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Citation de Laurent3375


Il y eut soudain un bruit étrange, une sorte de craquement bas, comme la stridulation d'une sauterelle géante. Jonesy sentit ses cheveux se hérisser sur sa nuque, et il pensa tout d'abord qu'une bestiole devait être tombée dans le conduit de la cheminée. Puis il comprit que c'était McCarthy. Jonesy avait entendu des pets retentissants au cours de sa vie, des pets qui n'en finissaient pas, également, mais jamais rien de pareil. Il paraissait s'être prolongé pendant une éternité, même si, en réalité, il n'avait pas duré plus de quelques secondes. Puis il y eut l'odeur.
McCarthy avait pris sa cuillère;il la laissa retomber dans sa soupe à peine entamée et leva sa main jusqu'à sa joue mal en point, un geste de gêne presque féminin.
"Oh, bon sang, je suis désolé...
- Il faut pas, il faut pas, y a plus de place dehors que dedans", répliqua Beaver.
Mais c'était la force de l'habitude qui le faisait parler, l'habitude de toute une vie, et Jonesy vit bien que son ami était suffoqué par l'odeur qu'il l'était lui même. Ce n'était pas le remugle sulfureux d’œufs pourris qui faisait rire, rouler des yeux et agiter une main faussement scandalisée devant son visage, ou qui vous faisait vous exclamer : Qui vient de sortir le fromage ? Ni non plus l'un de ces pets qui évoquent le méthane et les relents des marécages. Mais l'odeur que Jonesy avait détectée dans l'haleine de McCarthy - sauf qu'elle était plus forte : un mélange d'éther et de bananes pourries, évoquant le liquide explosif que l'on met dans son carburateur les matins où il fait frisquet.
"Oh, mon Dieu c'est abominable, dit McCarthy. Je suis absolument désolé.
- ça va aller, ça va aller", réussit à dire Jonesy.
Portant son estomac s'était contracté,roulé en boule comme s'il se protégeait d'une éventuelle agression. Il comprit qu'il ne finirait jamais son repas ; qu'il ne pourrait même pas en avaler une bouchée de plus. Il n'était pas particulièrement bégueule, question pets, mais celui ci puait vraiment le diable.
Le Beav se leva et alla ouvrir une fenêtre, laissant entrer un tourbillon de neige, mais aussi un courant d'air merveilleusement frais.
"Ne vous en faites pas pour ça, mon vieux... faut dire qu'il était sacrément gratiné, celui là. Qu'est ce que vous avez bien pu bouffer, dans les bois ? Des crottes d'écureuil ?
"Des feuilles, des mousses et d'autres trucs, je ne me rappelle pas quoi.. j'avais tellement faim, vous comprenez, il fallait que je mange quelque chose, mais je n'y connais pas grand chose là dedans, j'ai jamais lu les bouquins de Gibbons... sans compter qu'il faisait noir."
Il fit cette dernière remarque comme s'il avait été pris d'une inspiration soudaine et Jonesy jeta un coup d’œil à Beaver pour voir s'il avit compris la même chose que lui : que McCarthy mentait. McCarthy n'avait aucune idée de ce qu'il avait mangé dans les bois, ni même s'il avait mangé quelque chose. Il tenait simplement à expliquer ce coassement aussi effrayant qu'inattendu - et la puanteur qui l'avait suivi.

Albin michel - pages 76-77
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