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Citation de Unvola


Ainsi, le 26 novembre 1944, de Gaulle atterrit en URSS et conclut un traité d'amitié qui lui permet d'espérer à la fois rentrer dans le jeu européen et modérer les ardeurs communistes sur le plan intérieur. La contrepartie est, moralement coûteuse : la France est le premier pays à reconnaître de fait le gouvernement communiste en Pologne, ce pays pour lequel elle était entrée en guerre en 1939.
Simultanément, Maurice Thorez atterrit à Paris le 27 novembre. Or, le 19, il a été reçu au Kremlin par Staline, en présence de Molotov et de Beria. Le secrétaire général du PCF est alors dans une situation d'insigne faiblesse, résultat de son itinéraire depuis le pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Fin septembre 1939, Thorez a entériné la nouvelle ligne du Komintern qui estimait que la guerre était une guerre "impérialiste" dans laquelle les communistes n'avaient pas à prendre position et devaient combattre leur propre gouvernement. Début octobre, il a déserté son régiment pour s'enfuir clandestinement en URSS. Le 28 novembre 1939, il a été condamné par un tribunal militaire à six ans de prison et, le 21 février 1940, il a été déchu de la nationalité française. A l'été 1941, en dépit de l'entrée en guerre de l'URSS et de l'adoption par le PCF d'une politique antinazie et patriotique, le général de Gaulle a refusé tout ralliement de Thorez à Londres. A Moscou même, Thorez vivait clandestinement sous le nom d'Ivanov et était tenu relativement à l'écart des affaires françaises, surtout quand, à l'hiver 1941, les services du Komintern durent quitter Moscou pour se réfugier en Asie centrale à Oufa. Ce n'est qu'au début de 1944 qu'il retrouva une certaine audience, mais très limitée, à Moscou. L'entretien que lui accorde Staline le 19 novembre 1944 est donc le signe du retour en grâce.
Cet entretien au sommet, qui a duré une heure trois quarts, concerne la politique du PCF et son articulation avec la politique soviétique. D'emblée, Staline critique durement le PCF : "Il lui semble que les communistes [français] n'ont pas encore compris que la situation a changé en France. Les communistes n'en tiennent aucun compte et continuent à suivre l'ancienne ligne alors que la situation a changé. [...] La situation est différente, ,nouvelle, favorable à de Gaulle. La situation a changé et il faut opérer un tournant. Le PC n'est pas assez fort pour pouvoir frapper le gouvernement à la tête. Il doit accumuler des forces et chercher des alliés. Il faut prendre des mesures afin que, en cas d'attaque de la réaction, les communistes puissent avoir une défense solide [...]. Si la situation change en mieux, alors les forces soudées autour du parti le serviront pour l'attaque". Et il ajoute : "Il faut créer des forces déterminées groupées autour du PC pour la défense et , quand la situation changera, pour l'attaque".
Staline donne des directives précises : éviter à tout prix de s'isoler, chercher des alliés chez les radicaux et même chez les socialistes, apparaître comme un mouvement large, camoufler si nécessaire son drapeau. Surtout, il ordonne à Thorez de mettre fin aux groupements armés communistes, de "les transformer en une autre organisation, en une organisation politique, et il faut cacher les armes". "Cacher" les armes, et non pas les rendre aux autorités.
Toutes ces réflexions de Staline montrent bien que le politique du PCF dans les mois de la Libération était bien d'attaquer le gouvernement du général de Gaulle en s'appuyant sur un rapport de force politique et militaire, le fait que les communistes aient été fortement armés étant un élément important du rapport des forces. En proposant un "tournant" - le mot est de lui -, Staline définit a contrario la politique antérieure. Et c'est bien lui qui propose - et donc impose - une nouvelle ligne que Thorez se contente d'entériner.
(Pages 204 et 205)
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