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Critiques de Stephen Jay Gould (68)
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L'équilibre ponctué

J'ai évoqué, dans un commentaire récent, l'apport grandiose que constitua pour la pensée humaine, en 1859, la publication de l'oeuvre majeure de Charles Darwin intitulée originellement « de l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle », titre plus tard simplifié par les éditeurs et les vulgarisations en seulement « L'Origine des Espèces ».



(— parenthèse importante — Il y eut, plus tard en 1871 la publication par le même Darwin d'un autre ouvrage majeur mais malheureusement moins connu et moins médiatisé, intitulé en français « La Filiation de l'Homme et la sélection liée au sexe ». Il y présentait l'importance d'un autre phénomène sélectif à l'oeuvre, de nature quelque peu différente et parfois aberrant, à savoir, la sélection sexuelle. Ainsi, les couleurs chatoyantes de même que la longue et mal pratique queue du paon peuvent difficilement s'expliquer par une meilleure adaptation à l'environnement physique ou aux prédateurs.



Pareillement, en ce qui concerne notre espèce, la très longue chevelure et l'éventuel fort encombrement de la poitrine féminine peuvent difficilement s'expliquer par des impératifs du milieu naturel dans une préhistoire où le fait de pouvoir courir vite et sans entrave à travers la végétation devait être un facteur essentiel de survie.



On sait par ailleurs que le volume de la poitrine n'est pas corrélé à une meilleure aptitude à la lactation chez la femme de même que la largeur extérieure des hanches n'est pas corrélée à un diamètre du bassin supérieur pour faciliter, éventuellement, la naissance des enfants.



Ce ne sont que des « leurres » inopérants en terme de meilleures chances de survie de la progéniture, sélectionnés au cours du temps par les partenaires masculins naïfs successifs, et ce, par le biais de la sélection sexuelle. Ce que l'on nomme théorie darwinienne de l'évolution comprend, en fait, ces deux phénomènes distincts, la sélection naturelle et la sélection sexuelle. — fin de la parenthèse —)



Dans L'Origine des espèces, Charles Darwin fait la description d'un phénomène opérant sur des temps relativement courts, que l'on nomme maintenant communément, microévolution. Selon Darwin, de petites variations apparaissent dans la descendance d'une génération (c'est la phase mutation), parmi cette descendance, ceux dont les aptitudes sont compatibles avec la survie survivent et les autres, non (c'est la phase dite de sélection naturelle).



L'ensemble, la combinaison de ces deux phases, 1) diversification par mutation puis 2) resserrement des possibles via sélection naturelle concourt à l'obtention d'êtres toujours les mieux adaptés possibles à leur environnement physique (et/ou social dans le cas de la sélection sexuelle) qu'on nomme, tout simplement, adaptation.



Qu'est-ce donc que la théorie des équilibres ponctués ? Une appellation un peu ronflante et pas trop parlante si l'on n'est pas un peu de la partie, mais vous allez vite comprendre. Il s'agit d'évolution biologique à l'échelle des temps géologiques ou, pour faire plus simple, sur les temps longs que l'on nomme macroévolution.



Charles Darwin, dans la mouvance du géologue Charles Lyell, pensait que c'était son processus évolutif fait d'une multiplication de minuscules changements, apportant ou non un avantage sélectif, qui, par le biais de la sélection sur des temps longs, conduisait à l'évolution graduelle des espèces. C'est ce que l'on a dénommé une vision « gradualiste » de l'évolution.



Or, tous les paléontologues ou presque savent que, dans les séries stratigraphiques, on trouve souvent des stades déterminés de l'évolution d'une espèce par rapport à sa forme ancestrale mais pas tous les petits stades intermédiaires. Selon le vieil adage « l'absence de preuve n'est pas la preuve d'une absence », cette absence fut longtemps interprétée par les paléontologues comme relevant d'une lacune dans les témoignages fossiles disponibles. (Ces lacunes étant dues, selon eux, essentiellement à la fantastique somme de hasards nécessaires pour conduire à une bonne fossilisation.)



Cette vision fut considérablement remise en question en 1972 par deux jeunes scientifiques américains, Nile Eldredge et Stephen Jay Gould qui allèrent donner un bon gros coup de pied dans la fourmilière gradualiste de l'évolution. En effet, selon eux, et sans exclure évidemment la possibilité d'une évolution graduelle à une certaine échelle de temps plus petite, l'évolution des espèces s'effectuait au contraire par bonds rapides (à l'échelle des temps géologiques s'entend), qu'ils baptisèrent « ponctuations » avant de stationner pendant une longue période (phase d'équilibre appelée « stase ») tant que les pressions de sélections ne fluctuaient guère, puis à nouveau un bref épisode de forts changements conduisant à l'apparition de nouvelles espèces.



Voilà ce que l'on entend par « équilibres ponctués » : de longues périodes de stabilité dans la vie des espèces ponctuées par de brefs épisodes évolutifs mais d'importance capitale car générant de nouvelles espèces. Ceci a quelque chose d'un peu contre intuitif, à savoir que les espèces apparaissent soudainement à l'échelle des temps géologiques et déjà dans leur forme quasi optimale. Selon eux, lorsqu'il y a changement, cela veut dire, en fait, disparition de l'espèce souche considérée et changements assez importants dans la ou les espèces filles.



Pour tenter d'illustrer de façon un peu impropre cette compréhension particulière des mécanismes évolutifs sur les temps longs, je vais tâcher de prendre deux exemples qui parlent, je l'espère, au plus grand nombre. (Les gens aiment bien qu'on leur parle d'eux mêmes, alors je me vois plus ou moins contrainte de prendre l'exemple de l'espèce humaine même si elle n'est, de loin, pas l'espèce la plus intéressante à considérer à mes yeux.)



Prenons, donc, l'espèce humaine. On sait, d'après les travaux les plus récents venus à ma connaissance, que les plus anciens représentants de notre espèce ont été découverts au Maroc et datent d'environ 300.000 ans. Donnée paléontologique brute. (Cela ne signifie pas que notre espèce ne puisse être plus vieille encore, cela signifie juste qu'à ce jour, c'est le plus ancien reste avéré découvert.)



300.000 ans, donc. Comment vivaient les Hommes à cette époque-là ? Concrètement, on n'en sait rien ou à peu près, on sait juste qu'ils étaient chasseurs-cueilleurs. Et chasseurs-cueilleurs, tous les Hommes le sont restés jusqu'environ 15.000 ans avant aujourd'hui (là encore, je ne dis pas que tous les Hommes ont basculé dans l'agriculture et l'élevage il y a pile 15.000 ans, je dis, c'est le moment approximatif où a eu lieu la « révolution » néolithique).



Si je sais compter, cela signifie donc une longue phase d'équilibre qui aura duré au moins pendant 285.000 ans dans la vie de notre espèce, ponctuée par une phase ultra rapide d'évolution datant d'il y a 15.000 ans environ. Depuis sommes-nous revenus à l'état d'avant ? Non. Y a-t-il fondamentalement une immense évolution du procédé d'acquisition de notre nourriture depuis lors ? Non. Donc, rien qu'au sein de notre espèce, on peut déjà parler d'équilibre ponctué.



Bon, deuxième exemple, à présent, encore plus chauvin, encore plus discutable, à savoir, le cas de l'histoire de France. L'an 987 fut marqué par le sacre d'un roitelet dénommé Hugues dit « Capet », fondateur d'une dynastie dite des « Capétiens ». Cette famille est restée sur le trône de France sans discontinuer ou presque jusqu'à la toute fin du XVIIIè, début XIXè siècles.



Son ordre a reposé sur à peu près les mêmes piliers pendant tout ce temps-là : catholicisme, monarchie de droit divin, etc., etc. Dites-moi, 800 ans, à l'échelle d'un pays et d'une famille, ça n'est pas rien, tout de même, non ? Et la Révolution française ? Ça a duré combien de temps ? Est-ce que l'ordre établi s'en est remis ?



Est-ce que l'espèce nouvelle apparue, La République, était fondamentalement différente de ce qu'elle est encore aujourd'hui ? Non, elle avait donc, dès le départ, une grande partie de ses caractéristiques ultérieures et elle les conservera probablement jusqu'à sa disparition en tant qu'espèce de système politique.



On peut donc raisonnablement considérer l'espèce « Monarchie capétienne française de droit divin » comme apparue très rapidement à l'échelle des temps historiques sous sa forme canonique. Elle s'y est maintenue à peu près 800 ans puis a disparu tout aussi rapidement, donnant naissance à une espèce nouvelle, La République Française, qui elle non plus ne s'est pas fondamentalement transformée depuis sa création et qui crèvera un jour brutalement et qui donnera, à n'en pas douter une nouvelle espèce, probablement très différente et qui, c'est la règle, stagnera ainsi un certain temps et puis… et puis je ne serai plus là pour en parler !



Si vous souhaitez approfondir cette question des équilibres ponctués, je vous conseille vivement d'oublier tout ce que vous venez de lire et de vous jeter sur ce livre de Stephen Jay Gould, qui devint, après la proposition de cette théorie, le plus grand expert reconnu de l'évolution biologique tout en étant conjointement son plus éminent vulgarisateur.



Un superbe essai, pas toujours forcément hyper lisible par les néophytes — ce qui n'est pas le cas des livres de vulgarisation de l'auteur — une pierre importante à l'édifice universel du savoir, du moins c'est mon point de vue, c'est-à-dire, une longue stase de blabla ponctuée par ce qu'il est en définitive : pas grand chose.
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Darwin et les grandes énigmes de la vie

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas Stephen Jay Gould, même de réputation, sachez que ce monsieur était juste le plus grand spécialiste de l'évolution du XXème siècle, qu'il enseignait la biologie, la paléontologie et l'histoire des sciences à Harvard et qu'il nous a quitté encore assez jeune en 2002, victime d'un cancer.

Il est le co-auteur de la théorie des équilibres ponctués (voir à ce propos son livre L'Équilibre ponctué), il a mis en avant la notion d'exaptation et a aussi remis au goût du jour, en les modernisant et en les replaçant sous l'angle de la génétique, les vieilles idées d'Ernst Haeckel à propos de l'ontogenèse qui résume la phylogenèse, ce que l'on nomme désormais sous l'appellation "évo-dévo".

Mais comme si tout cela ne suffisait pas, Monsieur Gould, s'est imposé comme l'un des plus grands et talentueux vulgarisateurs scientifiques, toutes époques et toutes disciplines confondues.

Son oeuvre est un peu atypique. On lui confia au début des années 1970 une chronique dans un mensuel (Natural History Magazine pour ne pas le citer). Stephen Jay Gould s'est pris au jeu et dans chaque numéro, il s'est mis à traiter un sujet relevant le plus souvent de l'évolution, mais aussi de la géologie ou de l'histoire des sciences, sous forme de mini essai d'une succulence extrême.

Ces minis essais eurent tant de succès que beaucoup n'achetaient guère le magazine que pour cette chronique, puis un éditeur eut l'idée de les réunir sous forme de recueil. Il tint cette chronique chaque mois, sans défaillir jusqu'aux années 2000.

Celui qui nous occupe ici est le tout premier recueil, où on lit déjà toute la verve, tout l'enthousiasme communicatif, toute l'érudition, toute la finesse de vue et le talent de conteur de ce géant des sciences.

Je vous conseille donc fortement de commencer par celui-ci si vous décidez de vous attaquer à l'oeuvre de vulgarisation de l'auteur (pardonnez au passage la traduction catastrophique du titre français, car l'ouvrage s'intitule en anglais "Ever since Darwin").

La couverture fait référence à l'article qui parle de " l'élan d'Irlande " et de sa fameuse ramure XXXL, bien qu'il s'agisse d'un cerf, et qui n'était rien moins que le plus grand cervidé vivant et qui a fait les frais de l'apparition de l'homme moderne sur ses terres.

Cependant, vous pouvez choisir de lire seulement les chapitres qui vous intéressent car chacun est un tout en soi puisqu'il a été conçu indépendamment. C'est souvent drôle, insolite, et terriblement formateur sur la grande question qui occupait Gould, les mécanismes de l'évolution biologique.

À mon sens, un incontournable pour tous ceux que la question intéresse, et bien évidemment, pour les autres, à titre de culture générale, mais tout ceci, une nouvelle fois, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Pouce du panda

Voici le second opus des réflexions sur l'histoire naturelle de Stephen Jay Gould qui en compte dix.



Je pense sans nostalgie excessive ou catastrophisme que c'est le meilleur, à la fois scientifiquement lumineux, drôle, insolite et bien écrit et que...

... malheureusement, il n'est plus édité ! Les autres sont au Seuil dans la collection Point sciences et celui-ci, incompréhensiblement, était paru dans la collection biblio du livre de poche.



Au delà du chapitre qui donne son nom au livre et qui est savoureux, je vous conseille un magnifique et déconcertant chapitre sur l'évolution de Mickey, oui, le Mickey de Disney, qui devient peu à peu néoténique comme beaucoup de personnages de BD ou encore le Bibendum de Michelin.



Il y est comme toujours question d'évolution et de son caractère non déterministe (le grand combat de l'auteur, plus grand spécialiste de l'évolution au XXème siècle). Il y est aussi question d'histoire des sciences et de mille autres petits aspects culturels ou insolites, tous racontés de la façon

fascinante et drôle qui caractérise la plume multicolore de Gould. Un vrai Diamant ce Gould ! (excusez-moi, un calembour foireux, dès le matin, ça ne se refuse pas !)



Je l'ai acheté trois fois, prêté trois fois et à chaque fois il a tellement plu qu'on ne me l'a jamais rendu et me voilà maintenant privée de ce livre exceptionnel. Mesdames et Messieurs les éditeurs, faites quelque chose. (Pssst ! S'il vous plait, rééditez-le, mais ce n'est que mon avis, alors, Pouce ! ça ne compte pas.)
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Quand les Poules auront des Dents

C'est toujours avec grand plaisir qu'on se plonge dans un recueil de mini-essais de Stephen Jay Gould. On ne sait qu'une chose, c'est que découvertes et surprises seront au rendez-vous.



Ici, l'ouvrage ne déroge pas à la règle : le titre — traduction osée et intéressante mais quelque peu fallacieuse de l'original " Hen's teeth and horse's toes " — évoque le fait que des vestiges d'évolutions antérieures sont toujours perceptibles de nos jours chez à peu près toutes les espèces, en l'occurrence ici, les gènes codant pour les dents chez les poules (et tous les autres oiseaux) du temps où celles-ci étaient des dinosaures ordinaires ainsi que les embryons de doigts latéraux qu'on peut encore déceler sur un squelette de cheval, témoins d'une époque où les chevaux étaient polydactyles.



Je vous conseille également l'essai intitulé " l'anneau de guano " (photo de couverture) où Stephen Jay Gould nous fait toucher une réalité évolutive qui va à l'encontre des sociobiologistes (comme Richard Dawkins, par exemple ou Edward O. Wilson) qui pensent un peu trop en termes de " tout adaptatif ".



Qu'en est-il ici avec le fou à pieds bleus qui vit sur les rochers désolés de l'archipel des Galapagos ? Le couple reproducteur délimite au moyen de ses fientes un anneau de couleur blanche (qui tranche avec le brun-noir de la roche mère volcanique) au centre duquel il dépose son œuf.



Les siècles d'évolution ont sélectionné un comportement, ma foi, fort simple pour assurer son succès reproductif, à savoir, tout rejeton situé à l'intérieur de l'anneau est choyé et nourri, tout rejeton situé à l'extérieur de l'anneau se reçoit un bon coup de bec des familles.



L'appareil neuronal nécessaire à l'élaboration d'un tel comportement ne semble pas très complexe et l'efficacité, redoutable, d'où sa sélection. Cependant, si par malheur l'infortuné poussin se retrouve " poussé " hors de l'anneau, il se fait arroser la tête de coups de becs par ses propres parents jusqu'à ce que mort s'ensuive. L'intérêt adaptatif pour les parents semble ici plus douteux.



La leçon de Gould est que chaque comportement vient avec " un paquet " d'autres. Certains sont tellement intéressants d'un point de vue évolutif qu'ils sont sélectionnés mais entraînent dans leur sillage d'autres comportements qu'il est vain de chercher à expliquer avec pour seul critère le fameux rapport coût/bénéfice des sociobiologistes.



Outre ces essais, je vous conseille également l'essai sur Karl Pearson, père du célèbre coefficient de corrélation, et au passage antisémite notoire. J'ai particulièrement savouré aussi sa trilogie du zèbre avec notamment celui intitulé " C'est quoi un zèbre ? " et l'autre " Comment les rayures viennent aux zèbres " évoquant cette douloureuse question de savoir si les zèbres sont noirs rayés de blanc ou blancs rayés de noir ?



Laquelle question ne recevra pas, dans l'imaginaire collectif, la même réponse selon que vous serez un européen blanc ou un africain noir. Or, les natifs du sol africain détiennent la bonne vision (par hasard, il est vrai, mais tout de même).



Gould nous sensibilise aussi au rôle majeur du développement embryonnaire dans la compréhension de l'évolution de même qu'aux avatars de la génétique, voir par exemple l'essai intitulé " Les monstres prometteurs ".



La partie la moins intéressante du recueil, à mon goût, est celle destinée à " prouver " la véracité de l'évolution, activité qui peut nous apparaître comme un enfoncement de portes ouvertes de ce côté de l'Atlantique mais que l'on comprend si l'on resitue ce livre à sa date de parution, en plein dans les années Ronald Reagan et son retour au religieux et au créationnisme. (Gould se battra avec encore plus de véhémence contre les créationnistes dans le recueil suivant Le Sourire Du Flamant Rose.)



Donc, je conclus en me prononçant encore très satisfaite de ce troisième recueil de " réflexions sur l'histoire naturelle ", mais toute cette glose n'est que mon avis de poule, c'est-à-dire, pas grand-chose tout pendant que mes dents se refusent à pousser.
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La mal-mesure de l'homme : L'intelligence s..

Supplique, essai, pamphlet, comme vous voudrez, pour dénoncer tous ceux, de tout temps, de tout poil et de partout, qui essaient de justifier des discriminations entre les êtres humains sur la base de caractères morphologiques.

Stephen Jay Gould dénonce surtout la craniométrie, sorte de pseudo-science mise en lumière par l'anatomiste français Paul Broca au XIXème siècle (voilà un triste privilège pour nous autres Français) mais pas seulement.

Ce qu'il souligne, c'est que certains lobbies essaient de s'appuyer sur une prétendue science pour obtenir des arguments « irréfutables » qui justifieraient « biologiquement parlant » telle ou telle place inférieure ou infamante dans une hiérarchie sociale comme, par exemple, la taille moyenne du cerveau des femmes inférieure à celle des hommes qui légitimerait qu'elles demeurent éternellement sous la tutelle d'un mari.

L'auteur explique, selon moi de manière convaincante, que si l'on s'arrête au fait brut et mesurable, effectivement, il y a une différence mais que la taille du cerveau est étroitement corrélée à la taille corporelle, or les femmes sont en moyenne plus petites que les hommes. Si l'on corrige cette donnée brute « taille du cerveau » par cette autre donnée brute « taille corporelle », on se rend compte que plus aucune explication liée au sexe n'explique les différences résiduelles.

De même, ceux qui se sont attachés à disséquer le cerveau des « hommes d'exception » comme Albert Einstein ou quelques autres ont fait chou blanc dans ce domaine. Plus encore, certains, comme Anatole France, pour ne citer que lui, avaient une taille de cerveau curieusement petite et très en-dessous du volume cérébral attendu par les craniologues.

Gould passe en revue les grands classiques du genre comme les comparaisons entre hommes de type négroïde et chimpanzés, faisant passer ce groupe ethnique pour le « chaînon manquant » entre les grands singes anthropoïdes et « l'homme moderne » (à savoir dans leur tête, l'homme blanc occidental) justifiant l'état d'asservissement de tout un continent et la « normalité » de l'esclavage à leur égard, de même que le fameux « type juif », ou encore les montreurs de monstruosités (la vénus hottentote), les tests de QI et j'en passe.

L'une des conclusions de Gould est que ces mesures, qu'elles concernent les attributs physiques ou l'intelligence, ont toujours comme point commun que le seuil le plus élevé d'excellence est toujours atteint par les inventeurs ou commanditaires de ces mesures. Étonnant, non ?

Mais gardons-nous bien de vouloir mesurer le degré d'égocentrisme, de racisme, d'imbécillité ou de tout autre caractère de nature à dévaloriser ces « chercheurs » parfois honnêtes, piliers de l'eugénisme, ferment de tant de dérives discriminatoires (au premier rang desquelles la folie nazie), sous peine de nous abaisser en tant qu'êtres humains doués de tolérance à la diversité humaine et de nous embourber dans les mêmes travers que ceux qu'on voudrait montrer du doigt. On aurait vite fait de retomber sur le fameux débat sur la peine de mort : faut-il tuer les criminels au risque de le devenir nous-même ? Je vous laisse méditer là-dessus, et d'ailleurs, tout ceci n'est que mon avis, celui d'une femme dont le cerveau est notoirement plus petit que celui d'un grand penseur mâle, c'est-à-dire, pas grand-chose.



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Darwin et les grandes énigmes de la vie

Compilation d'une série d'articles publiés dans le Natural History Magazine, ce livre traite de sujets scientifiques variés : théorie de l'évolution principalement, mais aussi l'histoire des sciences, partie qui m'a beaucoup plus intéressé.



J'ai beaucoup apprécié la description des anciennes théories qui se sont révélées fausses, pour lesquelles Gould montre que non, elles n'étaient pas l'œuvre de cerveaux faiblards qui font honte à la communauté scientifique aujourd'hui, mais qu'elles étaient les plus logiques et les plus rationnelles pour les connaissances de l'époque.



Les textes critiquent également le mélange entre sciences et politique, soit par la récupération de résultats pour en tirer des conclusions douteuses sur notre société (QI, darwinisme social, …), soit par l'application forcée de convictions politiques sur la nature.



Ce livre suscite beaucoup de réflexions intéressantes, et appelle aussi à une bonne dose d'humilité dans la pratique de la science.
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La mal-mesure de l'homme : L'intelligence s..

J'ai eu la chance d'avoir pendant mon cursus un petit cours, « Biologie et société », qui reprenait quelques unes des idées exposées dans ce livre (racisme scientifique, biais culturels, …) et qui m'a beaucoup marqué malgré le faible nombre d'heures qui lui était attribué. L'aveuglement inconscient et les trésors de mauvaise foi déployés devant des chiffres têtus a de quoi impressionner. Car la plupart de ces chercheurs ont souvent procédé à des collectes de données honnêtes avant de les tordre dans tous les sens. Les statistiques, domaine universellement détesté par les étudiants, sont effectivement le seul outil permettant de faire une distinction entre ses intimes convictions et la réalité, mais sa maîtrise est compliquée : s'il y a bien un domaine où toutes les intuitions se révèlent systématiquement fausses, c'est bien celui des statistiques !



L'essai se divise en trois parties : la première concerne la justification du racisme par la science. La théorie n'est plus très à la mode aujourd'hui, mais son histoire donne un petit aperçu de toutes les manipulations qu'il est possible de faire pour sauver sa thèse : mise à l'écart de données gênantes, regroupements en catégories arbitraires pour cacher ou faire apparaître certains traits, … Il serait toutefois naïf de penser que ces biais n'existent plus aujourd'hui dans la science.



La deuxième partie concerne le déterminisme biologique, utilisé dans la justice. Sujet toujours d'actualité, puisque la détection de la délinquance en maternelle a été proposée en France il y a quelques années...



La dernière partie parle du quotient intellectuel, et les 200 pages qui lui sont consacré font vraiment du bien ! J'ai toujours eu du mal à exprimer mes doutes sur ce sujet, surtout en face d'un interlocuteur généralement peu disposé à remettre en cause un test qui lui assure une intelligence supérieure à 95 % de la population, mais cette lecture est éclairante. Même si le but initial de ces tests était positif (détecter les enfants en difficulté pour leur offrir un enseignement adapté), ils ont été récupérés comme échelle unique et indiscutable de l'intelligence. Certaines anecdotes sont hallucinantes, comme ce chercheur américain qui constate avec effarement que certains pays sont composés à 80 % de débiles, sans songer une seule seconde à se remettre en cause.



Lecture éclairante et passionnante, qui démonte pas mal de mythes. On devrait proposer au moins quelques extraits du livre à toute personne destinée à manipuler des statistiques un jour ou l'autre.
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La Vie est belle : Les Surprises de l'évolution

Un livre passionnant qui raconte l’histoire d’une découverte fondamentale : celle des fossiles de Burgess. Les principaux fossiles ont été mis à jour assez rapidement (même si la plupart stockés n’ont été redécouvert que bien après)

Mais c’est là que le livre est passionnant :

L’interprétation correcte de ses fossiles a pris des décennies.

Pourquoi ?

Les connaissances et croyances de l’époque représentaient l’évolution comme un arbre du plus simple / primitif au plus avancé (dont l’humanité).

Or à Burgess, on est en plein Cambrien. La vie est tellement variée. Les formes, les plans d’organisations sont tellement divers (bien plus qu’aujourd’hui). Ces organismes nous sembleraient venir d’une autre planète tant l’organisation des êtres vivants semble cantonnée à quelques plans (comme les mâchoires, les pattes, ...)



Les scientifiques de l’époque ont tenté de faire rentrer ce foisonnement au chausse-pied : ils ont tenté de trouver dans ces fossiles des formes primitives des embranchements ultérieurs



Le livre raconte comment des chercheurs ont analysé, douté des études précédentes et fini par embrasser toute la forêt de l’évolution.

La conclusion est radicale : nous ne sommes que des survivants d’ organismes mineurs de l’époque cambrienne.



Il faut prendre conscience que nos croyances et connaissances partielles sont des obstacles à une compréhension plus profonde de notre monde.
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Le sourire du flamant rose

J’ai découvert par hasard la série « Réflexions sur l’histoire naturelle » de Stephen Jay Gould, bien qu’ayant déjà lu l’un de ses livres, et je me suis lancé ainsi dans la lecture du quatrième tome (oui je prends le train en marche) intitulé « Le Sourire du flamant rose ».



Le livre est en réalité un recueil de publications parues dans le magasine « Natural History » organisé comme ceci :



1. Zoonomia et exceptions

Dans cette première partie, Gould résout le problème du sourire du flamant rose et discute de la vie à l’envers en général et des adaptations qui en découlent. Puis s’attaque aux légendes et principalement au cannibalisme sexuel bien connu des mantes pour arriver sur les siamois et la notion d’individu qui pourrait être discuté et enfin élargir ce problème au règne animal avec l’étude des cnidaires coloniaux. C’est à la fois le concept de sélection naturelle et d’organisation de l’organisme qui est discuté ici principalement.



2. Théories et intuitions

La seconde partie reprend quelques théories farfelues chères aux créationnistes de notre temps. Parmi elles, l’idée des fossiles et du nombril placés par Dieu pour matérialiser « l’avant », l’interprétation des moraines et autre matériels détritiques dus à la dernière glaciation comme signe du déluge, la datation de la Terre dans la connaissance de la radioactivité par Kelvin et enfin le débat préformationnistes contre épigénétiens. Gould met en évidence le contraste entre les créationnistes de l’époque ayant réfuté leurs propres théories et les créationnistes de notre temps, ne faisant que croire en des théories réfutés par les leurs.



3. L’importance de la taxinomie

Etude de la sexualité des hommes comme base de classification, phylogénie des gastéropodes des Bahamas, classification raciale de l’Homme et évolution accidentelle, théorie de la classification par le chiffre 5. Tant de sujet tournant autour de la classification de la biodiversité actuelle et passée.



4. Les tendances et leur signification

On assiste ici à des pistes pour élucider l’histoire du vivant à travers l’extinction de la faune d’édiacara précambrienne, des conodontes, de la faune de Burgess, et des problematica, ces fossiles encore non identifiés. Les causes des extinctions seront d’ailleurs discutées dans la partie 8.



5. Politique et progrès

La partie la plus repoussante de ce recueil, non pas que ce soit inintéressant, mais on touche ici à la classification raciste de l’Homme, à l’eugénisme des années 20, à l’exhibition de la vénus hottentote et on termine sur un programme eugéniste actuel, montrant bien que toute cette folie n’est pas derrière nous.



6. Darwinia

En tant qu’amateur d’histoire et d’anecdote concernant mes disciplines favorites, je dois dire que l’histoire balayant la légende de Darwin sur les pinsons m’a laissé sur le cul ! De même que l’origine du maïs d’ailleurs pris comme exemple dans les nouveaux programmes SVT de lycée, j’aimerai bien savoir à quelle théorie les professeurs se rattachent !



7. La vie ici et ailleurs

Après être resté sur Terre, nous partons dans le monde fantastique des esprits, de l’intelligence dans l’univers et du programme SETI se proposant d’être à l’écoute d’une quelconque technologie extra-terrestre. Discussions intéressantes autour du point de vue des évolutionnistes. On est tous d’accord qu’un E.T. humanoïde à peu de chance d’exister…



8. Extinction et continuité

Enfin le livre se termine sur les hypothèses quant à l’extinction des dinosaures et un article troublant sur l’existence d’un second soleil nommé « Nemesis », source d’une cyclicité dans les extinctions massives ou non. C’est assez drôle de voir que Gould tend à espérer que cette théorie sera vérifiée alors qu’elle est majoritairement rejetée actuellement !



Bref un livre de vulgarisation d’une grande qualité, une source de culture incroyable, bourré d’anecdotes et de pointes d’humour qui rendent la lecture plus qu’agréable. C’est avec tristesse que je referme ce livre mais avec impatience que je me suis commandé la suite!

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La structure de la théorie de l'évolution

Bien que j’aie mis cinq étoiles à cet ouvrage de plus de 2000 pages (au format 14*22 !), je dois vous avouer que je ne l’ai pas lu. Enfin, pas en entier car c’est un livre très ardu, qui s’adresse d’abord, je pense, aux spécialistes, et non au néophyte que je suis. J’ai picoré dedans au gré de mes recherches dans son index. En fait, je voulais posséder ce livre car pour moi il est la bible de la théorie de l’évolution, et Stephen Jay Gould en est le pape. Sa théorie de l’équilibre ponctué à bousculé la théorie de Darwin et l’a dépoussiérée. La théorie de l’Evolution a évoluée. Et Gould n’est pas le seul à l’avoir secouée. Je pense en particulier à Richard Dawkins, à son « gêne égoïste » et à ses « réplicateurs ». Mais les idées de Dawkins, pour séduisantes qu’elles soient, n’emportent pas mon adhésion. Les idées de Gould me semblent plus de nature à résister aux assauts de ses contradicteurs. Et elles résistent fort bien et font même mieux puisqu’elles sont aujourd’hui confirmées et admises. Sauf bien entendu par les créationnistes. Et c’est à cause des idées insensées des créationnistes que j’ai voulu avoir ce livre dans ma bibliothèque ; je voulais pouvoir le brandir mentalement en leur disant : « voilà la bible de l’apparition de la vie sur cette planète ! ».

Et puis aussi, ce livre est nécessairement une Histoire de la théorie de l’évolution et à ce titre on y trouve des anecdotes sur les grands acteurs et contradicteurs de cette théorie.

Une dernière chose : j’ai bien cherché mais je n’ai pas trouvé dans cet ouvrage la moindre allusion à l’épigénétique. (Ou alors GOULD en parle sous un autre nom !). Or cette voie me paraît à la fois passionnante et prometteuse dans la connaissance de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. A suivre donc…

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La Vie est belle : Les Surprises de l'évolution

Ce livre est un peu compliqué et nécessite, malgré les grands efforts de simplification de l'auteur, quelques connaissances de base sur la biologie animale. Néanmoins, il aborde un sujet important de la théorie actuelle de l'évolution et est indispensable à toute personne qui souhaite connaître le sujet.
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La mal-mesure de l'homme : L'intelligence s..

Ce livre est une mise en garde et devrait être lu par tout bon scientifique qui se respecte (ou toute personne intéressée par la démarche scientifique ou le racisme). Gould démontre à travers l’histoire scientifique à quel point les sciences sont attachées à un contexte socio-politique et ne peut être réellement indépendante. La science est faite par les Hommes et ne peut être détachée d’une certaine subjectivité du manipulateur (qu’elle soit consciente ou non).



Ainsi, Gould nous présente les travaux « scientifiques » qui ont, à travers les siècles, promu le racisme en justifiant une classification de l’espèce humaine (ethnie ou genre). Que ce soit, par le calcul de l’air cérébral, de la longueur des membres ou du QI, toutes ont le même point commun : la validation des préjugés des auteurs avant même le début des recherches. Les « tricheries » sont multiples et vont de l’erreur de procédé non remis en question puisque obtenant le résultat attendu, aux modifications des données ou encore par des justifications d’exceptions toutes plus saugrenues les unes que les autres.



Cependant, il ne faut pas jeter l’opprobre sur ces chercheurs en déconnectant leur recherche du contexte. La découverte de l’âge de la Terre est très récente et pendant de nombreux siècles, les Européens étaient persuadés que les couleurs de peau dérivées toutes du blanc autrement dit que les autres ethnies étaient une forme dégénérée. Ajouter à cela, l’absence de grandes sociétés découvertes en Afrique, les Européens ont directement classé les Africains comme inférieurs intellectuellement. Il fallait ensuite une validation « scientifique » de ce préjugé. Ce raisonnement est logique mais s’il fait grincer les dents de nos jours. En revanche ce qui est répréhensible, c’est l’aveuglement avec lequel les scientifiques occultés les évidences contre leur opinion. Le problème majeur en ce qui concerne ces théories, c’est qu’elles sont réutilisées cycliquement jusqu'à encore récemment. C’est pourquoi, il est important de lire ce livre pour limiter l’impact des diverses résurgences de ces théories dangereuses et totalement stupides. Ce n’est pas tout, certaines théories sont tenaces et ont encore des impacts de nos jours comme la théorie du QI. Cette dernière fut créée par un chercheur français pour détecter les enfants ayant des difficultés d’apprentissages. Les USA ont amélioré ces tests et les ont utilisés systématiquement pour évaluer l’intelligence des immigrés et sélectionner les ethnies. Il ressortit de cette « étude » un lien entre pauvreté, immigration et mauvais résultats au test de QI. Ces tests étaient réalisés dans des conditions douteuses et mesuraient surtout l’imprégnation de la culture américaine. Pour preuve, les résultats augmentaient avec le nombre d’années passées aux USA. De cette analyse, il émergea un préjugé encore très fort aux USA qui est que la pauvreté est une conséquence de l’inintelligence, qu’aider les gens pauvres est inutile et qu’il mérite leur condition.



Tout ceci est remarquablement présenté et expliqué dans ce livre de Stephen J Gould et mérite une lecture attentive.



Pour conclure, ce livre a été cité dans la bibliothèque idéale d’Axel Khan dans la tête au carré au mois de septembre, il est simplement dommage que ce livre soit difficilement à obtenir et mériterait d’être réédité.

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Comme les huit doigts de la main

Voilà pour ma troisième lecture des « Réfléxions sur l’histoire naturelle » de Stephen Jay Gould. Cette fois ci, dans « Comme les huit doigts de la main », l’auteur rassemble des articles beaucoup moins répétitifs que dans « La foire au dinosaure » et s’ouvre davantage à l’écologie et à l’impact de l’Homme sur la biodiversité encore absent de ses écrits.



C’est d’ailleurs l’idée de la première partie « L’échelle des extinctions » qui traite de l’impact d’une lutte biologique qui tourne mal, de la relation de l’Homme avec la Terre et de sa place sur l’échelle des temps géologiques et de l’extinction de certaines espèces telle que le pigeon voyageur. Une partie qui pour moi était la plus intéressante.



La seconde « Les petites surprises de l’anatomie des vertébrés » est une partie incontournable de cette collection d’articles. Membres des premiers tétrapodes, mystère de la queue de l’Ichtyosaure, évolution des os de l’oreille moyenne et le parallèle poumon/vessie gazeuse.



« Vox Populi » revient sur de grands concepts scientifiques : la cruauté de la sélection naturelle, le mythe du progrès (traité également dans la partie « Les grandes modalités de l’évolution », l’ultra spécialisation scientifique, l’estimation de l’âge de la Terre par la salinité des océans ou selon la bible.



Puis arrive le temps de la partie plus personnelle « Méditations », où Gould se livre comme quand il conte ce souvenir partagé avec son père et déformé par le temps ou encore quand il démontre que le culte du passé n’est pas une solution. Il discute ensuite de la notion « Authenticité » avec ses endroits qui gardent du charme, loin de la patte de la mondialisation et de l’uniformatisation de la culture. Enfin vient un essai très intéressant sur ses liens avec Darwin via une simple carte de visite. Partie très agréable à lire !



« La nature humaine » traite une nouvelle fois de la place de l’Homme dans l’arbre phylogénétique du vivant, du déclin des primates et des racismes coloniaux. Thèmes assez classique chez Gould mais néanmoins toujours aussi plaisants à lire.



Les deux dernières parties du livre sont en revanche un peu moins agréables à lire. « Renversements de perspectives » offre pas mal de redite entre les essais ce qui est à la fois bien car ça permet de compléter mais également très lourd à lire. La partie « La révision et l’extension du Darwinisme » est en revanche très compliquée à aborder car traitant des processus évolutifs.



Une nouvelle fois Gould nous a offert un recueil d’essai très personnel, bourré d’anecdotes sympathiques sur l’histoire naturelle et sur l’histoire des sciences. Son virage vers l’écologie annonce du bon pour la suite que je vais m’empresser de commander.

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Darwin et les grandes énigmes de la vie

Dans le prologue du livre "La foire aux dinosaures", qui constitue le volume n°5 de la série "Réflexions sur l'histoire naturelle", Stephen Jay Gould précise : “...quelquefois, j'aimerais que tous les exemplaires de Darwin et les Grandes Enigmes de la vie s'autodétruisent ”.

Gloups !

Face à cela, il y a deux attitudes qui s'offrent à notre soif de connaissance : ou bien on évite rigoureusement ce recueil afin de se concentrer sur les suivants, ou alors, on se jette sur ce recueil afin de comprendre ce qui a bien pu susciter un tel reniement chez Stephen.

J'ai cru comprendre que son article sur "l'ontogénie récapitule la phylogénie" ne le satisfaisait pas. En effet, il a rectifié plus tard sa pensée dans un article (et à d'autres occasions), dans lequel il exprime un désaccord avec cette théorie, qui est une fausse "bonne idée".

Mais il y a également d'autres articles de "Darwin et les grandes énigmes de la vie" qu'il a revus et corrigés (sous un autre angle) dans des articles ultérieurs. Notamment celui de l'élan d'Irlande.

Bref, pour ma part, j'ai adopté une attitude nuancée (qui n'aurait pas déplu à ce cher Stephen), en me disant ceci : afin de bien comprendre ce qui ne va pas dans ce livre, je vais d'abord lire les neuf volumes suivants, et garderai "Darwin et les grandes énigmes de la vie", comme on regarde un bêtisier à la fin d'un film. (C'est assez horrible d'ailleurs, car cela casse toute la magie du cinéma et le plaisir du film que l'on vient de voir !).

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Le sourire du flamant rose

Ce livre est le 4e recueil d'articles publiés mensuellement par Stephen Jay Gould dans la revue américaine National History Magazine. Cette sélection de « réflexions sur l'histoire naturelle » évoque comme dans chaque opus des thèmes chers au plus célèbre des paléontologistes américains.

Dans le prologue, il révèle d'ailleurs quelques-unes de ses préoccupations quant à l'écriture de ses articles (cf. la rubrique « citations »).

Dans le premier article, qui a donné son nom au recueil, Gould montre que ce qu'il y a de plus remarquable chez le flamant rose, ce n'est pas sa couleur (pourtant « flamboyante »), mais, du point de vue de la théorie de l'évolution, c'est la forme et l'utilisation qu'il fait de son bec. (Retournez l'animal, et vous admirerez alors... le sourire du flamant rose !)

Viennent ensuite, pèle-mêle, des articles sur : le cannibalisme supposé de certaines espèces (la mante religieuse par exemple), les « déluges » et les glaciations, le fait que la variabilité de l'espèce humaine n'a pas conduit à ce qu'on puisse parler de « races » différentes (et sur le plan de la variabilité, le groupe sanguin est bien plus distinctif que la couleur de la peau), les rythmes d'extinction des espèces, les animaux rangés dans la nomenclature binomiale sous l'épithète spécifique « problematica », la théorie erronée de la « chaîne du vivant », la Vénus hottentote, l'eugénisme, la légende entretenue sur Darwin qui aurait « tout compris » aux Galápagos, l'histoire des plantes cultivées et l'idée de « monstre prometteur », les propriétés émergentes du vivant, la lutte continuelle qu'il mène contre les créationnistes, et encore bien d'autres sujets dont la lecture ravit l'esprit.

En écrivant ces lignes, je mesure que ce n'est pas si évident de donner envie de lire Gould à ceux qui ne le connaissent peut-être pas encore. Ce qui est intéressant avec les « réflexions sur l'histoire naturelle » (la série comporte 10 livres qui peuvent être lus indépendamment les uns des autres) est difficilement appréciable dans une critique ou par quelques citations. Tout cela est trop partiel. Cela ne reflète pas la richesse de sa pensée. Car ce qui est intéressant chez Stephen Jay Gould, ce sont les raisonnements qu'il mène. Je pourrais en parler pendant des heures, mais cela ne servirait à rien, je crois qu'il faut tout simplement le lire.

Juste une chose quand même : ce livre occupe une place toute particulière dans l'abondante bibliographie de l'évolution des espèces. Publié en 1988, Gould y donne une vision de la réalité de la nature beaucoup plus complexe que la théorie darwiniste « orthodoxe », un peu figée et un peu « satisfaite », n'en donnait. Les nouveaux éclairages qu'il donne, dans l'ensemble de ses articles rassemblés ici, sur certains concepts considérés comme bien établis, avait alors révolutionné un peu la discipline. Certaines certitudes s'écroulaient, et les découvertes ultérieures en biologie lui ont donné raison.
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L'éventail du vivant : Le mythe du progrès

Ce livre est à la fois un point de vue sur Darwin, une thèse sur la façon dont l'évolution s'exprime (non l'évolution n'est pas déterministe), et une réflexion sur lui-même, alors même que l'auteur était en rémission du concert qui a fini par l'emporter, ce qui rend le style très émotionnel. Ecrit à l'époque ou les tenant du dessein intelligent (et les créationnistes) reprenaient du poil de la bête, il apporte également une démonstration magistrale au service de son interprétation de l'évolution. Certaines démonstrations sont un peu alambiquées, notamment quand elles passent par des métaphores sportives, mais le livre reste tout à fait abordable.
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La Vie est belle : Les Surprises de l'évolution

Stephen Jay Gould explique, dans la préface, qu'il se propose de présenter le travail de trois paléontologues : Harry Whittington, Simon Conway Morris et Derek Briggs. Ceux-ci ont décidé, entre 1971 et 1985, de procéder à une nouvelle étude complète de l'anatomie des fossiles du Schiste de Burgess. Ces fossiles, découverts en 1909 par Charles Doolittle Wallcott, avaient en effet été mal interprétés, ou tout simplement rangés dans un tiroir et oubliés. Or, ils constituent pour les paléontologues les plus importantes traces de variété anatomique de toute l'histoire de la vie.

Ces fossiles sont si extraordinaires, si disparates, et parfois si hallucinants, qu'il y eut longtemps une controverse à leur sujet, et que, pour certains, l'énigme demeure. Pour Gould, la redécouverte des fossiles du Schiste de Burgess « entraîne une révision fondamentale des conceptions au sujet des débuts de la vie, et (...) remet en cause certaines conceptions de la Théorie de l'évolution ».

L'interprétation de ces fossiles constituant une énigme, l'étude menée est intéressante en elle-même, car menée comme une enquête. Mais le plus avec Stephen Jay Gould, comme toujours, c'est qu'il élargit ces questions à d'autres interprétations erronées, ce qui l'amène à une réflexion fondamentale sur la théorie de l'évolution..

Selon lui, il existe deux erreurs communes qui sont à la source de l'interprétation traditionnelle inexacte du Schiste de Burgess :

- les « exemples classiques » d'évolution, présentés dans les manuels scolaires, sont ceux dans lesquels la lignée évolutive est présentée comme une progression. (par exemple, « la marche au progrès », avec le dessin des différents hominidés en file indienne, et qui se redressent peu à peu pour aboutir à un homme « moderne », constitue une représentation archétypale de l'évolution)

- on représente généralement l'arbre évolutif de la vie en un « cône de diversité croissante », selon un mode qui conforte notre espérance dans l'inévitabilité du progrès (alors qu'il faudrait représenter son caractère buissonnant : diversification lors des explosions de vie, et décimations tout aussi importantes ; non pas un sapin à l'envers, mais plutôt un buisson touffu où de nombreuses branches ne donnent rien)



Dans cet essai, Gould montre que nos conceptions, nos idées pré-conçues, nous empêchent souvent d'appréhender une toute autre voie, d'autres solutions, une nouvelle conception remettant en cause les idées traditionnelles.

Ces conceptions et représentations ne sont pas anecdotiques, car elles reflètent une vision du monde – et de la place de l'homme – totalement différentes, voire opposées.
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Le sourire du flamant rose

Le recueil réfléchit sur les grands thèmes de l'histoire naturelle à travers une large variété de cas d'études (29 essais) : cannibalisme de la mante religieuse, fossiles archaïques, escargot changeant de sexe, hésitations de Darwin, enfants siamois, origine du maïs, eugénisme, rapport de Kinsey sur la sexualité, etc. Il exprime des considérations scientifiques, mais aussi humaines, morales et même politiques.



L'essayiste n'hésite pas à s'étendre sur des théories improbables ou dépassées (en 1985), afin d'en éclairer les faiblesses méthodologiques. Gould explique de même certaines théories anciennes, bien fondées eu égard au savoir d'une époque, mais que des découvertes ultérieures discréditèrent (il en va ainsi pour les spéculations antérieures aux avancées de la génétique). Bien qu'instructives, ces considérations historiques peuvent frustrer un lecteur en attente de notions théoriques actualisées.



Un livre très abordable, extrêmement didactique, agrémenté de remarques récréatives. S'il date un peu – il n'est pas encore question de réchauffement climatique ni de protection de la biodiversité –, ce qu'énonce Gould contribue à une connaissance adéquate de l'histoire naturelle grâce à un propos soucieux d'informer sur la base de cas édifiants.




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L'équilibre ponctué

Si le livre est passionnant, il est d'accès particulièrement difficile pour la raison suivante: il est constitué d'un extrait du chapitre 1 et de tout le chapitre 9 du livre du même auteur intitulé La structure de la théorie de l'évolution. Ainsi amputé de la majeure partie du livre d'origine, il faut parfois bien connaître la pensée foisonnante de l'auteur pour replacer dans leur contexte certains passages. La découpe d'un livre considéré comme une somme phénoménale est décidément bien hasardeuse.
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Quand les Poules auront des Dents

Stephen Jay Gould est résolument un maître dans la diffusion grand public. Sortant les travaux d'imminents scientifiques des laboratoires, S.J Gould trouve le moyen de les rendre accessible au public pas toujours averti, à condition que chacun se donne la peine d'être un lecteur vif d'esprit!
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