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Citations de Stéphane Audeguy (130)


Une fois de plus, Howard est profondément étonné non seulement de la beauté déchirante du monde physique, mais aussi de cette puissance gratuite, de cette exubérance joyeuse de la Nature.
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C'est qu'à cet endroit précisément le Rhin, grossi par les eaux tranquilles et glacées du lac de Constance, est précipité d'un coup d'une centaine de mètres de haut, par une faille préhistorique du sol rocheux. On dit l'endroit sublime. Des portes sud de la ville Luke Howard prend seul, au petit matin, la route des chutes. Un pont enjambe le Rhin, à cent trente mètres en amont des chutes elles-mêmes. Howard y parvient en une heure, et s'accoude au parapet de pierre noire : devant lui le fleuve semble disparaître dans les bruines irisées.
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Certains nuages en effet semblent surplomber tous les autres, et s'étirent comme des griffures de chat ou des crinières, en longues fibres parallèles ou divergentes, presque diaphanes ; Howard les nomme des filaments : ce seront , en latin, les cirrus.
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Dans le cas des nuages, le point décisif est la langue. C'est un temps très délicat de l'invention scientifique que le temps du baptême ; il y faut un talent particulier, qu'on peut juger dérisoire, mais qui se révèle essentiel. Car les noms de baptême des choses ne fonctionnent pas comme ceux des hommes. Les hommes reçoivent à leur naissance un prénom et un nom ; ensuite ils les accomplissent, ou bien les contredisent, ou les effacent, ou les modifient. Parfois ils traînent leur patronyme dans la boue ; parfois ils le portent aux sommets de la société ; parfois les deux, simultanément. Mais les choses, elles, existent en dehors de leur nom ; elles peuvent exister pendant des siècles, muettes et innommées. Pourtant il y a un nom qui est là, qui les attend dans le silence, un nom qu'il faut inventer, trouver en savant, en poète. Trouver ce nom qui porte la compréhension de la chose, trouver le nom des nuages, c'est justement ce que réussit Luke Howard, le premier parmi les hommes. Et maintenant nous voyons les nuées avec lui, grâce à lui : les cumulus et les stratus, les cirrus et les nimbus, tout est là désormais, tout est tellement simple.
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Howard donne à ses catégories des noms latins afin que tous les savants d'Europe puissent les adopter.
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Avant lui, les nuages n'existent pas en tant que tels. Ce ne sont que des signes. Signes de la colère ou de la félicité des dieux. Signes des caprices du Temps. De simples augures, bons ou mauvais. Mais signes seulement, sans existence propre. Or on ne peut pas comprendre ainsi les nuages. Pour les comprendre, prétend Luke Howard, il faut à un moment les considérer en eux-mêmes, pour eux-mêmes. Bref, il faut les aimer, et il est en réalité le premier à le faire depuis l'Antiquité. Il est le premier à les contempler activement, et il croit pouvoir constater que les nuages sont formés d'une matière unique, qui ne cesse de se transformer, que tout nuage en somme est la métamorphose d'un autre.
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Luke Howard quant à lui sait se taire, c'est ce qu'il sait le mieux faire, c'est son unique talent mais il le possède au plus haut degré. Admirablement il se tait, pour accueillir en son coeur les nuages et les hommes, et, par-dessus tout, le créateur de toutes choses.
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Les membres de l'assemblée s'assoient en rond, et gardent le silence ; chacun pourtant a le droit de s'exprimer, mais pour autant qu'il ait quelque chose à dire : c'est pourquoi, très souvent, la plupart se taisent. C'est ainsi que se déroule une réunion quaker.
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Il s'est mis à penser que toutes les formes naturelles obéissent à des lois récurrentes. Il croit que le créateur du monde l'a voulu ainsi, et la jeune science des formes célébrera l'oeuvre divine. Johann Wolfgang Goethe sait que bientôt l'eau de son propre corps voyagera, pour partie dans le sol, pour partie dans les airs, et cela le console de la mort. Il aime à penser que sa dépouille va nourrir des plantes, ou de petits insectes mal connus. Même il pense parfois, mais sans le dire à personne, que le cerveau des hommes a la forme des nuages, et qu'ainsi les nuages sont comme le siège de la pensée du ciel ; ou alors, que le cerveau est ce nuage dans l'homme qui le rattache au ciel. Parfois même Goethe rêve que la pensée elle-même se développe non pas, comme disent certains, à la façon d'un édifice de pierres, mais bien plutôt comme ces arborescences nuageuses qu'il admire tant, dans les cieux toujours renouvelés, au-dessus de Weimar.
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Alors Alma sut qu'elle n'était pas seule au monde, que quelque chose autour d'elle était là, pour elle : Alma se mit à aimer, pour la première fois. Et cela tombait très bien, puisque c'était sa mère, qui l'aimait déjà.
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[Les surréalistes] n’ont pas manqué de soutenir des criminels tels que Violette Nozière : contre l’idéologie dominante qui la présentait comme un monstre dénaturé, ils en firent une héroïne révoltée et une victime de la société bourgeoise, n’hésitant pas à publier un recueil de poèmes portant son nom.
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Qu’on l’y trouve ou qu’il en vienne, le monstre n’a que deux patries : l’Ailleurs, le Commencement. Dans toutes les traditions, le monstre est lié à la genèse de l’Univers : une femelle serpent a engendré tous les dieux, selon la croyance mésopotamienne ; pour les hindouistes, l’Univers est couché sur le Serpent du monde ; le serpent Jörmundgandr entoure le monde dans la mythologie scandinave, et il se dressera à la fin des temps pour affronter les dieux. Une lutte analogue aura auparavant vu le dieu Thor combattre sans cesse les forces du chaos, incarnées par des géants.
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A côté des célèbres représentations de chasseurs, de bisons, de mammouths, l’art pariétal offre à nos regards des géants, des créatures mi-animales, mi-humaines. A Jabbaren (dans la région de Tissali, en Algérie), nos lointains ancêtres ont dessiné un être immense et blanc, dont la tête semble présenter deux yeux étranges et excentrés. A Séfar, c’est une créature anthropomorphe deux fois plus grande qu’un homme, apparemment pourvue d’une queue et de grandes oreilles (à moins que ce ne soient des cornes…). Dans la grotte des Trois-Frères, en Ariège, l’on peut voir un personnage à corps humain avec des oreilles et une queue animales.
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Comme les acteurs n'avaient pas droit à une sépulture chrétienne et que la tradition voulait que la terre des cimetières fut consacrée sur une épaisseur de quatre pieds, un haut dignitaire de l'Eglise, peut-être un peu jésuite, suggéra qu'on creusât plus profond la fosse destinée à Moliere.
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Et c'est alors qu'un soir, dans l'air cristallin de Rome, sur la place du Panthéon débarrassé des fumées, des scooters, des voitures, des camions, Nano montre à la femme qu'il aime, sur la porte vitrée d'un café déserté et béant du Corso d'Italia , un mot tracé en lettres capitales.
Ils le lisent à l'envers, dans un seul et même souffle, déchiffrent l'anacyclique énigme de la ville : amor.
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Décidément je n'en finirai pas de mourir. J'apprends à mes dépens que l'agonie d'une ville rappelle de bien près celle des héros antiques, qui se lamentent sans fin sur une scène vide, en se tordant les mains. Je ressemble à mes statues : en vieillissant, c'est mon sexe que j'ai d'abord perdu, puis mes mains, puis mes bras. Je sens monter en moi les brouillards froids de la démence.
C'est ma tête maintenant qui vacille, comme celle d'une poupée de son dans les mains d'un enfant capricieux.Elle s'en ira rouler dans la poussière, dont elle aurait bien pu ne sortir jamais. Elle se brisera sur un roc, peut-être. Plus probablement s'effritera lentement au gré des saisons changeantes comme les hommes. A quoi pensez-vous donc belles statues de ma mémoire, torses couchés dans l'herbe, gagnés par les lichens, lentement digérés par la terre impavide? Et quand, arrachés à votre sommeil par quelque prince éclairé, quelque érudit fébrile, un caprice vous expose su run socle à la curiosité des hommes, ainsi qu'à leur ennui ?
Allongé face au ciel, harassé, innocent, j'attends la fin des siècles, caressé par le vent sous un monde infini de nuages, je rêve que le Tibre m'emporte vers la mer qui sait tout oublier, jusqu'aux frontières du monde.
Tout m'échappe maintenant. Les morts de mes rues, les passants disparus dans les gouffres du temps, les damnés enchâssés dans mes murs de pierre, les rêveurs de mes parcs , tous les fantômes calmes de mes mondes, je n'y suis plus pour rien et, n'en déplaise aux jurés infatigables des tribunaux de l'histoire...
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Elle ressembla d'abord à un poisson, mais pas plus grand que la pointe toute fine d'un cheveu d'enfant. Puis elle pris la forme d'une grenouille naine, puis celle d'unminuscule serpent. On aurait dit, à un moment, une mini-crevette, mais sans les moustaches et sans la carapace. Elle grandissait lentement dans le ventre de Jamie.
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Ensuite Alma était encore toute petite, si petite qu'elle aurait tenu facilement sur le dos d'une puce.
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Les petits points rouges palpitaient comme un cœur, et c'était exactement ça: Alma avait un cœur maintenant. Un grain de riz avec un cœur battant: c'était Alma. Elle vivait, maintenant, autant qu'une plante et moins qu'un chat.
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Très loin du Kenya, en Angleterre et en Hollande, de grands groupes horticoles ont refait cent fois leur calculs, et ces calculs indiquent avec certitude qu'en raison de l'augmentation des frais de fonctionnement des serres chauffées dans toute l'Europe occidentale, laquelle est directement fonction de celle du pétrole, il est devenu rentable de s'en aller cultiver des fleurs dans des zones plus chaudes et plus ensoleillées que les banlieues holandaises ou les campagnes anglaises, et dont la main d'oeuvre, incidemment, se révèle moins couteuse.
/.../
En 1989 une nuée de sous-traitants s'abat sur la vallée du Rift. Le site de Naivasha est assez proche de l'aéroport internationnal de Nairobi, une fleur cueillie à l'aube sur les bords du lac peut donc orner le soir même la table d'un restaurant de charme du centre d'Eindhoven. Une demi-douzaine de fermes agricoles exhalent leurs effluves de fertilisants et empestent le ciel. Leurs pompes à eau sont si puissantes que les alevins et les petits poissons, ne pouvant résister à leur aspiration, meurent asphyxiés au pied des grans rosiers. Les fermes elles-mêmes avalent goûlument, dans toutes les campanes avoisinantes, les paysans misérables qui rêvent d'un salaire; cinquante mille hommes pénêtrent dans ces serres, sans compter ceux qui viennent attendre devant les grands portails une embauche hypothétique, cinquante mille hommes, et pour les plus chanceux l'entreprise fournit logement et nourriture, c'est une économie sur la masse salariale, et parfois même le grand luxe d'une crèche qui permet aux femmes de tenter leur chance; mais les autres, infiniment plus nombreux, vivent dans des baraques sans nom, déboisent les collines environnantes pour se chauffer, chaque jour manquant d'eau potable, les fleurs mieux abreuvées que les hommes, d'autres encore n'ont pas trouvé à s'entasser dans les baraques, font chaque jour dix kilomètres à pied pour venir travailler, dix kilomètres à pied pour s'en retourner, le grand désert blanc des serres assèche non seulement le lac mais aussi la région tout entière, attire des centaines de camions, déverse dans le lac des engrais qui tuant les poissons ruinent tous les pêcheurs , et sous les bâches blanches, le bromure de méthyle qui brûle les yeux et les mains, qui s'infiltre dans les reins, et, selon les variations des marchés et des cours, laissant en mai des milliers de journaliers sans travail pour les réembaucher à la Saint-Valentin, à la Fête des mères, le Kenya produisant maintenant le tiers des fleurs européennes.
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