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4/5 (sur 2 notes)

Nationalité : Royaume-Uni
Biographie :

Stephen Graham est professeur de géographie urbaine à l’Université de Newcastle.

Ses recherches, qui portent sur les relations entre villes, technologies et infrastructures, et sur la surveillance urbaine, l’ont également amené à enseigner au MIT et à la New York University.

Il est l’auteur de plusieurs livres et écrit régulièrement pour la New Left Review ou le Guardian.

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Citations et extraits (7) Ajouter une citation
Plutôt que des odes au dynamisme et à la croissance, ces « villes » sont des parcs d’attractions dédiés à la destruction urbaine et à la violence coloniale. Construites par des spécialistes de l’armée américaine avec l’aide de l’industrie militaire, de concepteurs de parc d’attractions, de développeurs de jeux vidéo, de décorateurs hollywoodiens et d’experts en effets spéciaux, elles servent de terrains d’entraînement destinés à préparer les attaques de villes réelles et lointaines. Ce sont de petites capsules spatiales conçues pour simuler ce que le théoricien militaire américain Richard Norton appelle péjorativement les « villes sauvages » d’un tiers monde en pleine expansion : là où se déroulent les guerres en cours et à venir menées par les puissances occidentales, les espaces stratégiques majeurs de la géopolitique contemporaine.
Eyal Weizman remarque que la doctrine militaire israélienne et occidentale insiste désormais sur la nécessité non seulement de pénétrer et de chercher à contrôler de vastes portions de territoires urbains, mais aussi de restructurer physiquement les espaces urbains colonisés de manière que les armes high-tech et les systèmes de surveillance puissent fonctionner à l’avantage des occupants. Weizman nomme ce processus la « réorganisation de l’espace par la destruction » (« design by destruction »). Selon lui, « la guerre urbaine contemporaine se déroule au sein d’une architecture construite, réelle ou imaginaire, et par la destruction, la construction, la réorganisation et la subversion de l’espace ».
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Le nouvel urbanisme militaire consiste en un changement de paradigme qui fait des espaces public et privés de la ville, de son infrastructure ainsi que des populations civiles qui l’occupent, une entité dont il faut extraire des cibles et des menaces. Cela est manifeste dans l’usage très répandu qui est fait de la métaphore de la guerre pour décrire la condition, supposée éternelle, des sociétés urbaines (qui sont toujours en guerre contre la drogue, contre le crime, contre le terrorisme et contre l’insécurité elle-même). Cette évolution implique la militarisation insidieuse de nombreuses questions politiques, des paysages urbains et des infrastructures de circulation, ainsi que de pans entiers de la culture populaire et urbaine. Et l’on assiste à la diffusion rampante dans tous les milieux sociaux de débats militarisés sur le thème de la « sécurité ». Tout cela, une fois de plus, concourt à propager les idées essentiellement militaires de la préparation et de la poursuite de la guerre au cœur de la vie citadine ordinaire.
Cette militarisation insidieuse de la vie urbaine se produit à une époque où, pour la première fois au cours des 150 000 ans de son histoire, l’humanité est devenue une espèce principalement urbaine. Elle tire sa puissance d’une multitude de canaux de militarisation et de sécurisation qui, jusqu’ici, n’avaient jamais été considérés ensemble ou vus comme un tout. C’est précisément ce qu’entend faire ce livre.
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Au même titre que les bombardements américains en Irak, ces pratiques sont un reflet direct des évolutions de la doctrine militaire israélienne. Le ciblage systématique des infrastructures civiles est désormais considéré comme un moyen d’exercer un pouvoir coercitif sur l’ennemi dans une guerre urbaine « non traditionnelle » contre des insurgés soutenus par la population civile. Sur ce point, la doctrine israélienne a clairement été influencée par la doctrine américaine inspirée des travaux de John Warden, qui décrivent les sociétés ennemies comme des « systèmes de systèmes » et le ciblage des infrastructures urbaines comme un moyen de lancer des « opérations fondées sur les effets » pour agir psychologiquement sur la population. Désormais, pour les théoriciens militaires israéliens, le ciblage des infrastructures est le meilleur moyen de mener une « guerre diffuse », sans lignes de front apparentes. Comme l’ont écrit Haim Assa et l’ancien amiral Yedidia Groll-Yaari, « plutôt que d’être définie par les paramètres de lignes de front et de fronts intérieurs, la nature des conflits à venir pour les États-nations sera déterminée par des objectifs légitimes et des effets attendus liés à une multitude de points de contact, des infrastructures militaires aussi bien que civiles ». Ainsi, en accord sur ce point avec la doctrine américaine, la destruction des infrastructures civiles est considérée par les stratèges militaires israéliens comme l’un des rares moyens à disposition pour faire pression sur les insurgés.
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Dans ce contexte, la doctrine militaire et sécuritaire occidentale tend à brouiller dangereusement les frontières juridiques et opérationnelles qui séparent la police, le renseignement et l’armée, la guerre et la paix, les opérations locales, nationales et internationales. En effet, les guerres et les mobilisations qu’elles supposent n’ont plus de contraintes spatio-temporelles : elles n’ont plus de limites territoriales et sont plus ou moins permanentes. Dans le même temps, les centres du pouvoir d’État dépensent de plus en plus de ressources pour discerner les corps « nuisibles » et « menaçants » des corps « fiables » et « menacés » dans les espaces quotidiens des villes et les infrastructures qui les relient les unes aux autres. Ces nouvelles politiques sécuritaires ne s’appuient pas sur les droits juridiques ou fondamentaux ni sur les systèmes judiciaires universalistes, mais sur le profilage des individus, des lieux, des comportements, des associations et des groupes. Les sujets sont alors distribués sur une échelle de risque en fonction de la violence, de la nature perturbatrice ou de la contestation qu’ils sont susceptibles de mobiliser contre l’ordre géographique dominant sur lequel repose le capitalisme néolibéral mondialisé.
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L’attaque, par les Israéliens et les Américains, de leurs Autres arabes respectifs a par-dessus tout été alimentée par la plus puissante des armes de guerre urbaine : la fabrication imaginaire de la géographie et de l’altérité au service de la violence et de la militarisation. De tels imaginaires géographiques relèvent de ce que les anthropologues appellent la « violence symbolique ». Loin d’être un détail par rapport à ce que produisent « réellement » la guerre et la sécurité, ils servent à produire et légitimer continuellement les géographies de la sécurité et de la violence.
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Paul Gilroy va plus loin en suggérant que l’invocation systématique de la « patrie » par l’administration Bush, inspirée de l’idée extrêmement influente de « choc des civilisations » développée par Samuel Huntington, « nécessite que la conscience cosmopolite soit tournée en ridicule » dans les discours du gouvernement et des médias dominants. Gilroy a décelé, dans le monde « post-11 septembre », une « incapacité grandissante à conceptualiser les relations multiculturelles et postcoloniales comme autre chose qu’un risque ontologique et une menace ethnique ».
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Ayant appris des erreurs commises au Liban dans les années 1980, les Israéliens semblent avoir ciblé, comme le montre l’analyste de l’armée israélienne Dov Tamari, « les infrastructures sociales qui ont permis aux combattants ennemis de se former et à leurs familles de survivre ». La désignation adéquate de cette stratégie fut trouvée, au début des années 1990, plus ou moins simultanément par Marshall Berman et un groupe d’architectes bosniaques : l’ « urbicide », c’est-à-dire l’anéantissement ou l’éradication volontaire d’une ville.
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