Stephen Kerckhove

L'analyse de la composition des différentes parties d'un portable s'apparente en effet à un voyage au pays de Mendeleïev. Un iPhone est constitué de 45 métaux différents et la fabrication d'un smartphone nécessité 70 matériaux, les métaux représentant 40 à 60 % du poids de l'appareil. Néodyme, gallium, lithium, cuivre, argent, antimoine, cobalt… Cette longue liste de métaux et terres rares a pour corollaire un extractivisme qui pollue de vastes espaces tout en réduisant au statut d'esclaves des dizaines de milliers de mineurs dans les deux sens de ce dernier terme.

L'arrivée de dizaines de milliards d'objets connectés va significativement accroître les niveaux d'exposition aux champs électromagnétiques, et ce dans l'enceinte domestique. Mais lorsque nous avons eu l'occasion d'interroger ministres ou autorités réglementaires sur les niveaux de champs induits par ces objets connectés, le mutisme a été de mise. Personne n'est à ce jour en mesure d'évaluer le DAS "tête", "corps" ou "tronc" d'une couche connectée ou d'une brosse à dents "intelligente".

Chaque mairie peut, en tant que propriétaire de bâtiments ou terrains communaux, refuser l'installation d'antennes. Elle peut également remettre en question les concessions la liant aux opérateurs ou menacer ceux-ci de ne pas renouveler les baux signés. Nombre de collectivités ont réussi à arracher à des opérateurs intransigeants une baisse des niveaux d'exposition des riverains d'antennes relais, une transparence plus importante, des plans de déploiement ou des évaluations des niveaux d'exposition engendrés par de futures antennes.

"La tête baissée vers leur smartphone, comme pétrifiés dans cette position de soumission universelle".

La 5G serait un progrès et à ce titre deviendrait inattaquable. Pire, renoncer ou temporiser pour évaluer la pertinence de ce soi-disant "progrès" reviendrait à prendre du retard… Dans ce monde frénétique assujetti à la dictature de l'immédiateté mélangeant vitesse et précipitation, ce retard a tôt fait d'être associé à un déclassement, à une relégation et, finalement à une exclusion de la mondialisation heureuse.

Artificialisation, accaparement, pollution, etc. rendent les terres agricoles de plus en plus rares et chères. Les prix ont bondi de 40% en dix ans. Ces phénomènes attirent les spéculateurs et provoquent chaque semaine, en France, la disparition de 200 fermes tandis que chaque jour, 95 hectares (soit 130 terrains de foot) de terres fertiles perdent leur usage agricole. (...)
Face à tous ces enjeux pour l'avenir, des citoyens ont créé le mouvement Terre de Liens afin d'acquérir, par les dons et l'épargne solidaire, des terres agricoles afin de les soustraire à la spéculation et d'y pratiquer une agriculture biologique à taille humaine.

A peine eut-elle croqué à pleines dents le fruit défendu qu'elle fut saisie de nausées... La pomme, traitée à trente reprises avec toutes sortes de pesticides, brillait de mille feux, trop belle pour être vraie. L'Eden laissait place au règne de l'agro-industrie. Sous la pression de l'agrochimie, l'agriculture a perdu son âme pour entrer de plain-pied dans l'industrialisation à outrance. Cette fuite en avant a pour effet de stériliser les sols, contaminer les nappes phréatiques, détruire la nature, polluer l'air, transformer les agriculteurs en esclaves asservis par de nouveaux saigneurs de la terre.

Car en réalité, aller plus vite quand nous courons déjà à notre perte, accélérer le pas pour nous fracasser sur le mur climatique n'est sans doute pas la preuve d'une très grande lucidité.

Malgré les errements d'une agriculture en guerre avec le vivant, des milliers d'initiatives locales naissent et prospèrent partout en France. Preuve irréfutable que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. (...) Loin des grands discours, cette révolution silencieuse a la vitalité d'une graine, capable de fissurer le béton et soulever le bitume. Sans crier gare, nous sommes en train de faire plier une industrie agroalimentaire, géant aux pieds d'argile.

Dans un pays qui compte près de neuf millions de pauvres, neuf millions de tonnes de déchets alimentaires sont jetés chaque année. Ce gaspillage alimentaire représente un poids par personne de 137kg ! A l'échelle planétaire, nous atteignons le chiffre ahurissant d'1,3 milliard de tonnes de nourriture jetée, soit l'équivalent d'un tiers des aliments produits. Nous vivons dans un monde où la malnutrition côtoie un gâchis quasi institutionnalisé.