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Citation de Charybde2


À l’autre bout de la pinède, je m’arrête pour reprendre mon souffle, me ressaisir, et ne rien laisser paraître de ma peur, au cas où un autre des intrus serait déjà débout, dans ma propre maison. Surtout, que personne ne me voie y entrer comme une voleuse. Pour l’instant, cette maison est encore la mienne. Entre ses murs, je me sens forte. Et je peux me retrancher dans le quartier des femmes, où aucun des intrus n’a encore osé se risquer. De l’ouverture secrète à l’étage, je ne vois pas tout, mais j’entends presque tout. Si besoin était, ce qui vient de se passer me le prouve une fois encore : la force que me prêtent ceux qui m’entourent est feinte, pour une large part. Tout à l’heure, sur mon propre domaine, je n’étais plus maîtresse. Là-dessus, je ne me leurre pas. Jusqu’à présent, j’ai réussi à garder les intrus à distance, et, en somme, à les illusionner. Cependant, moi, je vois la vérité en face. Et si je ne suis plus maîtresse, que suis-je ? Une femme comme les autres. Une proie plus exposée que d’autres.
En passant le seuil, je vois Éri. Sans peser, son regard passe sur le voile si fin qu’il colle à ma peau moite, et une ombre d’inquiétude obscurcit ses yeux. Mais je lui souris calmement, et elle me sourit, comme si elle comprenait. Oui, quelque chose a failli se passer, mais rien ne m’est arrivé.
Le matin, Éri se lève très tôt. Comme moi, elle ne supporte pas de découvrir la grande salle en désordre. Quand je quitte la chambre du maître, où je dors toujours, elle a déjà tout rangé. Elle a ramassé les reliefs du dernier repas pour les jeter aux chiens, dehors ; elle a lavé les tables à l’éponge ; elle a répandu des cendres de myrte et de laurier sur les dalles tachées de graisse ; elle les a balayées ; puis, en plongeant la main dans la bassine posée sur sa hanche et pleine d’eau puisée la veille au soir, elle les a aspergées, toujours du même geste ample, avant de les balayer à nouveau. Enfin, elle a fait brûler dans une cassolette du romarin, elle a aéré la salle, puis elle a écrasé au pilon des fleurs d’immortelle pour parfumer l’air et elle a de nouveau rafraîchi les dalles de l’entrée. Grâce à son travail, l’odeur des viandes grillées ne flotte plus dans la salle, et la maison ressemble à ce qu’elle était jadis, à ce qu’elle doit être.
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