Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin

Il y aurait donc plusieurs façons d'avoir peur. Qu'est-ce-qui les distingue entre elles, mais quel est, aussi, leur point commun, qui les rattache toutes à une même émotion, la peur ? En quoi la crainte, la terreur, etc., en sont-elles à la fois des nuances, et des émotions spécifiques ? Certes, il est évident que la terreur ou l'épouvante provoquent des sensations beaucoup plus violentes que la simple peur. Mais l'intensité de l'émotion est-elle le seul critère de leur distinction, comme si, par exemple, la terreur n'était qu'une grande peur, et l'inquiétude, une peur modérée ? Autrement dit, s'il existe "une échelle de la peur", elle serait la cause de la multiplicité des termes désignant la peur. Pourtant, entre la frayeur et l'effroi par exemple, il ne semble pas y avoir vraiment de différence d'intensité. Alors, qu'est-ce qui distingue ces émotions entre elles ? Est-ce leur objet ? Mais une même chose ne peut-elle pas provoquer plusieurs émotions différentes - comme le voyage en Australie de Florent, qui soulève en lui la crainte d'un côté, l'effroi de l'autre, tandis qu'il inquiète sa mère ?

Depuis son accident de voiture, Maud a peur de conduire. Il faudrait la payer cher pour qu'elle reprenne le volant, déclare-t-elle. Florent, lui, craint que son projet de voyage en Australie ne puisse se réaliser, faute de ressources suffisantes. Il adorerait partir à la recherche de ce pays, où il ne redoute qu'une seule chose : l'omniprésence apparente d'animaux dangereux, depuis les requins qui sèment la terreur dans la mer, jusqu'aux araignées vénéneuses remplissant la même mission sur la terre ferme.... Rien qu'à imaginer son face-à-face avec l'un de ces insectes, l'effroi paralyse Florent de la tête aux pieds ! Sa mère, elle, s'inquiète à la perspective d'un séjour dans une terre si lointaine, où il pourrait arriver, selon elle, n'importe quoi. Peur des accidents, de certains animaux, peur du futur, de ce qu'on ne connaît pas, ou que ce à quoi l'on aspire le plus ne se réalise pas... Une seule émotion : la peur, aux multiples objets, mais aussi aux multiples facettes, de la crainte à la terreur, de l'inquiétude à l'effroi, en passant par l'angoisse....

il y a bien un moment où il va falloir que tu cesses de t'enfuir, Marianne.

Dans la mémoire de Marianne, les départs de plus en plus fréquents, les absences de plus en plus longues de Dominique s'assimilent à l'odeur sucrée des gaufres que Lorette lui préparait à chaque fois pour la consoler, si bien qu'elle avait fini par détester des gâteaux, leur fausse douceur, leur blondeur insipide.

Lorette a parlé,mais maintenant elle se sent dévastée,comme si elle avait enterré sa fille une deuxième fois.