Le narrateur découvre cette phrase latine lors d`un voyage en Italie. Cette inscription se trouve sur les cadrans solaires de l’Antiquité, elle désigne les heures qui passent, le temps qui file et finit par tuer. Elle est frappante car assez mystérieuse : son sens n’est évident que si on sait où elle a été gravée. Mon narrateur est touché par ce mystère, la phrase écrite aurait-elle un autre sens si les pronoms « elle » ou « elles » désignaient autre chose que « le(s) heure(s) » ? Attiré par cette ambiguïté linguistique, il décide que c’est avec cet adage qu’il va profaner sa peau en se la tatouant sur le plexus solaire.
Pour un œil extérieur, ce personnage a sûrement tout d`un homme discret. Je donne libre cours à ses pensées (la narration à la première personne me facilitant la tache), mais il est du genre mutique. Il dessine pour la presse et pour son ami tatoueur Dimitri, personnage qu’il admire et craint tout à la fois. Il aime les femmes mais n’a jamais voulu s’attacher à l’une d`elles et à l’âge de 46 ans, il s’interroge sur ce qu’il laissera derrière lui.
C’est une question à laquelle j’ai pensé en effet mais je la considère tout de même comme secondaire en regard de l’interrogation principale : « Suis-je en train de ne pas passer à côté de ma vie ? ». La question de la trace qu’on laisse est tellement angoissante que j’ai cessé d`y accorder trop d`importance.
Le « problème » de la plupart des tatouages actuels est qu’ils ne sont que l’expression d`une mode. C’est devenu une sorte d`accessoire. Ils perdent un peu de leur magie. J’essaie de ne pas généraliser mais peu de gens, me semble-t-il, considèrent aujourd’hui le tatouage comme un acte, un symbole transgressif ; il l’était encore il y a peu. A une époque, un tatouage signifiait « j’appartiens à tel clan, tel gang, telle profession (les marins ou les criminels par exemple) ». La société actuelle nivelle tout, les tatouages sont donc courants comme les pommes.
Je n’écris pas consciemment avec mes influences, elles sont là sans que je les convoque. En relisant le manuscrit terminé, j’ai en effet repensé au Horla. Mais un autre texte de Guy de Maupassant m’a beaucoup marquée il y a quelques années : "La chevelure". Comme dans Le Horla, le narrateur prend un sujet comme point focal : les cheveux d`une femme découverts dans un vieux meuble, l’objet intriguant finit par l’obséder et crée sa folie. On a également cité Faust pour Sang d`encre, le personnage du tatoueur étant un être d`une ambiguïté quasi diabolique, cette analogie m’a flattée, et j’avoue avoir été fascinée par ce texte de Goethe. Le thème du mal revenant souvent dans mes romans, sorte de leitmotiv. Par ailleurs, l’érotique des hommes tatoués m’a été inspirée par les romans de Jean Genet que je relis assez régulièrement.
Je ne pouvais pas faire autrement que de m’engager dans une fiction, c’est ma nature. A la différence de mes précédents livres, j’ai opté pour l’analyse d`un point focal : le tatouage. Le livre commençant par la découverte de son symbole à travers les âges et les civilisations et évoluant vers une perception beaucoup plus personnelle de cette expérience corporelle, une expérience qui emmène le narrateur au-delà de l’expérience physique, le fait basculer dans un monde de questions sur les traces et l’oubli, le temps, la mémoire. J’ai resserré la composition, mais c’est sans doute un de mes textes les plus aboutis.
C’était ma première expérience en résidence d`écrivain. J’ai beaucoup aimé cet endroit pour son calme et le paysage autour. Marguerite Yourcenar enfant y a vécu et on ne peut qu’être émue quand on a lu Archives du Nord. Nous étions trois auteurs dont l’un venait de Roumanie. C’était des échanges très intéressants, une autre façon de vivre, un peu à l’écart, une découverte qui m’a sortie de mon quotidien.
J’ai écrit un essai littéraire mais le texte est en lecture chez l’éditeur, et je ne veux pas m’avancer sur une date de publication tant que l’éditeur ne l’a pas annoncée officiellement. J’aborde aussi la rédaction d`un futur roman et ce début comme tous les débuts littéraires est trop fragile pour qu’on en parle. Je creuse mon sillon.
Jean Cocteau qui est civilisé et élégant, simple en apparence.
Shakespeare vous sidère et a toutes les qualités mais ce n’est pas une raison pour se brider. Il ne faut juste pas se comparer.
Colette à l’âge de 9 ans.
Les illuminations et Une saison en enfer de Rimbaud que je relis chaque été.
L’homme sans qualité de Robert Musil. J’ignore pourquoi je remets à plus tard sa lecture.
Peines de coeur d`une chatte anglaise d` Honoré de Balzac. Œuvre méconnue d`un génie.
Une mauvaise conscience peut rendre la vie intéressante : Sören Kierkegaard dans le Journal du séducteur.
L`île de Tôkyô de Natsuo Kirino.
Dans ce deuxième épisode consacré à la rentrée littéraire 2023, découvrez la suite de nos coups de coeur parmi les 466 romans à paraître entre août et novembre. On vous propose d'embarquer vers de nouvelles lectures, grâce aux voix et aux mots de Marion, Michaël, Jean, Laure et Nolwenn, tous libraires à Dialogues. Voici les romans conseillés dans cet épisode : - Les Voleurs d'innocence, de Sarai Walker (éd. Gallmeister) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22507007-les-voleurs-d-innocence-sarai-walker-editions-gallmeister ; - William, de Stéphanie Hochet (éd. Rivages) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22464190-william-stephanie-hochet-rivages ; - Rappelez-vous votre vie effrontée, de Jean Hegland (éd. Phébus) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22535670-rappelez-vous-votre-vie-effrontee-jean-hegland-phebus ; - le Grand Feu, de Léonor de Récondo (éd. Grasset) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22536025-le-grand-feu-leonor-de-recondo-grasset ; - Une façon d'aimer, de Dominique Barbéris (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22445866-une-facon-d-aimer-dominique-barberis-gallimard ; - Sauvage, de Julia Kerninon (éd. L'Iconoclaste) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22541172-sauvage-julia-kerninon-l-iconoclaste ; - La Colère et l'Envie, d'Alice Renard (éd. Héloïse d'Ormesson) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22541525-la-colere-et-l-envie-alice-renard-heloise-d-ormesson ; - L'Indésir, de Joséphie Tassy (éd. L'Iconoclaste) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22539822-l-indesir-josephine-tassy-l-iconoclaste. Et quelques livres cités au fil des conseils : - Dans la forêt, de Jean Hegland (éd. Gallmeister) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/13497306-dans-la-foret-jean-hegland-editions-gallmeister ; - Apaiser nos tempêtes, de Jean Hegland (éd. Libretto) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22535668-apaiser-nos-tempetes-jean-hegland-libretto ; - À moi seul bien des personnages, de John Irving (éd. Points) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/6829045-a-moi-seul-bien-des-personnages-john-irving-points ; - Hamnet, de Maggie O'Farrell (éd. 10-18) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20434347-hamnet-maggie-o-farrell-10-18 ; - Liv Maria, de Julia Kerninon (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20349425-liv-maria-julia-kerninon-folio.
Qu'est-ce qu'un anachorète ?