— J’ai rencontré plusieurs peuples des terres occidentales. Et je suis témoin, pour avoir demeuré parmi eux, que tous ces indigènes ont des mœurs hospitalières. Ils sont si effarouchables que nous les soumettrons sans livrer bataille, et si malléables que nous n’aurons aucune difficulté à en faire des chrétiens. Lors de ma visite à Hochelaga, figurez-vous que leur chef, en plus de crouler sous le poids des années, avait les membres paralysés. Il me fit signe de lui frotter les bras et les jambes, ce que je fis volontiers pour le contenter. Bientôt, on m’amena des malades, des perclus, des aveugles, des borgnes et des boiteux. Ils me prirent pour un dieu capable de les guérir, c’est dire combien ces sauvages sont crédules !
L’aînée des enfants avait douze ans, les garçons dix et neuf ans et la benjamine sept ans. Leurs traits étaient si finement tracés que les garçons se distinguaient à peine des filles, d’autant qu’ils étaient emmaillotés dans les mêmes draps en toile à voile. Ils inspiraient tendresse et compassion tandis que les hommes déclenchaient chez les spectateurs des gestes et des grimaces simiesques.
La riposte des Hurons, armés de mousquets sur décision du gouverneur, fit cesser provisoirement l’attaque. Je profitai de ce répit pour me cramponner au canot remis d'aplomb, tout en luttant contre le s courants qui entraînaient mes habits gorgés d'eau. L’espace d’une seconde, je vis la carcasse d’un chien plantée d’une flèche me passer à côté avant de s’enfoncer sous la surface. J’étais à bout de forces.
Les songes et les visions déterminaient les dates des événements importants , les superstitions pouvaient différer toute entreprise et remettre au lendemain une décision ou son exécution. Pour la première fois, je déplorais cette lenteur que j’avais érigée en vertu et qui gagnait tout contre la tyrannie du temps.