Les nombreux observateurs et spécialistes de l'islam contemporain n'ont pas assez remarqué que les nouveaux acteurs sociaux qui s'en réclament lui assignent des fonctions conjoncturelles, idéologiques, voire perverses, fort éloignées des visées durables transculturelles communes au fait religieux. J'ai montré dans divers essais que l'islam actuel est un refuge identitaire pour tous les types de contestataires là où les libertés civiques sont confisquées obligeant les citoyens à se terrer pour guetter le moment favorable à l'attaque, un tremplin pour les ambitieux attirés par des réussites sociales, politiques ou cléricales.
Citation de M. Arkoun extraite de "Humanisme et islam", Paris, Vrin, 2005
Dans son dernier livre, il certifiait que les "croyances-vérités" fondatrices de la religion islamique avaient été soustraites à toute investigation critique sérieuse depuis le XIIIe siècle, enfermant le discours religieux dans le grand corpus de la croyance orthodoxe. Il soutenait que les gestionnaires du sacré avaient entretenu au cours des sept derniers siècles cette clôture dogmatique, s'arrogeant ainsi le monopole de la parole d'Allah, de la vérité, et par là même de l'autorité politique.
Parler de tolérance eût constitué une maladresse, car ce mot sous-entend une forme d'indulgence qui n'est autre qu'un sentiment de supériorité déguisé derrière une politesse de façade.
Ce livre, "Pour une critique de la raison islamique", portait en lui les germes d'un changement de paradigme absolu, une rupture radicale dans la façon d'envisager la religion islam, une subversion inouïe dans un conscience musulmane qui persistait à confondre critique et attaque.