues... Les couleurs de son habit et de son pantalon jurent ensemble, et à quoi sert le lorgnon d'or si les ongles des doigts qui le tiennent sont sales, si les lacets de souliers se balancent dénoués sur les bas de soie; à quoi sert le jabot si la graisse dont la crinière est empommadée dégoutte dessus dès qu'elle subit l'éffet de la chaleur ? Balzac porte son élégance qui, par suite de la vulgarité de ses goûts, vise de plus en plus à la pompe, et à l'extravagance, comme un laquais sa livrée...Sur lui ce qui est cher semble de la camelote...

(pp.162-166)
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La peur est pire que la punition. La punition est une chose certaine. Grave ou minime, elle est toujours préférable à la tension horrible et diffuse de l'incertitude. Sitôt fixée sur son sort, elle s'est sentie soulagée. Que ses pleurs ne t'induisent pas en erreur : il fallait que sorte enfin ce qu'elle cachait en elle. Le garder à l'intérieur de soi est bien plus douloureux.
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L'horreur de son action avait galopé derrière lui ; elle étreignait sa gorge et secouait son être comme dans une sorte de fièvre.
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Mais l'histoire n'est qu'un perpétuel recommencement, une suite de victoires et de défaites ; un droit n'est jamais conquis définitivement ni aucune liberté à l'abri de la violence, qui prend chaque fois une forme différente. L'humanité se verra contester chacun de ses progrès, et l'évidence sera de nouveau mise en doute.
C'est justement au moment où la liberté nous fait l'effet d'une habitude et non plus d'un bien sacré qu'une volonté mystérieuse surgit des ténèbres de l'instinct pour la violenter ; c'est toujours lorsque les hommes jouissent trop longtemps et avec trop d'insouciance de la paix qu'ils sont pris de la funeste envie de connaître la griserie de la force et du désir criminel de se battre.
Car, dans sa marche vers son but invisible, l'histoire nous oblige de temps en temps à d'incompréhensibles reculs, et les forteresses héréditaires du droit s'écroulent comme les jetées et les digues les plus solides pendant une tempête ; en ces sinistres heures, l'humanité semble retourner à la fureur sanglante de la horde et à la passivité servile du troupeau. Mais après la marée, les flots se retirent ; les despotismes vieillissent vite et meurent non moins vite ; les idéologies et leurs victoires passagères prennent fin avec leur époque : seule l'idée de liberté spirituelle, idée suprême que rien ne peut détruire, remonte toujours à la surface parce que éternelle comme l'esprit. Si on la traque momentanément elle se réfugie au plus profond de la conscience, à l'abri de l'oppression. C'est en vain que l'autorité pense avoir vaincu la pensée libre parce qu'elle l'a enchaînée.
Avec chaque individu nouveau naît une conscience nouvelle, et il y en aura toujours une pour se souvenir de son devoir moral et reprendre la lutte en faveur des droits inaliénables de l'homme et de l'humanité ; il se trouvera toujours un Castellion pour s'insurger contre un Calvin et pour défendre l'indépendance souveraine des opinions contre les formes de la violence.
Avril 1936
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Car il lisait comme d'autres prient, comme un joueur qui se passionne pour sa partie, ou comme un ivrogne hébété regarde fixement dans le vide; il lisait avec un recueillement si frappant que, depuis , la manière dont lisent les autres m'a toujours semblé une chose profane. (p. 23 / sillages, 2013)
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Avant qu’ils ne s’en rendent compte, leurs deux corps tremblants s’enflammèrent, et dans un baiser infini ils étanchèrent les heures et les jours innombrables de soif et de désir innomés.

Ce n’est pas lui qui l’avait attirée à lui, ni elle à elle, ils étaient tombés dans les bras l’un de l’autre, comme emportés ensemble par une tempête, l’un avec l’autre, l’un dans l’autre plongeant dans un inconnu sans fond, dans lequel sombrer était un évanouissement à la fois suave et brûlant – un sentiment trop longtemps endigué se déchargea, enflammé par le magnétisme du hasard, en une seule seconde. Et ce n’est que peu à peu, lorsque leurs lèvres collées se détachèrent, qu’encore pris de vertige devant le caractère invraisemblable de l’évènement il la regarda dans les yeux, des yeux d’un éclat inconnu derrière leur tendre obscurité. Et c’est là que s’imposa à lui l’idée que cette femme, la bien-aimée, avait dû l’aimer depuis longtemps, depuis des semaines, des mois, des années, tendrement silencieuse, ardemment maternelle, avant qu’une telle heure ne lui ébranlât l’âme.
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(...) quiconque s'est montré capable une seule fois de compatir à une forme de souffrance terrestre arrive, par cette leçon magique, à les comprendre toutes, même les plus bizarres et les plus absurdes en apparence.
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Jamais Gustav Mahler n'a été aussi vivant, jamais il n'inspira autant cette ville [Vienne] que maintenant qu'il n'est plus, et l'ingrate qui l'abandonna est désormais sa patrie à jamais.
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Malgré l'heure avancée, le curé ne put s'empêcher d'inviter son pupille presque analphabète à disputer un duel avec lui. Mirko le battit, lui aussi, aisément. Il avait une façon acharnée, lente, inébranlable de jouer sans relever même un instant son large front penché sur l'échiquier.
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Ainsi, mon temps était rempli, au lieu de se traîner avec l’inconsistance de la gélatine, et j’étais occupé sans excès, car le jeu d’échecs possède cette remarquable propriété de ne pas fatiguer l’esprit et d’augmenter plutôt sa souplesse et sa vivacité.
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Car… maintenant je ne m’abuse plus…, si cet homme m’avait alors saisie, s’il m’avait demandé de le suivre, je serais allée avec lui jusqu’au bout du monde ; j’aurais déshonoré mon nom et celui de mes enfants… Indifférente aux discours des gens et à la raison intérieure, je me serais enfuie avec lui, comme cette Mme Henriette avec le jeune Français que, la veille, elle ne connaissait pas encore…Je n’aurais pas demandé ni où j’allais, ni pour combien de temps ; je n’aurais pas jeté un seul regard derrière moi, sur ma vie passée… mon nom, ma fortune, mon honneur… Je serais allé mendier, et probablement il n’y a pas de bassesse au monde à laquelle il ne m’eût amenée à consentir. J’aurais rejeté tout ce que dans la société on nomme pudeur et réserve ; si seulement il s’était avancé vers moi, en disant un parole ou en faisant un seul pas, s’il avait tenté de me prendre, à cette seconde j’étais perdue et liée à lui pour toujours.
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Le trajet est dangereux. Cette voie d’eau ne ressemble en rien au canal large, agréable, et d’ailleurs tout à fait imaginaire, que les braves cosmographes de Nuremberg, Schœner et Martin Behaim, ont, dans le silence de leurs cabinets de travail, dessiné sur leurs cartes. C’est vraiment par euphémisme qu’on appelle cette route un « détroit ». En réalité c’est un carrefour ininterrompu, un labyrinthe de baies, de fjords et de canaux, qu’on ne peut traverser qu’au prix des plus grandes difficultés et en faisant appel à tout l’art du navigateur. Ces baies aux formes multiples se resserrent, s’arrondissent, trois, quatre fois la route bifurque, tantôt à droite, tantôt à gauche, et l’on ne sait jamais où est la bonne direction, à l’Ouest, au Nord ou au Sud. Il faut éviter les bas-fonds, contourner les rochers et toujours le vent hostile souffle et tourbillonne, soulevant l’eau, secouant les voiles. On comprend pourquoi cette route fut pendant des siècles l’effroi des marins. C’est par dizaines qu’au cours des expéditions suivantes les navires se sont échoués sur cette côte inhospitalière, et ce qui prouve le mieux les qualités extraordinaires de navigateur de Magellan c’est le fait que lui, qui a été le premier à parcourir cette voie dangereuse, fut aussi pendant de longues années le seul à l’avoir fait sans accident. Si l’on pense à la lourdeur de ses navires, qui, sans autre impulsion que celle d’une voile ventrue et d’une barre de bois, ont dû explorer tous ces artères et couloirs latéraux, tantôt avançant, tantôt reculant pour se retrouver toujours à des endroits déterminés, et cela dans une saison défavorable avec un équipage épuisé, son exploit tient véritablement du miracle.
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Car les pieux Israélites savent que grâce au doux balancement du corps oisif, leur esprit, comme un enfant qui sombre dans le sommeil et échappe au monde, s'abandonne mieux par ce mouvement rythmé et hypnotisant, à une extase contemplative.
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Stefan Zweig
Regarde-les donc bien, ces apatrides, toi qui as la chance de savoir où sont ta maison et ton pays, toi qui à ton retour de voyage trouves ta chambre et ton lit prêts, qui as autour de toi les livres que tu aimes et les ustensiles auxquels tu es habitué.
Regarde-les bien, ces déracinés, toi qui as la chance de savoir de quoi tu vis et pour qui, afin de comprendre avec humilité à quel point le hasard t'a favorisé par rapport aux autres.
Regarde-les bien, ces hommes entassés à l'arrière du bateau et va vers eux, parle-leur, car cette simple démarche, aller vers eux, est déjà une consolation ; et tandis que tu leur adresses la parole dans leur langue, ils aspirent inconsciemment une bouffée de l'air de leur pays natal et leurs yeux s'éclairent et deviennent éloquents.

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• Stefan Zweig, in 'Voyages'
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Stefan Zweig
Quand les drapeaux sont déployés, l'intelligence est dans la trompette.
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Elle était debout en face de moi et elle me tendit la main, en manière d'adieu. Sans le vouloir, je regardai son visage, et il me parut singulièrement attendrissant, le visage de cette vieille dame qui était là devant moi, affable et en même temps légèrement gênée...
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(...) car dans la mystérieuse alchimie des sentiments, la pitié pour un être impuissant se colore insensiblement de tendresse.
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En elle-même Vienne, par sa tradition centenaire, était une ville très nettement stratifiée, mais en même temps - comme je l'ai écrit un jour - merveilleusement orchestrée . Le pupitre était toujours tenu par la maison impériale. Non seulement au sens spatial, mais aussi au sens culturel, le Château était au centre de ce qui, dans la monarchie, transcendait les limites des nationalités. Autour de ce château, les palais de la haute aristocratie autrichienne, polonaise, tchèque, hongroise formaient en quelque sorte la seconde enceinte. Venait ensuite la "bonne société" que constituaient la petite noblesse, les hauts fonctionnaires, les représentants de l'industrie et les "vieilles familles"; enfin, au-dessous, la petite bourgeoisie et le prolétariat. Chacune de ces couches vivait dans son cercle propre ...

(p.33)
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"Vivre et laisser vivre" disait la célèbre maxime viennoise, une maxime qui, encore aujourd'hui, me paraît plus humaine que tous les impératifs catégoriques, et elle s'imposait irrésistiblement à tous les milieux.

(p.41)
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Fuir, tout en elle ne voulait plus que fuir cet appartement, cet immeuble, cette aventure pour retourner au calme de sa vie bourgeoise. A peine osait-elle se regarder dans la glace, de peur de déceler quelque culpabilité dans son regard, et pourtant il fallait bien vérifier que rien dans sa tenue, aucune négligence, ne trahissait la passion de l'heure écoulée.
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