Jusqu'à Cuges, les bastides éparses dans la campagne avec leurs puits et leur inévitable mûrier, les jardins plantés d'oliviers et garantis du vent du nord par un paravent de cyprès, de grands roseaux qui ont un faux air de bambous, quelques pins d'Italie ça et là, des collines à têtes crépues couvertes de petits chênes-Kermès bas comme la bruyère et épineux comme le houx, l'Aubagne, chétive rivière bourbeuse ombragée de micocouliers, des vignes - sans échalas- , des buissons d'une espèce d'atriplex qu'ils appellent le buis blanc, bordent le chemin. Je suis descendu dans une charmante prairie piquée de mille étoiles jaunes et blanches et septembre comme les nôtres en avril. Je croyais n'y trouver que des boutons d'or et des marguerites. Il y avait plus de vingt espèces de fleurs différentes. En Provence, le rayon du soleil fait pétiller dans l'herbe une végétation éblouissante.
Arriver à Avignon par un beau soleil couchant d'automne, c'est une admirable chose. L'automne, le soleil couchant, Avignon ce sont trois harmonies.
La ville des papes s'en va, elle aussi. (...)
De loin, l'admirable ville, qui a eu quelque chose du destin de Rome, a quelque chose de la forme d'Athènes. Ses murailles, dont la pierre est doré comme les ruines augustes du Péloponèse, ont un reflet de la beauté grecque. Comme Athènes, Avignon a son acropolis. Le château des papes est son Parthénon. Les collines sont calcaires, les toits sont italiens, ce qui enveloppe la ville d'un horizon plein de tons chauds et de lignes droites, que coupent dans le lointain des groupes de grosses tours rondes.