La crise sanitaire a souvent été lue comme la consécration d'une tendance de nos sociétés vers la gérontocratie : les personnes âgées sont celles qui votent le plus, et qui décident donc des politiques publiques. Elles seraient aussi celles qui ont été privilégiées face à l'arrivée de l'épidémie, puisque l'on aurait "enfermé" les jeunes générations, qui ne couraient pourtant pas de grands risques, afin de prendre soin des plus âgés.
Mais ne pourrait-on pas renverser la perspective et considérer que si l'on a envisagé le confinement comme un "enfermement" des jeunes, c'est parce que l'on considère la jeunesse comme l'âge d'or de l'existence ? N'est-ce pas l'occasion d'interroger nos représentations sur l'âge adulte et la vieillesse, mais aussi de rendre ces étapes De La vie plus enviables ?
C'est ce que propose de faire Susan Neiman dans son premier essai à être traduit en français, "Grandir. Eloge de l'âge adulte à une époque qui nous infantilise" (Premier parallèle). Elle y montre que l'âge adulte n'est certes pas l'insouciance naïve de l'enfance, mais pas non plus la révolte tumultueuse de l'adolescence : il est cette étape où nous comprenons enfin que si nos idéaux ne sont pas déjà inscrits dans le réel, il nous appartient néanmoins de tout faire pour les y actualiser.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 9 Novembre 2021)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
+ Lire la suite
Communiquer sur Facebook, Twitter ou Instagram est comparable au plaisir du gamin qui court vers sa maman pour lui montrer ses derniers coloriages.
L’esprit a besoin d’être stimulé au moins autant que le corps, or il y a trop de gens qui se limitent à soulever des poids légers.
Un bébé qui mange à heure fixe comprend très vite qu'il est incapable de modifier le cours des évènements contrairement à celui qui mange à la demande.
Mais il apprend aussi à supporter la faim...
Grandir c’est accepter les incertitudes qui traversent nos vies ; c’est peut-être même vivre sans certitude, si ce n’est la certitude que nous courrons perpétuellement après ces certitudes.
Le luxe corrompt tout le monde : les riches qui en jouissent et les pauvres qui en rêvent.
L’amour propre naît de la connaissance de soi. Le narcissisme naît exclusivement du regard d’autrui.
Comme le disait Kant, découvrir d’autres cultures n’a de sens que si vous en avez déjà donné un à la vôtre – ce que permet le voyage lorsqu’il oblige à prendre de la distance vis-à-vis de ce qui, dans votre propre culture, vous paraissait aller de soi.
La foi, dit-on, serait liée à un fantasme d'enfant. Nous voudrions que le monde soit ordonné par des parents sages et aimants qui répondraient à des besoins dont nous ne sommes pas conscients et protégeraient des intérêts qui nous échappent. Après tout, telle est la promesse de la Providence.
Il n'est pas étonnant que Kant ait pensé que la maturité était plus affaire de courage que de savoir : toute l'information du monde ne saurait se substituer à l'audace de juger par soi-même. [...] Le courage est nécessaire pour supporter cette faille qui déchire nos vies, aussi bonnes soient-elles : les idéaux de la raison dessinent une image de ce que le monde devrait être ; l'expérience nous apprend qu'il est rarement tel qu'il le devrait. La maturité consiste à se confronter à cet écart, sans pour autant abandonner ces idéaux ni cette expérience.
[...] Il faut bien plus de témérité pour reconnaître que les idéaux, comme l'expérience, nous obligent. Grandir consiste à refuser de succomber au dogmatisme comme au désespoir. Agir selon ses moyens pour que son fragment de monde se rapproche de ce qu'il devrait être sans perdre de vue ce qu'il est, voilà une bonne définition de l'âge adulte.

L'enfance de la raison est dogmatique. Les jeunes enfants ont tendance à considérer que ce qu'on leur enseigne relève de la vérité absolue. [...]
L'étape suivante, pour la raison, est le scepticisme ; le mot "adolescence" n'avait pas encore été inventé à l'époque de Kant, mais le philosophe en décrit tous les symptômes : ce mélange étrange de déception et d'euphorie qui accompagne la découverte que le monde n'est pas tel qu'il devrait être. [...]
Kant affirme que cette étape témoigne de plus de maturité que la crédulité caractérisant les prémices de la raison, et qu'elle est nécessaire et importante [...]. Mais le passage brutal de la confiance infinie à la méfiance permanente ne relève pas encore de la maturité. Sans surprise, la maturité est la métaphore qu'utilise Kant pour qualifier sa philosophie, laquelle doit vous aider à trouver le juste milieu entre le fait de croire bêtement tout ce qu'on vous dit et celui de le rejeter tout aussi bêtement. Grandir, c'est accepter les incertitudes qui traversent nos vies ; c'est peut-être même vivre sans certitudes, si ce n'est la certitude que nous courrons perpétuellement après ces certitudes.
Au milieu du XVIIIème siècle, les débats se limitaient à la possibilité d'éliminer les maux d'ordre naturel (la souffrance), les maux d'ordre moral (le péché), et le lien fluctuant qui les relie. La médecine et la technique devaient lutter contre les premiers, la pédagogie et une économie plus équitable contre les seconds, et la justice politique contre le troisième.