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Critiques de Steve Skroce (15)
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Post Americana

Vivre avec / Vivre contre

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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les sept épisodes de la minisérie, initialement parus en 2021, écrits, dessinés et encrés par Steve Skroce qui a également réalisé les couvertures. La mise en couleurs a été réalisée par Dave Stewart, et le lettrage par le studio Fonografiks.



Nathaniel Hawkthorne, le président des États-Unis, s'adresse à son peuple depuis son pupitre, avec le drapeau américain derrière lui. Il se trouve dans un énorme hangar souterrain militaire, devant des civils assis, avec des militaires debout, et de nombreux avions de chasse, ainsi que des chars occupant l'immense espace. Le temps est venu pour le peuple de la Bulle de reconquérir le territoire de la nation. Après un sabotage de grande ampleur il y a quelques années, leur arsenal est revenu au plus haut niveau, grâce à une reconstruction automatisée. Il est certain que ce projet de reconstruction est le bon, c'est ce qu'il lit dans le regard des civils assis, dans celui des soldats, et même celui des anciens rebelles en tenue orange qui ont finit par se soumettre. La ville rutilante n'est plus que ruines, mais les fondations sont encore solides : il est temps que d'ensemencer pour que quelque chose de plus beau puisse prendre racine. Dans le même temps, deux individus, Dom et Mike, ont réussi à s'infiltrer dans une autre partie du hangar et ils se mettent à trafiquer un avion. Ils sont repérés par deux soldats.



Comprenant qu'ils ont été identifiés comme des rebelles, les deux hommes dégainent et abattent les deux soldats. Le président a entendu les coups de feu et ordonnent aux soldats d'intervenir sans faire de prendre de prisonnier. Dom et Mike sont parvenus à s'installer au poste de pilotage de l'avion, mais les balles commencent à fuser. Dans l'étage supérieur, quatre autres rebelles contemplent la situation et savent ce qu'il leur reste à faire : déclencher l'explosion des charges même s'ils se trouvent en plein dans leur champ d'action. Les deux rebelles profitent de l'explosion pour décoller et sortir de cette gigantesque base installée au cœur du mont Cheyenne dans le Colorado. Malheureusement l'appareil a été touché et ils vont devoir se poser rapidement. Dans un campement non loin de là, Rudy, un individu chétif avec des plaques de rougeur sur le corps, accueille Carolyn, pendant qu'un petit groupe regarde un dessin animé en plein air, mettant en scène les superhéros Night Terror et Don. Il s'adresse à une jeune femme peu commode qui explique qu'elle est venue parler à leur chef F.F. Celui-ci arrive en volant grâce à un exosquelette et ordonne à Rudy d'aller voir ailleurs vite, parce que ses talents de cannibale n'apportent pas grand-chose à la communauté. Puis il s'adresse à Carolyn, lui indiquant qu'il apprécie ses talents et qu'il souhaite l'aider à les mettre à profit de la communauté. De manière peut-être ironique, elle répond qu'elle est touchée de pouvoir interagir à haut niveau avec e vrai responsable. Soudain, quelqu'un pointe du doigt un aéronef dans le ciel qui semble proche de se crasher.



Après Maestros, tome 1 (2018) et une histoire de magie, Steve Skroce réalise une nouvelle histoire entre science-fiction et anticipation : la civilisation s'est écroulée, une communauté a survécu dans un environnement protégé, avec toute la modernité technologique préservée et automatisée. Il est temps pour l'autorité légitime des États-Unis de reconquérir le territoire et de rebâtir la nation. Oui, ça commence comme ça, mais le personnage identifié comme le héros s'oppose à cette campagne militaire. Le créateur ne fait pas les choses à moitié : il donne à voir ce futur du vingt-troisième siècle dans le détail, sans ménager sa peine. La vision panoramique de l'énorme caverne impressionne le lecteur : le nombre d'avions, les citoyens assis sur des rangées de chaises bien alignées, l'uniforme des soldats, la tenue des prisonniers, avec des visages tous différents. Le lecteur un peu plus exigeant relève que la caverne comprend également des installations techniques permettant la sortie et la rentrée des avions, la place pour qu'ils puissent évoluer. Ce n'est pas un dessin effectué sous le coup de l'inspiration, mais une installation pensée pour être fonctionnelle.



Après cette entrée en matière qui en jette, le lecteur se demande si l'investissement de l'artiste va baisser ou va rester de même niveau au fil des épisodes. Il obtient la réponse très rapidement : il n'y a pas de scène sacrifiée, ou de passage en mode expéditif. Ainsi le lecteur va pouvoir se projeter dans plusieurs endroits de la Bulle, l'environnement dans le Mont Cheyenne évidé, comme la zone de plage, la fabrique automatisée de drones, la salle de commandement militaire, les serres hydroponiques, le restaurant haut de gamme, les cascades intérieures, les nurseries, et même un plan holographique de l'ensemble des installations de la Bulle. Il peut satisfaire sa curiosité en prenant le temps de détailler les caractéristiques d'autres lieux : le camp de F.F. mettant à profit des bâtiments abandonnés, avec son arène pour des affrontements sanglants et son sol tapissé d'ossements, ses enclos à prisonniers, la ville préservée d'où est originaire Carolyn, une mégapole dont les gratte-ciels s'écroulent, sans oublier les installations très inattendues des studios Wonder à Hollywood. L'artiste se montre d'une inventivité tout aussi généreuse pour les véhicules, les armes, les accessoires, les personnages tout du long : le harnais de vol autonome, des prothèses remplaçant des membres perdus, des simulateurs de plaisirs pour le pénis, un 4*4 vraiment tout terrain, des bolas réalisés avec des têtes humaines, des droïdes de combat, des animatronics, des poulets particulièrement agressifs. Le lecteur se rend également compte qu'il y a des éléments visuels nouveaux dans chaque épisode, que le dessinateur n'attire pas l'attention dessus de manière ostentatoire ou démonstrative. Il reste donc libre d'y prêter attention ou non, et ça vaut le coup : impossible d'oublier la veste et la chemise en peau humaine en dernière page de l'épisode 1. En fonction de sa culture comics, le lecteur peut y voir un clin d'œil à la série Crossed de Jacen Burrows et Garth Ennis. Dans la silhouette en ombre chinoise en dessin en pleine page à la fin de l'épisode 2, il peut voir un hommage au Dark Knight de Frank Miller. À chaque fois, il s'agit d'une influence bien assimilée, par d'un ersatz pour rendre la page plus intéressante.



Il apparaît rapidement que le scénario est aussi dense que le sont les dessins. Le premier épisode propose un point de départ simple : une version totalitaire d'un gouvernement sans légitimité aucune (et certainement pas démocratique) s'apprête à pratiquer la politique de la terre brûlée en annihilant toutes les communautés sur le territoire pour en devenir maître et rétablir une société favorisant les nantis. Deux rebelles vont tenter de stopper cette machine de guerre. Bien sûr, Dom et Mike vont faire l'expérience désagréable de la réalité : les communautés à l'extérieur ne sont pas démocratiques non plus, et pratiquent la politique du plus fort également. Dans l'épisode 1, le président des États-Unis par défaut revient sur une partie de l'historique de la situation actuelle, à l'occasion de son discours sur deux pages. Mike explique la situation de la Bulle à Carolyn lors d'une page d'exposition bien fournie. C'est un peu lourd comme mode de présentation mais ça passe vite. Dans l'épisode 2, le président fait un nouveau discours de deux pages pour en dire plus sur l'actualité, et le lecteur tombe des nues en découvrant le secret de Carolyn. Dans l'épisode 3, nouvelle ville et informations complémentaires sur l'arrivée de l'élite dans la bulle, l'accession au pouvoir de Nathaniel Hawkthorne, dans des planches bien fournies en texte et en illustrations. Steve Skroce ne se moque pas du lecteur : il n'a pas étiré son intrigue sur 7 épisodes, il a même du mal à tout faire tenir en seulement 7 épisodes.



Cette histoire accroche de suite le lecteur pour sa narration graphique évoquant par moment la minutie de Geoff Darrow, parfois l'élégance de Frank Quitely, parfois la froideur descriptive de Jacen Burrows, en conservant toujours la personnalité propre de Skroce. Ce récit post apocalyptique contient de nombreux éléments spécifiques, et montre des combats brutaux et soignés, ce qui le place au-dessus du tout-venant des comics de ce genre. Plusieurs éléments relevant de l'humour noir et même macabre, avec une touche de gore, viennent relever le plat. Il y a également quelques touches d'humour moins sanglant, en particulier un petit doigt de pied espion irrésistible. Le fond de l'histoire ne se réduit pas à un affrontement manichéen entre des bons et des méchants, chaque faction ayant la conviction d'œuvrer pour le bien général. Le lecteur sourit en découvrant la forme de patriotisme du président en place, le fait qu'il ne tire pas légitimité d'une élection, sa vision impérialiste de la domination de l'élite. Il se rend compte que ce qui s'avère encore plus dérangeant réside dans le fait que les habitants de la Bulle n'ont aucun mérite : ils se sont installés dans cette énorme base, prête à l'emploi sans avoir aucun effort à faire, tout étant automatisé, et ne s'attribuant comme seule responsabilité que de survivre en prenant du bon temps. Par la force des choses, la communauté cannibale ne présente pas de valeur morale digne d'admiration. La douceur de vivre de la communauté d'où est originaire Carolyn a un coût. La société des studios Wonder a son propre objectif qui exclut également une partie significative de la population encore en vie. Pour autant, le scénariste ne verse pas non plus dans le Tous pourris, et l'évolution de la situation se fait au travers d'un effort collectif. En cherchant plus loin, le lecteur constate que les individus ayant combattu dans le conflit en portent les stigmates. En continuant sur cette lancée, le lecteur constate que ce qui différencie les factions en présence, c'est leur façon d'envisager la société : soit Vivre contre une autre communauté (ou plusieurs), soit chercher des solutions pour Vivre avec.



Au vu de la couverture, le lecteur se prépare à une lecture détente, de combats brutaux dans une société post apocalyptique. Son horizon d'attente est comblé au-delà de ses espérances, car Steve Skroce investit du temps dans la conception de ce futur peu engageant et dans sa représentation détaillée. L'humanité étant ce qu'elle est, les profiteurs sont toujours de ce monde, et en plus, ils ont les armes de leur côté. Au fur et à mesure que les conflits progressent, l'intrigue prend de l'ampleur et le propos se révèle plus sophistiqué que prévu, plus intelligent et plus constructif également. Dans un divertissement de haut vol, l'auteur met en œuvre le principe qui devrait être évident que vivre en société, c'est vivre avec les autres, et pas contre les autres.
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Maestros, tome 1

Pour un bénéfice mutuel

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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 7 de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits, dessinés et encrés par Steve Skroce, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. La quatrième de couverture comporte un petit mot gentil écrit par Brian K. Vaughan qui avait réalisé We stand on guard : De foi trempée (2015) avec Skroce.



Quelque part dans le multivers sur Zainon une planète lointaine où règne la magie, Meethra, le Maestro régnant (de la lignée Kahzar) a été déchiqueté, massacré par Mardok, qui a également massacré toute sa famille rassemblée pour les fêtes du festival de Shuriek. En tant que grand intendant, Gah'Ree reçoit Margaret (l'une des innombrables épouses de Meethra, mais divorcée depuis ce qui lui a évité d'être massacrée avec les autres) pour lui annoncer la terrible nouvelle. Elle comprend que, tous les membres de la lignée Kahzar ayant été massacrés, cela signifie que son fils William Little va pouvoir revenir sur Zainon, son bannissement n'ayant plus lieu d'être. Elle décide d'aller le chercher lui-même, s'armant de Loyal Backstabber, une épée dotée de conscience. Sur Terre, un riche magnat de l'industrie du pétrole est en train de mettre en doute les compétences magiques de William Little. Ce dernier prend la mallette pleine de billets du magnat et en échange il lui rend sa capacité d'avoir un sexe turgescent. Un peu désabusé quant à son usage de la magie, Will va prendre un verre à table, et accepte une danse lascive d'une jolie professionnelle. Mais celle-ci se transforme en une créature monstrueuse pleine de dents, et dévore Will. Sa mère Margaret surgit à ce moment, commence à se battre contre la créature maléfique et lance une petite bille magique dans la bouche éclatée de son fils, ce qui a pour effet de le guérir instantanément de ses blessures horribles.



Ainsi régénéré, Will peut se battre aux côtés de sa mère Margaret contre les monstres qui ont envahi la boîte de nuit et sont en train de se repaître des pauvres humains. Alors qu'ils sont en train de regagner le dessus, Mardok apparaît, immédiatement reconnu par Margaret. Elle fait apparaître une porte vers un autre monde, et emmène son fils dans l'instant, avec que Mardok ne puisse s'ne prendre à eux. De retour sur Zainon sa mère annonce à Will que son père est mort, ainsi que tous ceux qui pouvaient prétendre à son trône et qu'il se retrouve de fait être le nouveau Maestro. Loyal Backstabber sort une moquerie bien sentie. Will se rappelle le matin où il avait entendu du bruit dans la chambre de sa mère. Il s'y était précipité avec une batte de baseball, et l'enfant de 10 ans qu'il était avait vu Meethra Kahzar prendre sa mère tout debout. Meethra avait raconté l'origine des mondes à son fils, et l'avait emmené sur Zainon avec sa mère, pour qu'il poursuive son éducation dans l'institut de magie. Au temps présent, il reste encore à Will à rencontrer Lord Rygol, le bras droit de son père.



Dans la deuxième moitié des années 2010, l'éditeur Image Comics publie des miniséries par brouette entière, parfois réalisée par des débutants, parfois par des vétérans, et très souvent d'une excellente qualité. Pour Maestros, le lecteur est attiré par le nom de Steve Skroce, dessinateur pour Marvel de séries comme Cable et X-Men, et réalisateur de storyboards de nombreux films, dont la Trilogie Matrix des Wachowski. La couverture indique que l'artiste n'a rien perdu de son obsession du détail, et qu'il s'agit d'un récit avec magie. Le premier épisode établit la dynamique du récit. Un méchant amoureux du néant a décidé d'en finir avec une dynastie de magiciens. Après avoir trucidé toute la lignée des maestros, il ne reste plus qu'à supprimer un rejeton autrefois banni sur Terre. Le récit se focalise sur Will, ses idées progressistes, ses capacités à manier la magie, bien assisté par sa mère et par Wren, son amour de toujours, jusqu'alors cantonnée à servir le magicien Lord Rygol. Dans un premier temps, le récit suit 2 lignes temporelles différentes : le présent où Will revient sur Zainon et implémente des changements radicaux dans la société, à la fois des formes de démocraties, à la fois des programmes sociaux, le passé où le lecteur voit comment Will a subi des brimades à l'école de magie de la part de ses camarades, et des tortures de la part de son père. Rapidement, le lecteur fait le constat que Will possède une capacité de réflexion déroutant ses adversaires, et que ses pouvoirs magiques sont bien opportuns pour se sortir de situations désespérées.



Les capacités magiques opportunes de Will ont pour effet de dédramatiser les situations puisqu'il est vraisemblable qu'il utilisera un sort bien pratique pour s'en sortir au dernier moment, y compris des sorts de résurrection. Mais dans le même temps, Steve Skroce assure le spectacle avec ses dessins minutieux fourmillant de détails. Dès la première scène, celle du carnage de la lignée royale, le lecteur peut constater que l'artiste ne ménage pas sa peine pour représenter en détails la foule de figurants, ou plutôt de cadavres déchiquetés. Les autres scènes de foule sont tout autant peuplées, qu'i s'agisse des clients du club de strip-tease, de la foule des courtisans à la cour du Maestro régnant, de la masse grouillante de vers à épine de Mardok, de la horde sans nombre de démons du monde souterrain. Au fur et à mesure des épisodes, Skroce s'en donne également à cœur joie avec les décors : la cité impériale du Maestro, la bibliothèque de l'appartement de Margaret, le monument funéraire de la famille des Maestros, le trône du maestro, la réserve des objets magiques et enchantés, les venelles du monde souterrain, et même les allées d'un hypermarché discount. Le lecteur voit bien que le dessinateur sait comment faire pour éviter d'avoir à dessiner les décors, mais en fait soit ils sont représentés avec une minutie maniaque, soit il y a tellement de personnages représentés dans le détail qu'il n'y a plus de place pour représenter les décors sans que les cases deviennent illisibles.



Même si le lecteur ressent bien que l'intrigue est tout public, la narration visuelle place le récit dans un registre pour lecteur consentant. Steve Skroce se montre très inventif pour les différents monstres, des monstres pleins de dents, à l'être anthropoïde à la tête de fleurs, en passant par le gros démon rouge. Il sait transcrire l'horreur avec une touche de gore : le cadavre déchiqueté de Meethra Kahzar, la tête écrabouillée de Will, la chair d'un individu carbonisé, Mardok en train de manger les entrailles de Will, etc. Par ailleurs, l'auteur a décidé de ne pas montrer la nudité du corps féminin, mais il n'hésite pas à montrer le sexe masculin, ce qui à nouveau indique qu'il ne s'agit d'une lecture tout public. Le lecteur se retrouve donc complètement immergé dans des mondes très concrets, peuplés de créatures fantastiques et dangereuses, avec des actions brutales et une utilisation de la magie inventive. Cela n'empêche pas quelques moments d'humour visuel, comme lorsque Will se retrouve affublé d'un costume sadomaso aussi révélateur que déplacé sur son frêle corps. Dave Stewart accomplit un travail remarquable pour donner un peu de relief à chaque surface, à les faire ressortir les unes par rapport aux autres, et à accentuer et faciliter la lisibilité des cases.



Le lecteur se laisse donc porter par cette histoire de vengeance aussi amusante que riche visuellement. Il sourit en voyant les maltraitances subies par Will jeune adolescent, à la fois pour leur inventivité, à la fois pour leur absence de conséquence autre que la souffrance. Il sourit encore plus quand Will demande à Mardok quels ont été ses traumatismes de jeunesse pour qu'il se montre aussi méchant, raillant ainsi ce trope dramatique. Il apprécie que malgré sa toute-puissance, Will demande l'avis de sa mère sur la bonne conduite à tenir. Il apprécie l'inventivité du scénariste pour relancer l'intrigue par une nouvelle épreuve à chaque épisode. Steve Skroce a su trouver le point d'équilibre entre une aventure au premier degré, avec quelques facilités, des rebondissements inattendus, des personnages sortant de l'ordinaire, que ce soit Will avec ses idées progressistes, ou sa mère et Wren combattantes émérites. Il se rend compte que de confrontation en confrontation, Will refuse d'envisager la situation en noir & blanc, et cherche toujours à voir comment trouver une alternative à la confrontation physique. Il apprécie l'inventivité des astuces pour sortir le héros d'une situation mortelle après l'autre. Il se rend compte que sans prêche ni leçon de morale, l'auteur met en scène un héros qui envisage toujours les choses de manière constructive, sans pour autant se laisser marcher sur les pieds.



A priori le lecteur peut se dire que ce récit risque d'avoir été écrit par un artiste qui se fait plaisir, en privilégiant la qualité de ses dessins à l'intrigue. Il découvre une trame d'intrigue assez basique, mais effectivement servie par des dessins d'une grande précision et d'une grande richesse, avec une inventivité pour les personnages, les créatures monstrueuses, les différents environnements, les affrontements physiques et magiques, tout en conservant une lisibilité immédiate. Dès le début, il se laisse prendre au jeu, grâce à la personnalité positive et constructive du personnage principal qui n'est pas naïf pour autant. Au final, il a passé un moment de lecture très divertissant, avec une narration visuelle savoureuse, et une défense inattendue du principe démocratique.
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Maestros, tome 1

"Maestro" de Steve Skroce et Dave @Dragonmnky Stewart chez @HiComicsFrance



Synopsis :



"Le Maestro et la famille royale ont été assassinés. Son fils, banni dans notre réalité, doit hériter du trône du plus puissant sorcier qui ait jamais existé, lui qui préfère profiter des plaisirs charnels que la Terre a à lui offrir. 



Malheureusement pour son ambition, ses ennemis sont partout et il devra vite se plier à ses nouvelles fonctions s’il veut que le royaume de son enfance perdure, face aux menaces délirantes qui s’offrent à lui."



Scénario : Steve Skroce ;

Dessins : Dave Stewart ;

Editeur : HiComics ;

Prix : 17.90 € ;



Ce comics fait partie des petits cadeaux que je me suis fait à la ComicCon Paris 2019. Il n'était pas prévu, mais une certaine Hermine (que je remercie) de chez @HiComicsFrance a réussi à me convaincre que c'était une bonne affaire. Je me suis donc plié au jeu et j'ai vraiment essayé de trouver quelque chose qui ne m'a pas plus dans cet opus. J'ai vraiment bien cherché, promis. La conclusion étant que, bah, c'est une sacrée bonne découverte et un sacré bon moment de lecture. Le scénario, pas forcément très recherché (le massacre du grand-maître et de toute sa famille, c'est un sujet classique), ce n'est pas ce que l'on est venu chercher de toute façon, tient ses promesses et déploie ses ailes petit à petit avec brio, vous entraînant toujours plus profondément dans les emmerdes de Sieur Maestro Fils. Les quelques moments gores vous feront revivre votre traumatisme suite à votre lecture de "CROSSED" de Sieur Garth Ennis (ceux qu'ils l'ont lu comprendront, pour les autres, vous attendez quoi pour le lire), mais vous feront également penser à l'ascension du petit bonhomme bien gardé dans la génialissime BD "FATUM" (Google est votre ami). Le personnage principal, quelque peu tête à claque, arrivera à vous charmer, comme le chat qui saute dans la vitre (vous voyez tous de quelle vidéo je parle) et arrivera à s'entourer d'un cercle de fidèles qui tiennent bien leur rôle et apportent légèrement du piquant à l'histoire.



Pour finir, vous prendrez également une claque visuelle en lisant ce comics. Elle commence dès la couverture et continue jusqu'à la dernière page. Il est tellement remplit de couleurs de toutes sortes, que vous aurez presque l'impression de pouvoir le lire dans le noir sans lumière. C'est un univers riche, beau et pep's qui vous attend au cours de votre voyage. Les dessins m'ont fait penser à la BD "FATUM", à la "CASTE DES METABARONS" et à ceux de Monsieur Garth ENNIS dans "CROSSED" également. Rien que la page d'ouverture vous mettra dans le bain pour la suite des aventures et vous met en garde du chemin périlleux que suivra notre héros et sa clique. Il n'y a donc pas d'à peu près dans ce comics, que ça soit au niveau de l'histoire, comme au niveau des dessins. Les visages sont parfaitement bien détaillés, le trait n'est pas brouillon, comme dans "Invisible Republic", les décors sont magnifiques et enrichissent parfaitement cet univers.



C'est donc une lecture que je vous recommande chaudement et le seul point négatif que je vois est que c'est un one-shot. Hermine a donc eu raison de me le conseiller. Merci beaucoup à elle.



Note : 20/20. 
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Maestros, tome 1

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 7 de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits, dessinés et encrés par Steve Skroce, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. La quatrième de couverture comporte un petit mot gentil écrit par Brian K. Vaughan qui avait réalisé We stand on guard (2015) avec Skroce.



Quelque part dans le multivers sur Zainon une planète lointaine où règne la magie, Meethra, le Maestro régnant (de la lignée Kahzar) a été déchiqueté, massacré par Mardok, qui a également massacré toute sa famille rassemblée pour les fêtes du festival de Shuriek. En tant que grand intendant, Gah'Ree reçoit Margaret (l'une des innombrables épouses de Meethra, mais divorcée depuis ce qui lui a évité d'être massacrée avec les autres) pour lui annoncer la terrible nouvelle. Elle comprend que, tous les membres de la lignée Kahzar ayant été massacrés, cela signifie que son fils William Little va pouvoir revenir sur Zainon, son bannissement n'ayant plus lieu d'être. Elle décide d'aller le chercher lui-même, s'armant de Loyal Backstabber, une épée dotée de conscience. Sur Terre, un riche magnat de l'industrie du pétrole est en train de mettre en doute les compétences magiques de William Little. Ce dernier prend la mallette pleine de billets du magnat et en échange il lui rend sa capacité d'avoir un sexe turgescent. Un peu désabusé quant à son usage de la magie, Will va prendre un verre à table, et accepte une danse lascive d'une jolie professionnelle. Mais celle-ci se transforme en une créature monstrueuse pleine de dents, et dévore Will. Sa mère Margaret surgit à ce moment, commence à se battre contre la créature maléfique et lance une petite bille magique dans la bouche éclatée de son fils, ce qui a pour effet de le guérir instantanément de ses blessures horribles.



Ainsi régénéré, Will peut se battre aux côtés de sa mère Margaret contre les monstres qui ont envahi la boîte de nuit et sont en train de se repaître des pauvres humains. Alors qu'ils sont en train de regagner le dessus, Mardok apparaît, immédiatement reconnu par Margaret. Elle fait apparaître une porte vers un autre monde, et emmène son fils dans l'instant, avec que Mardok ne puisse s'ne prendre à eux. De retour sur Zainon sa mère annonce à Will que son père est mort, ainsi que tous ceux qui pouvaient prétendre à son trône et qu'il se retrouve de fait être le nouveau Maestro. Loyal Backstabber sort une moquerie bien sentie. Will se rappelle le matin où il avait entendu du bruit dans la chambre de sa mère. Il s'y était précipité avec une batte de baseball, et l'enfant de 10 ans qu'il était avait vu Meethra Kahzar prendre sa mère tout debout. Meethra avait raconté l'origine des mondes à son fils, et l'avait emmené sur Zainon avec sa mère, pour qu'il poursuive son éducation dans l'institut de magie. Au temps présent, il reste encore à Will à rencontrer Lord Rygol, le bras droit de son père.



Dans la deuxième moitié des années 2010, l'éditeur Image Comics publie des miniséries par brouette entière, parfois réalisée par des débutants, parfois par des vétérans, et très souvent d'une excellente qualité. Pour Maestros, le lecteur est attiré par le nom de Steve Skroce, dessinateur pour Marvel de séries comme Cable et X-Men, et réalisateur de storyboards de nombreux films, dont la Trilogie Matrix des Wachowski. La couverture indique que l'artiste n'a rien perdu de son obsession du détail, et qu'il s'agit d'un récit avec magie. Le premier épisode établit la dynamique du récit. Un méchant amoureux du néant a décidé d'en finir avec une dynastie de magiciens. Après avoir trucidé toute la lignée des maestros, il ne reste plus qu'à supprimer un rejeton autrefois banni sur Terre. Le récit se focalise sur Will, ses idées progressistes, ses capacités à manier la magie, bien assisté par sa mère et par Wren, son amour de toujours, jusqu'alors cantonnée à servir le magicien Lord Rygol. Dans un premier temps, le récit suit 2 lignes temporelles différentes : le présent où Will revient sur Zainon et implémente des changements radicaux dans la société, à la fois des formes de démocraties, à la fois des programmes sociaux, le passé où le lecteur voit comment Will a subi des brimades à l'école de magie de la part de ses camarades, et des tortures de la part de son père. Rapidement, le lecteur fait le constat que Will possède une capacité de réflexion déroutant ses adversaires, et que ses pouvoirs magiques sont bien opportuns pour se sortir de situations désespérées.



Les capacités magiques opportunes de Will ont pour effet de dédramatiser les situations puisqu'il est vraisemblable qu'il utilisera un sort bien pratique pour s'en sortir au dernier moment, y compris des sorts de résurrection. Mais dans le même temps, Steve Skroce assure le spectacle avec ses dessins minutieux fourmillant de détails. Dès la première scène, celle du carnage de la lignée royale, le lecteur peut constater que l'artiste ne ménage pas sa peine pour représenter en détails la foule de figurants, ou plutôt de cadavres déchiquetés. Les autres scènes de foule sont tout autant peuplées, qu'i s'agisse des clients du club de striptease, de la foule des courtisans à la cour du Maestro régnant, de la masse grouillante de vers à épine de Mardok, de la horde sans nombre de démons du monde souterrain. Au fur et à mesure des épisodes, Skroce s'en donne également à cœur joie avec les décors : la cité impériale du Maestro, la bibliothèque de l'appartement de Margaret, le monument funéraire de la famille des Maestros, le trône du maestro, la réserve des objets magiques et enchantés, les venelles du monde souterrain, et même les allées d'un hypermarché discount. Le lecteur voit bien que le dessinateur sait comment faire pour éviter d'avoir à dessiner les décors, mais en fait soit ils sont représentés avec une minutie maniaque, soit il y a tellement de personnages représentés dans le détail qu'il n'y a plus de place pour représenter les décors sans que les cases deviennent illisibles.



Même si le lecteur ressent bien que l'intrigue est tout public, la narration visuelle place le récit dans un registre pour lecteur consentant. Steve Skroce se montre très inventif pour les différents monstres, des monstres pleins de dents, à l'être anthropoïde à la tête de fleurs, en passant par le gros démon rouge. Il sait transcrire l'horreur avec une touche de gore : le cadavre déchiqueté de Meethra Kahzar, la tête écrabouillée de Will, la chair d'un individu carbonisé, Mardok en train de manger les entrailles de Will, etc. Par ailleurs, l'auteur a décidé de ne pas montrer la nudité du corps féminin, mais il n'hésite pas à montrer le sexe masculin, ce qui à nouveau indique qu'il ne s'agit d'une lecture tout public. Le lecteur se retrouve donc complètement immergé dans des mondes très concrets, peuplés de créatures fantastiques et dangereuses, avec des actions brutales et une utilisation de la magie inventive. Cela n'empêche pas quelques moments d'humour visuel, comme lorsque Will se retrouve affublé d'un costume sadomaso aussi révélateur que déplacé sur son frêle corps. Dave Stewart accomplit un travail remarquable pour donner un peu de relief à chaque surface, à les faire ressortir les unes par rapport aux autres, et à accentuer et faciliter la lisibilité des cases.



Le lecteur se laisse donc porter par cette histoire de vengeance aussi amusante que riche visuellement. Il sourit en voyant les maltraitances subies par Will jeune adolescent, à la fois pour leur inventivité, à la fois pour leur absence de conséquence autre que la souffrance. Il sourit encore plus quand Will demande à Mardok quels ont été ses traumatismes de jeunesse pour qu'il se montre aussi méchant, raillant ainsi ce trope dramatique. Il apprécie que malgré sa toute-puissance, Will demande l'avis de sa mère sur la bonne conduite à tenir. Il apprécie l'inventivité du scénariste pour relancer l'intrigue par une nouvelle épreuve à chaque épisode. Steve Skroce a su trouver le point d'équilibre entre une aventure au premier degré, avec quelques facilités, des rebondissements inattendus, des personnages sortant de l'ordinaire, que ce soit Will avec ses idées progressistes, ou sa mère et Wren combattantes émérites. Il se rend compte que de confrontation en confrontation, Will refuse d'envisager la situation en noir & blanc, et cherche toujours à voir comment trouver une alternative à la confrontation physique. Il apprécie l'inventivité des astuces pour sortir le héros d'une situation mortelle après l'autre. Il se rend compte que sans prêche ni leçon de morale, l'auteur met en scène un héros qui envisage toujours les choses de manière constructive, sans pour autant se laisser marcher sur les pieds.



A priori le lecteur peut se dire que ce récit risque d'avoir été écrit par un artiste qui se fait plaisir, en privilégiant la qualité de ses dessins à l'intrigue. Il découvre une trame d'intrigue assez basique, mais effectivement servie par des dessins d'une grande précision et d'une grande richesse, avec une inventivité pour les personnages, les créatures monstrueuses, les différents environnements, les affrontements physiques et magiques, tout en conservant une lisibilité immédiate. Dès le début, il se laisse prendre au jeu, grâce à la personnalité positive et constructive du personnage principal qui n'est pas naïf pour autant. Au final, il a passé un moment de lecture très divertissant, avec une narration visuelle savoureuse, et une défense inattendue du principe démocratique.
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We stand on Guard

Propos intéressant et d'actualité, intrigue bien construite, graphismes en phase avec l'ambiance. Cependant, je regrette le manque de nuance de l'ensemble qui aurait donné encore plus de pertinence et de poids à ce comics. Malgré une bonne réflexion et des idées honorables, le tout reste très manichéen. Une proposition un brin maladroite.
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Gambit : La Triche

Bien qu'étant un personnage assez secondaire des X-Men et de l'univers Marvel, Gambit a toujours été un personnage que je trouve intéressant, que ce soit par son design, par ses pouvoirs, ou encore par son histoire.



Ainsi, quand je tombe sur un comics mettant en scène le personnage, je ne boude pas mon plaisir et je saute dessus.

Eh bien... C'est pas parce qu'on aime un personnage qu'on aime forcément tous les récits sur ce dernier. Et dans le cas présent, c'était nul !

Les années 90 ce n'est pas forcément la décennie que je préfère dans les comics, et datant de cette période, ce comics est très encré dans les 90', que ce soit par la narration ou par le dessin.



Pour ce qui est du scénario, pas grand chose à sauver, l'histoire n'est pas intéressante, les méchants ne sont pas intéressants, on a des "interludes" toutes les deux pages qui nous sortent du récit... Bref, c'est nul nul nul !
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Maestros, tome 1

[Extrait de l'article "TUGPÉUA #30"]



Et si un étasunien moyen se retrouvait sur le trône de l’Univers ? Willy Khazar, élevé sur le seul monde dépourvu de magie, la Terre, est nommé Maestro, roi-sorcier tout-puissant. Le voilà obligé d’administrer des milliers de mondes malgré son caractère revêche, individualiste et joyeusement irresponsable.

Mais Willy Khazar, c’est aussi un humaniste qui porte un regard aussi neuf qu’acerbe sur un ensemble de sociétés de fantasy restées au stade du féodalisme. L’aide de sa maman Margaret, plus prévenante mais qui elle aussi en a gros, et de Wren, sa petite copine, ne seront pas de trop que ce soit pour l’humour ou pour la baston.

Malheureusement, c’est bien le rire qui me pose problème dans ce comic. Presque omniprésent et très porté sur le pipi-caca-zizi, il insiste régulièrement sur des blagues qui auraient autrement pu former une très bonne satire. Prenons Rygol, l’elfe aux penchants néonazis : il nous explique qu’il veut préserver la pureté de sa race, puis il déploie toute sa vision du monde, puis, pour bien qu’on ait compris, le héros vient en rajouter une couche.

Malgré tout, ces défauts tendent à s’estomper au fil des épisodes : le récit au départ assez manichéen va se complexifiant à mesure des retournements de situation et des scènes grandioses de sense of wonder comme de sense of doom, au point que l’on finit par s’attacher même à ses méchants les plus abjects. Le tout est porté par un dessin superbe et dépaysant, magnifiquement coloré par Dave Stewart, et de multiples clins d’œil aux autres œuvres de merveilleux. Maestros est une fantasy dans la veine de Coda : critique des penchants conservateurs de son genre, mais aussi leur proposant une alternative progressiste qui en forme probablement son avenir.
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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Maestros, tome 1

Je comprends maintenant le succès de cette BD aux Eisner Awards 2018.

En l'ouvrant je ne m'attendais pas à ce que j'allais y découvrir. Le héros m'a quand même rappelé un certain détective de classe R, mais ce livre est un feu d'artifice de couleur, une débauche de sorciers de l'au dela et d'autres mondes encore. Avant tout, le pouvoir ultime demeure la clef. Trahisons, sorts interdits, armes magiques se succèdent alternant entre ruses et coups bas pour permettre à notre héritier de devenir le nouveau Maestro et de maintenir la lignée.
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Maestros, tome 1

Steve Skroce n'a pas une très longue biblio, ayant fait ses armes chez Marvel et du storyboard de cinéma (notamment sur Matrix!) avant de partir sur de l'indé qui semble bien mieux lui convenir quand on voit le plaisir qu'il a à insérer des scènes gores et vaguement chaudes dans ses planches. Avant Maestros il a dessiné avec Brian K Vaughan une uchronie où les USA envahissent le canada. On saisit déjà l'amour des renversements.



Comme dessinateur Skroce s'en tire plus qu'honorablement, livrant des dessins assez classiques (on pense parfois à du Frank Quitely) mais très propres techniquement et très au-dessus de la moyenne des dessins de comics. Le gars sait tenir un crayon et se permet des expérimentations formelles en habillant ses pages un peu à la manière d'un Olivier Ledroit. Car son univers est basé sur les codes de la Fantasy avec magiciens à chapeau pointu, dragons, ogres et monstres en tous genres. C'est assez cliché mais c'est voulu, afin de créer un clivage entre ces images de contes et un langage très fleuri, des exécutions tout sauf douces et un univers noyé dans la violence, la force brute et le sexe.



Du coup, si l'univers est vraiment sympa (même s'il reprend pas mal l'idée de décalage d'un Millar sur Jupiter's Legacy), une fois passés les premiers chapitres vraiment réussis, on tombe progressivement dans une pseudo histoire d'amour un peu mièvre et irréelle au regard de l'univers et du projet. Plusieurs fois on se dit que l'auteur va nous balancer une chute destabilisante pour constater qu'il ne s'agit bien que d'une banale vengeance du vizir contre son sultan... on a connu idée plus novatrice.



Du coup ce premier tome d'une série annoncée commence de façon tonitruante pour finir assez sagement, comme si Skroce avait oublié en cours de route qu'il était dans du comic indé adulte et n'avait plus à se censurer. Un peu dommage tant l'ouvrage commence sous de très bons auspices tant graphiques que scénaristiques en se livrant à de très joyeux et nombreux massacres bien rouges et bien réalistes que tous les amateurs de films d'horreur apprécieront. On se marre pas mal sur les dialogues de sales gosses, profite des jolis dessins et se demande quel sort galactique le Maestro et ses adversaires vont s'envoyer à la tronche. [...]
Lien : https://etagereimaginaire.wo..
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We stand on Guard

Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de toute autre. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2015, écrits par Brian K. Vaughan, dessinés et encrés par Steve Skroce, et mis en couleurs par Matt Hollingsworth. Le titre du récit est une phrase extraite de l'hymne national canadien.



En 2112, des drones bombardent la Maison Blanche et les images sont retransmises de par le monde, en particulier dans la maison de la famille Roos, à Ottawa dans l'Ontario. Le gouvernement des États-Unis détermine rapidement (à tort ou à raison) que l'attaque venait du Canada, et déclenche une riposte militaire immédiate par le biais de missiles. Les parents Roos sont tués dans les bombardements, mais leurs 2 enfants Amber et Tommy y survivent. En 2124, le sud du Canada est un territoire militairement occupé, sous domination des américains.



Amber Roos a pris le maquis et survit toute seule dans le grand nord canadien. Alors qu'elle chasse un renne, elle tombe sous le feu d'un droïde américain. Elle doit sa survie à l'intervention d'un petit groupe armé de rebelles composé de 6 personnes : Oscar Booth (caucasien, blond), Chief McFadden (mi asiatique, mi caucasien), Dunn (avec une prothèse à a place du bras droit), Highway (un indien d'Amérique), Lee LesPage (afro-canadien québécois, s'exprimant en français non traduit) et Qabani (musulmane). Alors que Booth panse la blessure au bras d'Amber Roos, un énorme véhicule tout terrain, une sorte de mécha d'une dizaine de mètre de hauteur sur 4 pates, surgit et s'attaque au groupe.



Après avoir affronté le mécha terrestre, le petit groupe (appelé Two-Four) teste la loyauté d'Amber Roos, puis lui bande les yeux et l'emmène dans leur base secrète. De leur côté, la responsable militaire des forces américaines interroge un suspect qui détient peut-être des informations décisives sur les rebelles canadiens. En parallèle, des retours en arrière évoque succinctement la manière dont Amber et Tommy Roos ont pu gagner la zone libre et échapper à l'armée étatsunienne. L'étau se resserre autour du groupe Two-Four et leurs options diminuent d'heure en heure.



En parallèle de sa série à succès Saga, le scénariste Brian K. Vaughan développe d'autres projets, avec d'autres artistes. Le point de départ du présent récit repose sur une idée fortement enracinée dans l'inconscient collectif canadien : le risque d'une opération militaire américaine pour annexer leur pays (sous un prétexte fallacieux), afin de mettre la main sur leurs ressources naturelles. Vaughan joue à plein sur cette théorie du complot, en la transposant dans un environnement d'anticipation. Il laisse planer le doute sur la culpabilité réelle ou supposée des canadiens dans l'acte terroriste perpétré sur la Maison Blanche, et il enfonce le clou avec l'objectif militaire des américains, à savoir sécuriser les ressources en eau douce du Canada pour irriguer les territoires américains transformés en désert par la sécheresse.



Sur cette trame légèrement teintée de paranoïa (les rebelles étant persuadés que le gouvernement américain n'a jamais eu de preuve de la culpabilité des canadiens, voire que tout a été inventé, les américains étant persuadé des intentions criminelles des canadiens), le scénario suit les actes de résistance d'une minuscule cellule de rebelles canadiens (moins d'une dizaine) contre la grosse machine de guerre américaine. Pour rétablir l'équilibre, le climat rude du nord du Canada joue en faveur des rebelles. Vaughan s'amuse d'ailleurs à parsemer son récit de références au Canada, à commencer par sa géographie et son climat, mais aussi aux noms de villes ou de régions construits sur les dialectes des tribus indiennes, ou sur le français, aux consonances aussi exotiques qu'imprononçables pour des américains. Bien sûr, il n'oublie pas d'intégrer une blague sur les carcajous (en anglais wolverine). Tout du long du récit, Les Lepage s'exprime en français châtié, dépourvu de tout anglicisme comme un québécois pur souche qui se respecte, avec juste 2 fautes de français dans ses dialogues (ce qui représente un exploit pour un comics américain).



Cette histoire relève du récit d'anticipation, tendance politique-fiction, avec plus de fiction que de politique. Le scénariste a fait plaisir au dessinateur en incluant des méchas (soit autonomes, soit pilotés par un humain à bord), une prothèse bionique en guise de bras, des forteresses volantes (assurant leur vol autonome stationnaire par le biais d'une technologie non précisée), des dérèglements climatiques ayant conduit à la désertification de grandes étendues en Amérique du Nord, des drones aux capacités et à la technologie largement supérieure à ce qui existe, un réseau de communication accessible depuis des implants cybernétiques sous-cutanés, et des armements futuristes.



Il s'agit également d'un récit de guerre, avec à la base l'invasion d'un territoire par un gouvernement étranger. Le lecteur suit donc un petit groupe de rebelles tentant de résister à l'envahisseur, s'interrogeant sur la confiance qu'ils peuvent accorder à un élément exogène. Il est question d'armes, d'exécution sommaire des prisonniers de guerre, d'interrogatoires avec recours à la torture, de stratégie à l'échelle d'une poignée de résistants, mais aussi à l'échelle d'une nation. Bien évidemment, le lecteur assiste à des affrontements, avec blessures, morts au champ de bataille et opérations commando. Dès le départ, il comprend bien que le petit groupe Two-Four mène un combat contre l'armée d'une nation, David contre Goliath.



L'aspect spectaculaire et divertissant de ces affrontements repose donc sur les épaules de Steve Skroce. Celui-ci réalise des dessins très détaillés dans une veine descriptive appuyée. Le lecteur commence par découvrir la pièce à vivre de la famille Roos, très haute de plafond, joliment décorée, avec une grande baie vitrée et un canapé confortable. D'une manière générale, le dessinateur s'investit pour inclure une vue générale de chaque prise de vue en intérieur, avec un aménagement adéquat (entre meubles fonctionnels et dépourvus de personnalité pour les locaux militaires, et intérieurs privés attestant du soin pris par leur propriétaire pour les personnaliser).



L'histoire continue par la chute des missiles sur le territoire canadien et sur les centres urbains. Skroce ne se complaît pas dans le gore, mais il n'en détourne pas non plus pudiquement le regard. Le lecteur voit donc les blessures, la peau déchirée, les os protubérants, la chair calcinée, les membres arrachés et même des intestins à l'air suite à une éventration. Les auteurs ont donc choisi de ne pas édulcorer les blessures, encore moins de les rendre romantiques. Les individus meurent, estropiés, en souffrance. Pire encore, l'utilisation de rayons laser découpe les individus, libérant la pression artérielle. Les blessures sont nettes et sans bavure, mais c'est une vraie boucherie car il ne cautérise pas les plaies. Cet aspect de la violence s'exerce avec d'autant plus d'impact émotionnel, que chaque personnage est aisément identifiable et dispose d'une morphologie réaliste, à l'opposé des superhéros, ou même des récits d'aventure avec héros musculeux.



Le dessinateur a également l'occasion de représenter 2 animaux dont un chien bizarre (sa véritable nature provient d'un croisement génétique improbable) et un magnifique renne broutant dans un champ de neige. Les grands espaces naturels canadiens invitent au tourisme, mais le degré de réalisme reste relatif, car il n'y a par exemple qu'une seule essence d'arbres (des sapins). Cela n'empêche qu'une vue d'ensemble sur un champ ensemencé reste très convaincante.



Le gros du spectacle réside donc dans les affrontements et dans les méchas. Le lecteur suppose que Vaughan a dû demander à Skroce ce qu'il voulait dessiner au préalable et qu'il a aménagé son scénario en fonction de la réponse. Cela commence donc avec ce drone automatisé en forme de gros chien métallique de 2 mètres de haut. Ça continue avec espèce de forteresse à 4 pates d'une dizaine de mètres de haut. Ça culmine avec un dessin en double page montrant une vingtaine de forteresses volantes en plein ciel. Les combats présentent une excellente visibilité, permettant de suivre les déplacements des différentes factions. Le dessinateur n'abuse pas des explosions, et elles sont spectaculaires quand elles sont présentes, sans être démesurées. Il s'en suit un spectacle visuel de qualité qui se lit une fois et demi plus vite qu'un comics ordinaire de la même pagination.



Dans le fond, Brian K. Vaughan n'a pas trop exagéré le point de départ, puisqu'effectivement les États-Unis avaient conçu et développé un plan d'invasion du Canada dans les années 1920/1930, appelé Plan de Guerre Rouge, et évoqué par l'un des personnages. Il s'investit dans la conception et la mise en place de la situation, avec des personnages dont la diversité reflète celle de la population canadienne, des références géographiques et une forme de patriotisme (jusqu'à l'un des résistants qui soutient que Superman est canadien). Néanmoins, le lecteur s'aperçoit que l'histoire revient vite vers un récit de confrontation entre 2 factions, avec des rebelles qui finalement ont quand même une sacrée chance face à l'armée de tout un pays (même si Vaughan fait tout ce qu'il fut pour rendre cette chance plausible). Le spectacle est assuré par les dessins méticuleux, clairs et détaillés de Steve Skroce. Il s'agit avant tout d'un divertissement, sans regard personnel sur la guerre, encore moins sur le patriotisme ou la géopolitique.
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Post Americana

Beaucoup d'idées donc dans cette mini-série qui veut peut-être trop en faire en amenant une multitude de pistes de réflexion. Néanmoins, Skroce a aussi l'habileté de ne pas perdre de vue son cœur de récit, il avance aux côté de Mike et Carolyn, nourrit son scénario de multiples rebondissements. C'est vif, imaginatif et on se laisse porter avec plaisir par cette intrigue extrêmement bien ficelée !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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We stand on Guard

Quand les patriotismes canadiens et étatsuniens poussent les citoyens vers les nationalismes les plus violents, sur fond de guerre pour l'accès à l'eau, au début des années 2100...



Les très méchants américains attaquent les très rebelles canadiens, on obtient un David contre Goliath revisité. Morale discutable donc, mais magnifique histoire, superbes graphismes, et véhicules du guerres spectaculaires.



Pour pouvoir raconter l'histoire de fantassins rebelles mobiles mais non détectables par les super-technologies américaines, l'auteur a endomagé le réalisme de son scénario : chinois et américains se seraient détruits mutuellement la totalité de leurs satellites, et la neige brouille les radars ;-)
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Maestros, tome 1

Maestros est une œuvre dense qui aborde de nombreux sujets, politique, social ou familial et s’intéresse à l’effet du pouvoir sur les gens. Une série finalement assez British tant elle nous rappelle la violence et l’humour grinçant de Garth Ennis et Mark Millar ainsi que la folie cosmique et magique d’Alan Moore et Grant Morrison.
Lien : https://www.actuabd.com/Maet..
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Maestros, tome 1

Une très intéressant histoire, pleine de rebondissements assez bien amenés, d'idées bien vues, et un artiste qui se révèle plutôt avisé dans sa narration !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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We stand on Guard

Dans un contexte d’incertitudes géopolitiques, relatif à l’actuelle présidence américaine, « We Stand on Guard », malgré son approche science-fictionnelle, se positionne comme un récit engagé. Une œuvre forte, au ton sec, mais belle, qui rappellera sur cet aspect le comics « The Few », paru récemment chez Hi Comics.




Lien : http://bdzoom.com/131715/com..
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