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Citations de Stéphane Padovani (11)


Dans une boîte un soir, la musique couvre tout. Basse basse basse, et par-dessus six notes ad lib, synthétiques. Juliette en robe bleue plutôt moulante ne sait plus si un jour elle a su bouger sur ça. Elle reste assise sur un tabouret, près du bar. En Amazonie ou ailleurs peut-être, on trouve de ces oiseaux bleutés que rien n'invite à décoller. Tout le bleu du ciel est déjà en eux.
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Rouler. Rouler. Rouler jusqu’à ce que la nuit, sa nuit, l’achève.
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Cette langue, je m’y suis brûlé. Pas comme ils le pensent, non, pas comme dans la sentence infernale. Elle m’a consumée dès que je l’ai mieux connue, m’a donné de l’énergie, de la force en m’en prenant, dans un échange à la fois gazeux, liquide, solide. J’ai senti dans ses sens et dans ses sons la saveur d’un baiser, l’exigence d’une discipline, la circulation d’un sang autre qui me sortait de mon enveloppe, de mes représentations, de ma gangue, me lançant dans le monde à la volée, comme une grappe de raisin, une poignée de gravier ou de sable à la fenêtre de l’avenir. Quelque chose à la fois d’enfantin et de grave nourrissait mon plaisir. Je traduisais. (Traduire)
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Ils disent que je n’aurais jamais dû servir d’interprète, de passerelle entre les adversaires, parce que ce ne sont pas des paroles qui s’échangent, des voisins qui communiquent, mais des combattants qui s’affrontent, et que je suis un sot, un inconscient, pire : un collaborateur. J’ai pris le parti du langage, et c’est cela que je paye. J’ai pris le parti de relier deux réalités trop éloignées, de croire en la nature radicalement humaine et humaniste de la langue, en sa capacité à s’ouvrir, en son potentiel d’empathie.
Mais pas du tout, disent-ils, tu t’es laissé berné et ton innocence n’est que de façade. Tu as surtout permis au mensonge de s’étendre plus loin qu’il n’aurait pu, avec tes traductions et ta radio damnée.
Ils ne peuvent pas comprendre que ma langue natale m’est toujours chère. Ils pensent que je l’ai abandonnée comme j’ai abandonné mon pays, trahi mon peuple et ma foi. Quel peuple ? Depuis longtemps le patchwork est déchiré de toutes parts, si tant est qu’il ait tenu un jour. (Traduire)
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Elle n’aspire plus qu’à la tranquillité des pierres. Donne-lui donc une terre sans tremblements, un pré limité mais où le soleil chauffera son corps, où elle pourra sans grand effort faire pousser des clématites, des muscaris, des pensées. L’hiver laissera un peu de mousse sur son toit en ardoise, quelques feuilles mortes avec cette poussière de kérosène tombée des avions en partance pour des plages abstraites, cette substance noire qu’on prendrait pour de la suite, aumône du monde d’aujourd’hui. Donne-lui en partage, en héritage, ce territoire que tu as toi-même reçu, qui t’appartenait à peine. Laisse-la sous la garde des arbres et la vigilance de l’eau qui ruisselle souterrainement avant de reparaître derrière une clôture, un kilomètre en aval de la maison. Laisse-la sous le regard des hérons dont le moindre pas trop appuyé des promeneurs sur la berge provoque l’envolée laborieuse. Donne lui cet espace comme s’il était une portion de temps, une torsion de l’histoire où elle pourrait s’inscrire, trouver la paix, plus petite encore qu’une pierre, intouchable. Oui, que plus rien n’y touche, pas même des mots.
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Je redécouvre ce plaisir tout simple d’écouter une bonne chanson, cinq minutes d’émotion et d’évidence, l’alliance entre voix et instruments, la voix grave et traînante, douloureuse, de Leonard Cohen, dont on se dit pourtant qu’aucune peine, aucune épreuve ne pourrait la noyer tout à fait.
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Tu poses tes mains sur le cahier et c’est déjà trop tard pour le repousser. Les mots grouillent là-dessous, bruissent sous la couverture, la craquellent, la grignotent. Ils vont bientôt monter le long de tes bras comme une armée de coccinelles ou de mouches noires, de fourmis ou de papillons.
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La motrice avance vers moi. Je pourrais l’arrêter, tout arrêter, les trains, les écrans, les néons, les cris des voyageurs, des contrôleurs, la sirène d’alarme, sauver Oliver, me sauver, paralyser la gare, la ville, le pays, stopper tout et faire que tous se voient, enfin, s’entendent dans le silence revenu sur Terre, mais ce pouvoir m’étouffe, me broie, me terrorise. Il est trop grand pour moi. Je n’en veux plus. J’y renonce. Et je dis à la motrice qui avance, à mon ennemi qui me guette quelque part. Ne me tente plus.
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Katryn dit ce jour, l’un des derniers passés à la base, où elle a voulu partir seule se noyer dans l’absence de tout, où elle a marché, marché, refusant de répondre aux appels radio de ses compagnons, marché jusqu’à tombé dans le vent devenu compact, dans le pur oubli de l’Antarctique, enroulé sur le temps, à attendre que les glaciers autour d’elle s’encastrent et l’écrasent, lentement, pendant mille ans, l’effacent du monde.
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Il est de toute première instance que la femme Valérie Straub, terroriste notoire, demeure suivie en milieu ouvert. Il est indispensable de procéder à son contrôle permanent afin de situer sa position à chaque instant et, pour cela, d’utiliser tous les relais visuels nécessaires. Il est de toute première instance de limiter son accès aux médias, d’anticiper sur les projets d’une quelconque diffusion de sa parole, de ses témoignages ou de ses élucubrations post-terroristes. Il est indispensable de circonscrire ses déplacements, d’enregistrer ses moindres conversations, mais aussi de laisser suffisamment de champ autour d’elle pour endormir sa vigilance. Il est enfin tout à fait essentiel que la capacité de nuisance d’un tel personnage ne soit jamais sous-estimée, et que toutes les mesures soient prises pour en éliminer le risque, quand bien même la femme Valérie Straub accepterait de mener une vie paisible.
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Dès le moment où tu es sortie, c’est une autre époque qui te saute littéralement au visage. Celle que tu voyais et écoutais depuis la télévision de la salle commune ou la radio dans ta cellule, depuis les échanges de lettres et les rares visites au parloir, depuis l’Internet à la bibliothèque et tous ces livres que tu as continué de lire, n’était qu’un écho répercuté de paroi en paroi, écho démultiplié dans l’espace de la citadelle dont on te sortait parfois pour de brefs entretiens avec des juges aux visages fermés. Cette époque ne te reconnaîtra pas. Les gens t’ont oubliée. Ne reste vaguement que le bruit superficiel de tes éclats, d’armes ou de voix, dans un espace social replié comme un linge dans une armoire de réfectoire.
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