Ce fut pendant son règne que naquirent dans la plupart des villes italiennes un parti favorable à la cause de l'empereur qu 'on appela gibelin et qui tira son nom du château de Weibeling, propriété des Hohenstaufen, et un autre, favorable celui-là à la papauté, qu'on appela guelfe, d'après la dynastie saxonne des Welf que les papes avaient soutenue contre l'empereur. Le pape à cette époque n'était plus que le chef du parti guelfe en Italie, cependant que l'empereur était simplement devenu celui du parti gibelin. Cette situation représentait, bien plus pour l'empereur que pour le pape, une perte d'autorité.
La Sicile est une terre triangulaire située au centre de la Méditerranée, qui partage celle-ci en deux et forme presque un pont unissant l'Italie à l'Afrique. Peu d'îles ont été plus favorisées par la nature. Son climat est doux et ses paysages, où voisinent les montagnes déchiquetées, les riches plaines et les vallées riantes, sont magnifiques. La fréquence même des tremblements de terre et la présence toujours inquiétante de l'Etna, même s'ils apportent un redoutable témoignage des caprices de la nature, ont néanmoins ajouté à la richesse du sol. L'homme n'a pas été aussi bienveillant avec la grande île. La géographie a fait de celle-ci un champ de bataille tout désigné quand les armées d'Europe et d'Afrique eurent à s'affronter ; elle fit aussi de sa possession une nécessité pour tout prétendant à l'hégémonie en Méditerranée. Son histoire n'est faite que d'invasions, de guerres et de tumultes.
(INCIPIT)
L'emploi de langues différentes creusa un peu plus le fossé entre les deux Églises. Si, plus nombreux, les Grecs avaient compris le latin et les Latins le grec, le point de vue de chaque Église eût été mieux perçu par l'autre. Des erreurs de traduction involontaires furent cause de graves malentendus.
La compréhension n'entraîne pas nécessairement la sympathie, mais elle permet au moins d'user de tact et de tolérance. Cependant, même lorsque les circonstances s'y prêtent, ces deux vertus existent rarement dans les milieux ecclésiastiques ; et quand à leur absence vient s' ajouter l'ignorance, les conséquences sont désastreuses.
Un exposé complet et détaillé de la rupture entre les deux grandes Églises d'Orient et d'Occident remplirait plusieurs volumes.[...] L'histoire du conflit a été jusqu'à présent traitée plutôt par des théologiens et non sans raison, car le terrain sur lequel les chefs des deux Eglises se sont affrontés fut celui de la doctrine et des pratiques religieuses. Mais les guerres ne commencent pas sur le champ de bataille, et de même qu'il ne serait pas judicieux de faire écrire l'histoire d'une guerre et de ses causes par des soldats, il ne le serait pas non plus de considérer un schisme du seul point de vue théologique.
Certains idéalistes croient de bonne foi que, si les peuples du monde pouvaient arriver à se connaître, la paix et la bonne volonté seraient assurées pour toujours. C'est là une dangereuse illusion. Il est sûrement possible à des hommes et des femmes éduqués d'apprécier la compagnie et les coutumes de personnes étrangères et d'éprouver pour elles de la sympathie.
Mais le peuple ordinaire qui pénètre dans un pays dont il ignore la langue et les habitudes n'éprouve le plus souvent que du dépaysement et de l'hostilité. Ce fut précisément le cas pour les soldats et les pèlerins de la croisade qui par milliers traversèrent l'empire byzantin en 1096 et 1097.
Ils étaient partis pour secourir les chrétiens d'Orient, mais ils découvrirent un pays étrange et inhospitalier. Ils n'entendaient rien à sa langue, et trouvèrent les grandes villes déconcertantes, voire inquiétantes. Les églises étaient très différentes des leurs ; les prêtres avec leurs longues barbes, leurs chignons et leurs robes noires ne ressemblaient en rien aux prêtres qu'ils avaient pu voir jusque-là.
Le but avait été atteint: Jérusalem était de nouveau chrétienne.
Mais qui allait la garder?
Qui allait la gouverner?
Il fallait bien, maintenant, soulever publiquement la question sur laquelle tous les croisés avaient dû réfléchir en privé depuis longtemps.
Le 21 juin 1453, le sultan et sa cour quittèrent la ville conquise pour Andrinople. Constantinople était maintenant presque en ruine, vidée, abandonnée, comme noircie par le feu, et étrangement silencieuse. Partout où les soldats avaient passé, c'était la désolation. Les églises avaient été profanées et dépouillées ; les maisons n'étaient plus habitables, les boutiques et les magasins saccagés et vidés. Le sultan lui-même, comme il chevauchait dans les rues, en avait été ému jusqu'aux larmes. " Quelle ville, murmurait-il, nous avons livrée au pillage et à la destruction ! "
L'idée d' Urbain II de lancer une croisade, dont il espérait pieusement qu'elle se porterait au secours des Églises d'Orient et le rapprocherait de l'empereur de Byzance, donna un résultat complètement opposé à celui recherché par ce grand pape.
Les croisés n'amenèrent pas la paix, mais l'épée ; et cette épée partagea la chrétienté en deux.
Il y avait ainsi en Sicile à la fin du XIIe siècle une population composée d'éléments héréditairement opposés les uns aux autres, mais vivant en paix et en voie d'acquérir un véritable sentiment national. Il faut reconnaitre aux rois normands, si ambitieux et dénués de scrupules qu'ils fussent, le mérite de cette extraordinaire réussite.
« Italien ohne Sizilien macht gar kein Bild in der Seele : hier ist der Schlüssel zu allem.»*
Goethe, Italienische Reise.
*"On ne peut se faire une idée de l'Italie sans voir la Sicile. Là se trouve la clé de tout"