Au premier coup sur le tambourin, il fallait commencer à tourner autour des vingt-deux chaises disposées en cercle dans la classe.
- Il manque une chaise.
- Oui, Sibylle.
La maîtresse m'adressait un sourire compatissant.
- Je vais en chercher une dans la classe à côté ?
- Non. C'est exprès, Sibylle.
Je n'étais pas une lumière.
- Pourquoi il n'y a que vingt-deux chaises ? On est vingt-trois !
- C'est le jeu, Sibylle.
- Le jeu, c'est que, y en a un, il ne pourra pas s'asseoir ?
A-t-on jamais enlevé une fourchette à l'un des invités au dîner ? Présente-t-on trois verres d'eau à quatre assoiffés ?
La maîtresse avait détourné la tête pour s'adresser aux autres élèves.
- Je vais jouer du tambourin.Elle tenait l'instrument en l'air pour que tout le monde voie.
- Lorsque le silence se fera, vous chercherez à vous asseoir. Sans bousculade !
Elle avait insisté sur le terme.
L'enfant resté debout serait éliminé. Elle allait retirer une chaise à chaque tour. À la fin, il n'y en aurait qu'une pour deux.
- Celui qui gagne, c'est le plus malpoli ?
- Garde tes réflexions pour toi. Fallait-il avoir les nerfs solides !
- J'ai pas envie de jouer !
Bérénice avait compris. Tout le monde allait la pousser, lui écraser les pieds pour un siège.
- Moi non plus.
Éloïse regardait les places à s'arracher avec terreur.
La patiente maîtresse prenait sur elle, on pouvait voir à son soupir d'épuisement.
- Ce jeu s'appelle les chaises musicales. C'est amusant elle disait, sans rigoler.
Je ne comprenais toujours pas. Des chaises, il y en avait plein l'école. J'allais bientôt refuser de jouer, moi aussi. J'aime pas bouffer avec les doigts, j'aime pas rester debout quand tout le monde est assis.