Mon idée est effectivement que le consumérisme est un mécanisme de compensation à la pauvreté des relations humaines, et plus singulièrement au sentiment de solitude. Des études ont montré que plus les gens ont une vie sociale pauvre, plus ils considèrent que l’argent est important pour leur bonheur. Imaginez, par exemple, que vous ayez le sentiment que votre quartier est devenu trop dangereux pour sortir à la tombée du jour. Vous allez rester chez vous le soir, vous faire livrer des tas des choses à domicile et meubler votre solitude par toutes sortes de distractions, numériques et autres, qui sont rarement gratuites. L’argent sert à combler un vide social. Autre exemple : les enfants. Je suis d’une génération qui a grandi dans les rues et joué avec une bande d’amis. Aujourd’hui, pour la plupart, les gosses grandissent à la maison en face d’écrans et non plus en face de copains de leur âge. La raison est souvent que les rues sont devenues dangereuses à cause des voitures. Toujours est-il que les enfants devraient avoir une vie libre et autonome en compagnie de leurs amis alors qu’ils ont le plus souvent une vie solitaire et ennuyeuse. Tous ces exemples pour montrer que plus les relations sociales disparaissent, plus l’argent devient important pour compenser.
Une fois oubliées les motivations intrinsèques, il ne reste plus que la culture du stress, qui nous enseigne que le stress est un moyen de gérer les situations, de diriger les personnes, de résoudre les problèmes. C'est la même culture qui dicte la formation des enfants et l'organisation des entreprises.
Les institutions de formation, en particulier l'école et la famille, amplifient, au lieu de les compenser, les retombés fâcheuses que le marché du travail exerce sur la psychologie du temps. Au lieu de produire des individus qui savent vivre bien dans une société de marché, elles produisent des individus dotés d'une culture et de valeurs qui les rendent complètement désemparés face à la compétition et à la pression sur le temps. De cette façon, elles les rendent plus anxieux et plus agressifs, càd plus adaptés à la compétition, mais pas au bien-être.
Une fois aboli le rapport d'écoute avec soi-même, les individus sont plus sensibles aux messages culturels qui proposent l'argent, la consommation et le travail comme seuls échappatoires à leur insatisfaction.
L'homo œconomicus est un individu antisocial : il prend ses décisions en tenant compte seulement des avantages ou des désavantages personnels ; il est complètement dépourvu de dimension éthique, affective ou prosociale. L'homo œconomicus répond à un besoin de sens, parce qu'il donne un sens aux types d'activités et de relations qui sont habituellement les nôtres. Il nous dit que nous agissons ainsi pour des raisons instrumentales, et non parce que ces activités ont une fin en soi.
Les individus plus attachés aux valeurs consuméristes sont moins heureux, plus angoissés, plus irritables, plus exposés à la dépression. De plus ils regardent plus souvent la télévision, consomment plus d'alcool et de drogue et sont en moins bonne santé. En effet ils souffrent plus souvent de complications somatiques, comme la migraine, les troubles digestifs, et présentent un risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires.