Chaque individu est une perle de cristal, et chaque perle de cristal réfléchit non seulement la lumière de chaque autre cristal, mais aussi chaque autre reflet dans tout l’Univers.
Cette dissipation du lien communautaire pourrait être à l’origine d’une certaine dépression sociale, allant du désengagement civique jusqu’à la dépression tout court, en passant par un sentiment diffus de solitude qui tend à se généraliser à l’instar des antihéros qui peuplent les romans de Houellebecq.
Tout le paradoxe du sujet conscient de soi vient du fait que pour affirmer son autonomie et son existence, c’est avant tout face aux autres ou face à ce qu’il n’est pas qu’il doit le faire. Cette découverte de soi dans le regard de l’autre pose ainsi toute l’ambivalence de l’affirmation. Pour m’affirmer en tant qu’autonomie, il doit y avoir en moi quelque chose de ‘autre, et cette présence de l’autre en moi, en même temps qu’elle rend possible cette affirmation le contredit dans les termes, la déstabilise immédiatement dans sa suffisance définitive.
Comme tout système dynamique, les sociétés humaines et leurs membres sont tiraillés entre un impératif de stabilité et de cohérence d’une part, et une aspiration à l’évolution et au progrès d’autre part.

La façon de concevoir son rapport à l’autre est déterminante dans la forme sociale qui émerge au sein d’une communauté humaine. Dans la société traditionnelle africaine, Thomas Mur nous expose cette relation en termes de liens moraux, contractés les uns envers les autres au fil des services rendus et des dettes mutuelles tacites qui en découlent. Ainsi, le statut social de la personne dépend en grande partie de sa capacité à assis-ter autrui, notamment sur le plan matériel puisque la question des ressources se pose avec beaucoup plus d’acuité en Afrique qu’en Europe. L’homme de statut social élevé n’accumule donc pas de richesses comme sous nos latitudes, puisqu’il consacre ce qu’il gagne à pourvoir aux besoins de ceux qui n’ont pas ses aptitudes et son talent. Son habileté, son intelligence et sa magnanimité font de lui un chef, un guide et un arbitre reconnu au sein de la communauté.
L’interdépendance des individus est vécue comme un état de fait dans la société béninoise, lors-qu’en Occident elle est perçue comme un fardeau potentiel dont il faut s’alléger ou se débarrasser.
[…] si les sociétés européennes peuvent sembler particulièrement avancées sur les questions de tolérance, la reconnaissance d’un « droit à la différence » pour autrui n’implique par forcément la réciproque de sa part, sauf à considérer que ses catégories soient nécessairement les nôtres, ce qui revient à paradoxalement… nier son altérité !
Considérons désormais que, dans ce triangle de la rivalité et du désir, l’élément objet soit confondu avec l’un des deux sujets. Cela est rendu possible si l’un des sujets manifeste une certaine confiance en soi, signe d’autosuffisance. Alors, la rivalité mimétique se transforme en l’aspiration de l’un des sujets à rejoindre l’autre sujet-modèle qu’il prend pour exemple, pour but à atteindre, non pas pour ses qualités intrinsèques, mais pour son seul statut manifesté d’individu suffisant : c’est la stratégie narcissique, consistant à attirer à soi le regard envieux des autres, justifiant a posteriori et de façon autoréalisatrice la valeur de soi que l’on a eu le souci d’afficher. Ainsi, la confiance en soi attire les éléments de contexte permettant de se renforcer d’elle-même tandis que, de la même façon, la mésestime de soi attire les regards d’opprobre conduisant à une dépréciation encore plus grande.
[…] le régime se retrouve face au paradoxe de devoir user d’un contrôle social toujours plus grand pour maintenir les individus dans l’illusion égalitaire, provoquant un rejet grandissant qui devra être compensé par un recours encore plus intense au contrôle social.
A la lumière de cette description des relations humaines et sociales selon le ternaire causal fondamental, nous pouvons génériquement définir celles-ci comme l’activité relationnelle dans un champ mimétique singulier.
[…] qu’un système voie les éléments de variété se multiplier au point de prendre le pas sur la similarité garante de la redondance au sein de la structure, et celui-ci risque de se disloquer. Toute idée de dynamique ou d’activité à son égard perd alors son sens.
A la lumière de cette fine réflexion d’Henri Atlan, nous pouvons désormais analyser la dérive ultranationale et l’utopie communiste. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un phénomène de retour brusque à une société simplifiée et ordonnée, à une sorte d’appel collectif autoalimenté pour une recharge en redondance.