A l'occasion de la Foire du Livre de Brive, Sylvie Anne évoque les romancières qui l'ont inspirée pour son roman "Un mariage en eaux troubles".
En savoir plus sur le livre "Un mariage en eaux troubles" : http://bit.ly/2BbwyTf
A Brive, en 1935. Par son mariage, la douce Alice est au coeur des manigances et des ambitions de Paul Bersac et de sa mère. Lui, propriétaire de la source d'eau la Châteline, cache sa part d'ombre. Mais bientôt Alice se rebelle...
Ici, durant le repas, pareil au vieux fusil du père oublié au dessus du cantou, le silence avait la profondeur des liens qu'on ne remet jamais en question.
-- Ne fais pas ta mijaurée ! s'énerva-t-il. Tu as dû en voir d'autres, on sait ce que c'est qu'une servante !
Le gantier sentit la moutarde lui monter au nez. Il n’aimait pas qu’on mette sa fille sur le même plan que les autres. Pour lui, Lucie était différente.
Chaque image, chaque parole qu’elle venait de vivre et d’entendre étaient incrustées au fond de sa mémoire et, comme l’un de ces films qu’elle avait vus parfois, leur enchaînement se déroulait sans cesse dans sa tête.
Les jours sont trop courts quand on a un bon livre entre les mains.
Créer une autre ganterie était la seule façon de saborder celle de Lucie. Il n'y avait pas d'autre solution pour l'obliger à vendre ou à céder son bien, elle serait vaincue par une concurrence sans merci.
Guillaume avait tout calculé.

Simon, pantois, sentit la panique monter en lui. Il était incapable de fabriquer ce genre d'articles. Que devait-il répondre si le client le questionnait ?
- Voulez-vous montrer des peaux à monsieur Lacaze ? lui demanda Lucie. Ensuite vous prendrez la mesure de ses mains.
Le jeune ouvrier ramassa plusieurs peaux empilées les unes sur les autres, récemment apportées par le mégissier, puis les plaça sur la grande table de travail. Avant de les examiner, Paul Lacaze exposa ses préférences. Il voulait un beau cuir souple qui gaine la main sans gêner le mouvement, un cuir de pécari lui paraissait le plus adapté. Cette fois, Simon adressa un regard affolé à Lucie. Jamais une peau de pécari n'était entrée dans la ganterie. La base de leurs fabrications était constituée de mouton ou de cuir de vache.
- C'est dommage, s'empressa-t-elle de dire, il n'y en a plus. Nous attendons les nouvelles dans les prochains jours. Nous en avons beaucoup utilisé ces derniers temps. Mais je vois parfaitement ce qu'il vous faut.
- De quels conseils parlez-vous ?
- Il ne faut pas agrandir la ganterie ni embaucher un autre ouvrier. D'autres fabriques aux alentours ont déjà pignon sur rue ou l'auront bientôt. Ecoutez-moi ! J'ai le sens des affaires, vous risquez de tout perdre.
Jamais un homme de son rang ni de son expérience ne lui avait tenu de tels propos. Pour elle, qui avait toujours décidé seule, cela signifiait un changement radical.
- Et que dois-je faire alors ?
- Enrichissez votre production ! Diversifiez-la !
L'industrie du luxe a besoin de jeunes talents. Visez plus haut ! Il faut créer de belles choses et les exporter vers les villes.
- Mais je n'y connais pas grand-chose et cette ganterie est une affaire familiale, mon père me l'a léguée pourque je continue à la faire fonctionner.
Dès le petit déjeuner, comme si elle avait peur qu'il se rétracte, Marthe entreprit une nouvelle fois de lui vanter son projet de mariage. Énervé, il coupa court ;
- C'est entendu, maman. J'épouserais cette fille mais avons-nous besoin d'un déjeuner ? Pour moi, il ne s'agit que d'un contrat.
- Comment oses-tu dire çà ? Tu vas peut-être tomber amoureux d'elle. C'est une jeune fille droite et sincère.
- Je me suis renseignée, elle n'a aucun charme. Je compte sur vous pour l'habiller et la conseiller. Qu'elle ait au moins bonne allure me semble indispensable pour la présenter. Bien conclut-il, comme j'ai peu de temps devant moi, je vais dans mon bureau, je serais de retour pour midi. Nous prendrons la voiture pour nous rendre chez les Aubier.
A peine réveillé, il s'était débrouillé pour trouver Marie, seule, au milieu de ses vignes. Là, jouant le tout pour le tout, il avait ressorti la liasse de billets dont il ne se séparait plus. La réponse avait été prompte, et la voix indignée de Marie vibrait encore à ses oreilles.
-Jamais ! s'était-elle écriée. Va-t-en, Barial ! Tu ne fais que du mal par ici.