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Citation de Pris


Je suis rentré chez moi, je voulais être gentil. Mais parfois l’envie me prend d’égorger quelqu’un. Je suis rentré aveugle. Une balle m’a décollé la rétine. Elle est entrée par ma tempe gauche et est ressortie par ma tempe droite. Je ne distingue que la lumière et les ombres. Mais je les connais, ceux que je voudrais égorger… Ceux qui trouvent trop cher de poser une pierre sur la tombe de nos copains… Ceux qui ne veulent pas nous donner d’appartements : « Ce n’est pas moi qui vous ai envoyés en Afghanistan… Ceux qui se fichent de nous comme de leur dernière chemise… Tout ce que j’ai vécu continue à bouillir en moi. Si on voulait me prendre mon passé ? Mais non, je ne me laisserais pas faire. Je ne vis que de ça.
J’ai appris à marcher sans voir. Je vais en ville tout seul, dans le métro, sur les passages piétonniers. Je prépare à manger, même que ma femme s’étonne, parce que je le fais mieux qu’elle. Je n’ai jamais vu ma femme, je ne sais pas comment elle est. Je ne connais pas la couleur de ses cheveux, comment est fait son nez ou sa bouche… Je perçois avec mes mains, avec mon corps… C’est mon corps qui voit. Je sais comment est fait mon fils… Quand il était bébé, je le langeais, je le lavais… Maintenant je le porte sur mes épaules… J’ai parfois l’impression qu’on peut se passer des yeux. Après tout, vous fermez bien les yeux, vous autres, quand il se passe quelque chose d’essentiel. Quand vous êtes très, très bien. Les yeux sont utiles au peintre, parce que c’est son métier. Moi, j’ai appris à vivre sans. Je perçois le monde… Je l’entends… Un mot est plus important pour moi que pour vous qui avez des yeux.
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