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Citation de Cielvariable


La voiture s’engage sur la voie d’accès, le tire de sa torpeur. Au bruit du moteur, il reconnaît une petite cylindrée, bien réglée. Elle vient droit sur lui. Le faisceau blanc des phares balaie le bitume, se répand sous la remorque, frôle son ombre. Il replie aussitôt les jambes, hors champ. Recule sur les coudes, se tasse dans l’obscurité derrière les roues géantes. Ça fait des heures qu’il attend, planqué sous le châssis du poids lourd arrêté pour la nuit. Au coup de freins, des gravillons ricochent contre les énormes jantes. Tendu, il écoute la bagnole se garer à côté du trois-tonnes. On coupe le moteur, éteint les phares. Dans la meurtrière horizontale, la portière s’ouvre. Une paire de Converse rose pâle apparaît sur le sol. Délacées. La conductrice ferme la portière, s’accroupit, son souffle tiède l’effleure, le caresse. Il regarde ses seins s’écraser sur la cuisse à un mètre de lui, observe intensément. Il ne bouge pas, ne respire pas davantage. La fille aux gestes rapides entoure les lacets blancs aux chevilles. Il fixe les mains nerveuses, respiration en circuit fermé, contracté, prêt à réagir au moindre geste esquissé dans sa direction. Elle se redresse. Mollets et Converse s’élancent d’une poussée, disparaissent. Il vide ses poumons au rythme de leur course précipitée, tout en comptant les secondes écoulées. Une porte claque, un loquet se bloque. En une reptation, il se retrouve à l’aplomb de la remorque, à la limite de l’ombre et de la lumière diffusée par le lampadaire. Le parking fait le mort. Les toilettes étincellent. La fille en a encore pour quelques minutes. Il se décide. Les sens en éveil, il compte deux secondes, roule sur lui-même jusqu’au flanc de la bagnole, tend le bras sans se redresser. La poignée est déverrouillée. Il ouvre la porte, passe du dehors au-dedans. La portière se rabat sur lui, d’une claque il éteint le plafonnier. Coincé entre banquette arrière et sièges avant, il se plaque contre le dossier du conducteur, ramène ses grandes jambes autant qu’il le peut. Il sait pouvoir compter sur l’effet de surprise. Il est sûr de lui. Par petits coups saccadés, il évacue l’air sans relâcher ses muscles. Respire l’odeur vanillée du déodorant et celle plus forte du plastique neuf. En apnée, il attend. Son cerveau, plus précis qu’un GPS, déroule la topographie du lieu. Le semi-remorque, les autres gros culs accolés aux chauffeurs endormis dans les cabines, le goudron, la bande d’herbe, le grillage qui sépare l’aire de stationnement des champs.
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