Il est des épilogues qu'on ne devrait jamais écrire, jamais atteindre sous peine de déception. L'idée, l'envie, l'espoir font vivre, le besoin de croire qu'on ne meurt jamais aussi. On ne recommence pas l'histoire. Ou alors, pas la même.
Le sommeil a les avantages de la mort sans son petit inconvénient, a dit Albert Cohen.
Le possible est déjà fait, l'impossible est en cours. Pour les miracles, prévoir un délai.
La mémoire de la traite, si longtemps refoulée, est confrontée sans fard au passé négrier grâce à l'exposition Les anneaux de la mémoire (1992) et à un Mémorial de l'abolition de l'esclavage inauguré le 25 mars 2012.
Il suffit de percer la bulle du quotidien dans laquelle on vit, de balayer de temps à autre les codes, les idées toutes faites. Souvenez-vous des mondes fabuleux de l'enfance, des histoires extraordinaires.
Ann dianaf a rog ac'hanouin
C'est du breton! Quelle est la traduction ?
L'inconnu me dévore! Le doute ronge mon coeur! L'incertitude me déchire !
Une envie naturelle le fit à nouveau se lever, traverser la cuisine et pousser la porte des W.-C., desquels il ressortit une minute plus tard. Le bruit de la chasse d’eau couvrit la pre- mière détonation qui claqua dans le vent frais de la Loire. La seconde fut étouffée par des cris de mouettes. Dans sa bar- casse, le pêcheur de civelles s’écroula et le petit bateau resta orphelin sans que nul témoin ne s’en émeuve. Le tireur, vêtu d’une veste en tweed et d’une chemise grise, mit sa main en visière. Il fixa quelques secondes la Loire, la maison de Tristan puis s’éclipsa à pied le plus naturellement du monde. Tristan n’avait rien perçu de la tragédie. Un homme avait été assassiné à moins de cent mètres, de l’autre côté du fleuve. De deux balles, l’une dans la tête, l’autre dans la région du cœur.
La Loire fumait. Tristan Madec avala son café non sucré en deux longues gorgées. Il gardait les yeux fixés sur un pêcheur de civelles qui remontait le courant sur son chalutier zébré rouge et blanc. L’usine de sucre Béghin Say, un bloc de deux constructions de la taille d’un immeuble, avec une très haute cheminée annexe, en imposait de l’autre côté du fleuve. En ce matin de mai, des vapeurs dantesques se détachaient du complexe industriel, surnommé l’Usine Bleue. Bleue mâtinée de grands carreaux blancs, tel un damier géant qui tranchait avec le reste des bâtiments gris terne alentour, dont une fabrique de glace désaffectée. Tristan logeait au lieu-dit la Haute-Île à Trentemoult-les-Nantes, avec ses maisons tarabiscotées d’un siècle évanoui de cap-horniers.
Ce clodo, tel que les images d'Epinal le représentaient, était une pure merveille sortie d'un conte des mille et une galères. Comme toutes les légendes entourant la vie des clochards, on devait l'imaginer dormir sur un matelas bourré d'oseille, de lingots d'or. (p.43)
Les petites anguilles – le fameux « or blanc » dont un kilo comptait deux mille neuf cents alevins – attiraient toutes les convoitises et le marché noir battait son plein. En une quinzaine d’années les tarifs avaient commencé par doubler, puis tripler, quintupler. On en était à douze fois le prix initial. De quoi aiguiser les appétits, le bra- connage, les vols. Ce qui est rare est cher. L’ancien plat du pauvre, qui servait même d’engrais au potager de sa grand- mère, était à présent apprécié des gourmets riches du monde entier.