La route. Comme à l'aller, ne pas la regarder. Ne pas lever les yeux pour ne pas voir la distance qui s'installe. Rester concentrer sur elle, sur le souvenir de son visage, le parcourir encore et encore pour l'imprimer. Garder pour les jours qui s'annoncent, les jours au loin, la courbe de son buste nu, levé, offert et laisser venir toute cette chaleur, toute cette douceur douloureuse de la recherche du plaisir. Ne pas regarder la route pour qu'elle reste la même, pour pouvoir la faire à l'envers, la remonter, y remonter le temps, s'accrocher le regard au plancher de bois, à la trainée du sable comme tant de fois depuis il s'est accroché aux sillons d'une photo passée, photo de mariage tant de fois dépliée, repliée sur son cœur dans une page qu'il avait arrachée au Livre. Le grain des mots tournique encore, malgré le froid, malgré tout ce temps qui défile
Alors, c'est peut être lui qui a changé, lui qui ne sait plus reconnaître sa famille, un voile obstrue son regard, un voile tissé d'absence, qui l'enferme dans un cocon de solitude et se noue là où ça fait mal, au creux de l'estomac
La poésie c'est comme l'amour, ça vient de l'inconnu, ça vous fait comprendre et aimer le monde