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Critiques de Ta-Wei Chi (30)
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Membrane

Une quête d'identité futuriste transhumaniste à la coréenne…Bluffant…totalement bluffant…Un coup de coeur !



Une peau de pêche. Douce et veloutée, orange poudrée légèrement rosée, tendue à retenir la chair et le jus du fruit, membrane quelque peu duveteuse, cotonneuse, mais imperceptiblement rêche si caressée dans le mauvais sens du poil, vous sentez ? A l'image de Momo, jeune femme dont le prénom signifie pêche en japonais, la légende maternelle prétendant en effet qu'elle serait née de l'union de deux femmes et serait sortie d'une pêche. Une jeune femme douce et sucrée, solitaire qui s'est toujours sentie différente, séparée des autres, comme dans une bulle. Ne pouvant être réellement intime avec personne, comme si une membrane existait entre elle et les autres.

Étonnamment, Momo est esthéticienne. Étonnamment car ce métier implique de toucher pour masser, d'être en contact direct avec l'autre dont elle se sent pourtant si éloignée.





Le vélum, en 2100, protection pour les humains dans leur nouvelle vie sous-marine alors que la vie sur terre est devenue impossible, ravagée par les ultra-violets, membrane imperméable et antisismique ressemblant à une vie sous serre. L'humanité vit ainsi sous dômes sous les océans mais les conflits entre les nations se poursuivent au-dehors par androïdes interposés, les expériences charnelles peuvent se vivre avec un simple ordinateur, et les multinationales ont un pouvoir devenu écrasant.

Dans cette société aquarium, le métier d'esthéticienne est devenu un métier hautement reconnu, après la période des brulures récurrentes et mortifères des rayons ultraviolets, la peau fait désormais l'objet de dévotion et de soins, préoccupation majeure de tous les habitants. Momo excelle dans son métier.





Oui, tout est question de membrane dans ce livre, d'enveloppe protectrice, isolatrice, de couche sensuelle, permettant d'épouser les courbes du corps et de l'âme…Momo a un secret, un secret professionnel, qui fait d'ailleurs son succès. Elle est la seule à appliquer sur ses clients la M-Skin, une seconde peau au procédé tenu secret, qui permet certes une régénérescence cellulaire mais surtout l'intrusion dans la vie privée des clients. Il s'agit d'une seconde peau mémorielle dont les données permettent de vivre par procuration les sensations vécues par la personne l'ayant porté…



« N'y a-t-il pas toujours entre un objet et un corps une frontière impossible à franchir ? ».



L'idée est excellente, elle est cependant exploitée de façon étonnante qui peut dans un premier temps franchement dérouter. Je dois l'avouer, j'ai failli abandonner ce livre. le style est écrit dans un langage enfantin énervant, les idées de l'auteur partent dans tous les sens, le contexte géopolitique et écologique est expliqué par Momo dans un style décousu enfantin qui me maintenait vraiment à distance. de plus nous nous posons plein de questions sur ce qu'a vécu Momo qui est d'un flou troublant : Que contient l'enveloppe charnelle de Momo dont l'enfance, trouble, est marquée par une longue maladie l'obligeant à rester en chambre stérile trois ans durant et une opération durant laquelle son sexe masculin a été ôté ? Qui est cet Andy qui l'a accompagné durant son hospitalisation pour disparaitre dès que l'opération a été réussie ? Andy est-il contenu dans Momo ? Qui est la chair, qui est la membrane ? Momo est-elle hybride, sorte d'osmose entre deux entités, mi-humaine, mi-androïde ? Quel lien véritable avec l'histoire ?

Nous avons l'impression, c'est en tout cas ce que je me suis dit, qu'à vouloir à tout prix exploiter le thème de la membrane, comme une sorte d'exercice de style, l'auteur poussait le curseur trop loin en faisant de ces multiples intrigues à membranes autant de multiples étrangetés éparpillées que le lecteur doit tenter, tout au long de sa lecture, de regrouper pour faire lien et sens ? Je pensais confusément que ce traitement particulier contenait une question d'ordre culturel, une narration propre à la culture coréenne, et que liens et résonances étaient en effet à tisser, voire à imaginer seulement, pour assembler les pièces du puzzle.





Et voilà que la lumière se fait, et me voilà à terminer le livre sans pouvoir m'arrêter, bouche bée et le coeur serré. Chi Ta-Wei m'a eu. Totalement. Avec le recul, je peux dire que ce livre a de prime abord l'apparence d'un livre décousu, mal raconté, partant dans tous les sens, mais qu'il est en réalité un livre important, étonnant, très touchant et hautement symbolique, chose que nous comprenons en avançant dans notre lecture. Nous comprenons même pourquoi l'auteur a adopté ce style. Il est important à plusieurs titres :



- Un livre étonnamment moderne pour les années 90, peuplé d'androïdes, d'interrogations sur le genre, notamment de questions liés à l'homosexualité qui doit faire face, encore à cette époque, à l'homophobie, au sida (dont on a trouvé un vaccin dans le livre), mettant en valeur déjà le capitalisme cannibale, le diktat des grands groupes industriels, le fascisme militaire, les excès du numérique. Un livre sur l'amour mère-fille également, relation très touchante. Moderne donc tout en appartenant à son époque à l'aune des technologies cités et des entreprises mentionnées.



- Un livre qui interroge sur la définition même de l'humain, sur l'identité, sur ce qui fait que nous soyons humains : est-ce notre identité sexuelle ? Est-ce notre cerveau ? Est-ce notre corps ? Notre mémoire ? Quelle est la frontière entre l'homme et le robot si les conditions sociales sont produites et dictées ? Quelle membrane nous définit véritablement ? Comment faire lorsque nous nous sentons « incomplets », fragmentés, déchirés… ? Comment se sentir authentique dans un monde qui n'est qu'assemblage, recomposition, illusions ? Comment faire tenir notre membrane en un tout faisant identité ?



- Chi Ta-Wei part du postulat selon lequel la définition biologique des corps, des genres et des sexes ne correspond pas toujours à l'expérience vécue d'un individu, mettant au centre du livre de façon subtile la problématique Queer, interrogeant les conventions établies sur le sexe, le genre et la sexualité. Un livre de la marginalité.



- de nombreuses références cinématographiques et littéraires viennent enrichir le récit qui montrent que Chi Ta-Wei a fait ses études hors de la Corée et qu'il a une culture marquée par l'Occident : citons par exemple Italo Calvino et le vicompte pourfendu mettant lui aussi un personnage incomplet. Ou encore Si par une nuit d'hiver du même Italo Calvino, dans lequel une des femmes portent plusieurs vêtements, son identité changeant à chaque fois que l'un d'entre eux lui est enlevé…





Chi Ta-Wei a remporté avec ce récit en 1995 le prestigieux prix Unitas de la meilleure longue nouvelle. Sans doute que la question homosexuelle, à laquelle il a joint celle de l'écologie et des nouvelles technologies, fait de cette longue nouvelle un récit totalement novateur à cette époque à Taïwan, ce d'autant plus en adoptant le genre SF pour faire passer son message ce qui est peu commun. Membrane est souvent présenté comme le texte fondateur de la littérature de science-fiction queer à TaIwan nous explique en post-face Gwennaël Gaffric (superbe post-face venant éclairer notre lecture, merci à lui pour son analyse !).



Un livre marquant pour terminer cette année 2022 que j'intègre avec étonnement dans mes coups de coeur alors que j'ai failli l'abandonner avant le premier tiers...



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Perles

« Si tu scrutes longtemps l'abîme, l'abîme te scrute à ton tour ». Cette citation de Nietzsche, présente dans ce livre mais également dans son roman « Membrane », résume à merveille l'oeuvre foisonnante et bouillonnante de Ta-Wei Chi qui mêle science-fiction et quête d'identité de façon quasi expérimentale.



Un délice de perles nacrées, exotiques, parfois sombres, souvent étranges, à l'éclat magnétique, à la rondeur sensuelle, voire érotique, à la grosseur reflétant la richesse contenue dans chacune d'elles…Six nouvelles très disparates qui rebondissent avec sensualité, avec grâce, parfois avec folie, dans lesquelles nous retrouvons les thèmes et les obsessions de Ta-Wei Chi entraperçues dans son roman « Membrane ». Il est d'ailleurs intéressant de lire ces deux livres l'un à la suite de l'autre pour plonger totalement dans l'univers de cet auteur taïwanais. On y trouve, au-delà des problématiques liées à l'homosexualité, à l'incomplétude des êtres, à la quête d'identité et de genre, des références culturelles identiques mettant en valeur la constance des thématiques qui peuplent l'imaginaire de l'auteur malgré les années qui séparent parfois ces différentes nouvelles. En effet certaines sont récentes alors que d'autres ont été écrites alors qu'il était étudiant.



La nouvelle intitulée Perles ouvre le livre. de l'aveu même de Ta-Wei Chi, c'est sa première nouvelle écrite depuis vingt ans, en 2019, la première écrite de ce millénaire et c'est sans doute la nouvelle la plus déjantée, la plus créative, celle qui contient le plus grand nombre de thèmes chers à l'auteur. Un écrit de science-fiction queer assumé, mûri, un exutoire dans lequel l'auteur s'affranchit de toute contrainte et de toute limite dix ans après son retour à Taïwan. C'est un délire d'audace, j'ai pris un plaisir fou à découvrir ce premier texte.

Dans une ville post-Ravage (catastrophe planétaire durant laquelle trois astres, symbolisant les extra-terrestres, ont fait disparaitre l'ensemble des parents humains, ceux-ci étant la cause des traumatismes des enfants et de leurs pires cauchemars), deux hommes, Gros Ours et Petit Lapin, nouent une relation homosexuelle. L'orientation sexuelle n'est plus un problème dans cette société dans laquelle tous les repères sont changés : les relations ouvertes sont prônées et au cercle symbole de la famille est préférée désormais la société basée sur les carrés, le cercle rappelant trop les trois astres meurtriers. Ce qui importe désormais c'est la FPI (Fréquence des pulsions d'intimité) qui permet de déterminer la fréquence idéale de rapports sexuels pour un couple compensant ainsi l'absence de famille et permettant un certain équilibre dans la société. Cette intensité sexuelle peut même être indiquée dans la déclaration d'impôt pour bénéficier de la réduction légale (si si…). Les deux FPI de Gros Ours et de Petit Lapin n'étant pas exactement le même, Petit Lapin, qui a besoin d'assouvir plus souvent ses besoins, va rencontrer Ameng, un être hybride, constamment en tenue de plongée sous-marine, hybride tout comme lui qui n'a pas de jambes. Leurs deux parties de corps peuvent se démonter, se combiner, s'imbriquer comme des pièces de Lego. Fou n'est-ce pas ? Savoureux je dirais ce cyberpunk romantique ! Sous couvert d'un conte un brin absurde, c'est la notion d'identité et de genre, de l'acceptabilité de corps différents, de l'évolution des rapports sexuels et sociaux, du polymorphisme, qui sont appréhendées non sans un certain humour. Cette incomplétude des êtres était centrale et questionnée dans le roman Membrane. Elle est ici plus assumée et fait partie d'une certaine normalité.



La deuxième nouvelle, « L'après-midi d'un faune », est une nouvelle très différente, éloignée de la science-fiction. Un conte fantastique onirique dont le titre a été choisi pour rendre hommage à la culture française. La question du miroir, de l'identité multiple, de l'envoutement sont des questions au centre de cette nouvelle, thématiques que nous retrouvons dans plusieurs autres nouvelles.



Le titre de la troisième nouvelle « La guerre est finie » provient également d'une référence française, c'est en effet un hommage à Alain Resnais. Cette nouvelle résolument SF, de facture plus classique comparé à Perles, n'en est pas moins passionnante. Elle donne la voie à Meimei, une aDome, c'est-à-dire un humanoïde créé pour être la compagne d'un soldat de l'espace. Dans une galaxie étrangère en effet, le sentiment de solitude est inévitable et, pour éviter des relations intimes entre soldats, l'armée a ainsi créé pour ses troupes célibataires une compagnie apaisante, pour s'occuper de la maison et assurer un service sexuel. Chaque aDome est créée spécifiquement pour une personne via une réalité augmentée. Une relation pas si parfaite comme on s'en doute surtout lorsque l'homme rentre définitivement, la guerre étant finie…Un très beau texte métaphorique sur la condition homosexuelle d'une touchante beauté…



« Mon corps est aussi banal que celui de n'importe quel autre aDome, mais par l'intermédiaire de mon dispositif de réalité augmentée, lorsque mon mari s'approche de moi, il éprouve la douceur parfumée de ma peau (ce dispositif est calibré pour mon mari, si un autre violait mon intimité, il ne pourrait en extraire les délices qu'obtient mon mari à mon contact. de cette façon, mon mari ne pense pas à l'adultère, ni à la pornographie (ce dont se félicitent ses supérieurs » ; et aux yeux des autres je ne suis qu'une poupée banale et sans relief ».



La quatrième nouvelle « Eclipse » est très étrange et met en valeur une forme de marginalité provenant des personnes qui aiment manger des insectes alors que la société les rejette, détestant les insectes. En effet, cette pratique est réprouvée par la société car elle peut conduire à contracter une grave maladie, l'AITS (allusion transparente à l'AIDS, abréviation anglophone pour le SIDA). Il est intéressant de voir que la personne marginale assume totalement son inclination tandis que son frère, plus dans la norme de cette société, est en pleine quête d'identité. Mais le coeur de la nouvelle n'est pas là, elle se situe dans la famille homosexuelle et l'éducation homosexuelle que ces deux enfants ont eu. C'est un récit onirique, oppressant, à la beauté singulière qui, dans sa singularité et sa folie, se rapproche de la nouvelle Perles, première nouvelle du recueil.

« L'éclipse solaire totale qui a lieu en ce moment m'affecte : bien qu'il soit exceptionnel de pouvoir assister à un tel phénomène au milieu d'une existence ennuyeuse faite de données numériques – c'est même un plaisir rare, disons-le -, être témoin de la disparition temporaire du mouvement de l'univers rend inévitablement anxieux ».



La cinquième nouvelle au titre énigmatique « Au fond de son oeil, au creux de ta paume, une rose rouge va bientôt s'ouvrir », la plus psychédélique, certainement la plus radicale, porte sur la question de la vérité. La véritable vérité est-elle la réalité fabriquée ? La vérité sous drogue (la fameuse drogue du Miroir noir dans le texte) est-elle une réalité comme une autre à l'heure où le monde s'est écroulé ? Une drogue capable d'explorer les abîmes mentaux des consommateurs et de sonder leurs motivations et leurs désirs. Cette nouvelle montre, comme dans Membrane, le rôle et l'emprise des entreprises capitalistes colossales, incarnant désormais, à la place des nations, la puissance présidant au destin des hommes. Oeuvrant au dépeçage des planètes de la galaxie, elles se font une concurrence féroce et une d'elle, SM, vend des produits simulés de substitution. le miroir noir. « La compagnie propose par exemple de ressentir virtuellement la lumière du soleil ou de déguster de la viande de boeuf artificielle, en manipulant et en asphyxiant les systèmes nerveux des consommateurs ». L'immoralité, l'illégalité, les questions éthiques sont sous-jacentes. C'est là encore un texte à la beauté venimeuse. Et là encore la famille homosexuelle et l'éducation homosexuelle sont présents en filigrane du texte (allant même jusqu'à présenter des hommes pouvant se reproduire entre eux), nous le comprenons à la toute fin de cette nouvelle labyrinthique et apocalyptique.



Enfin la dernière nouvelle, « La comédie de la sirène » est un récit dans le récit. On y voit un étudiant (l'auteur l'a d'ailleurs écrite alors qu'il était lui-même étudiant) composant un conte, à la fois cruel et beau, érotique et poétique, non dénué d'un humour décapant, sur une sirène qui rêve de devenir femme afin de pouvoir s'unir à un homme dont elle est tombée amoureuse. Elle réalisera son voeu et s'apercevra vite que le fait d'être pénétrée violemment par le corail rouge de l'homme est très loin de ce qu'elle croyait, notamment si loin du fameux baiser qui lui permettra de retrouver sa voix de sirène.



Original, intelligent, pétillant, poétique, touchant, parfois délirant, ce recueil m'a conquise. Son exotisme, sa radicalité, son coté envoutant font de ces nouvelles des textes marquants. Voilà une lecture singulière très immersive qui sort totalement des sentiers battus !



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Membrane

Ce que j’ai ressenti:…Une jolie découverte…



J’ai grandement apprécié L’avant-propos et la Postface qui accompagne ce texte, car il permet de mieux comprendre l’œuvre, de la situer dans le temps et la polémique sociale. Membrane est un petit texte de science-fiction, qui nous fait découvrir un univers alternatif, mais surtout qui nous parle des dérives du progrès scientifique. Près de 20 ans, ce sont écoulées depuis l’écriture de ce texte, et il n’en reste pas moins que ce jeune homme avait déjà pressenti les problématiques du monde à venir, et qu’il a encore des accents de vérités dans notre présent.



« (…) mais les experts étaient très clairs: quand bien même, les humains arriveraient à réduire la pollution atmosphérique , cela ne ferait tout au plus que freiner la dégradation de l’environnement, on ne pouvait pas l’éradiquer… »



Il y a une certaine poésie qui se dégage de ce texte, mais surtout de grands combats qu’on devine derrière ces lignes. C’est toujours intéressant de découvrir dans la littérature, un autre pays, d’autres pensées, la manière de les exprimer. Dans les textes asiatiques, il y a toujours cette douceur, cette pudeur, qui ressort, et ici, les métaphores employées mettent en valeur, la force de l’engagement de cet auteur Taiwanais.



« Pourquoi était-on obligé de grandir?

Pourquoi existait-il dans le monde des hommes des règles de vie aussi tyranniques? »



C’est une lecture qui ouvre sur les frontières, autant virtuelles que réelles, qui nous fait toucher du doigt une membrane flexible, où la tolérance prend toute sa place… Rien n’est plus pareil dans ce monde post-apocalyptique, et pourtant, il se dégage comme un plaidoyer sur l’Identité, la perception de ce qui fait de nous, un humain, comme l’ultime couche d’espoir qu’on étalerait sur nos peaux, à la manière de la M-Skin…


Lien : https://fairystelphique.word..
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Membrane

Je suis tombée par hasard sur ce court roman intitulé « Membrane » de Ta-Wei Chi. Intéressant à plus d'un titre, l'auteur fait passer des messages engagés à travers la fiction : l'homosexualité, l'écologie et la politique. Thème d'autant plus d'actualités sur le réchauffement climatique. L'auteur est assez visionnaire même si son écriture est assez étrange et assez osée. Espérons que les hauts dirigeants vont se réveiller à temps.
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Perles

Parmi la nouvelle vague d’écrivains d’imaginaire venue d’Asie, Chi Ta-wei s’est déjà fait remarqué en 2015 avec la publication de son roman Membrane que d’aucuns considèrent comme le premier ouvrage de « science-fiction queer » Taïwanais.

Cinq ans plus tard, L’Asiathèque récidive avec la traduction d’un court recueil de nouvelles dont un texte écrit spécialement à cette occasion et qui donne logiquement son nom à l’ouvrage : Perles.

Écrivain atypique à la plume singulière et à l’univers stimulant, Chi Ta-wei propose une réflexion sur le genre, la sexualité et notre rapport à l’autre.



Perles

C’est avec la première nouvelle écrite par Chi Ta-wei depuis 20 ans (la première écrite ce millénaire de l’aveu même de l’auteur) que s’ouvre ce recueil. Un texte idéal puisqu’il exploite déjà un grand nombre de thématiques de prédilection du Taïwanais.

Dans un futur proche, l’humanité se remet difficile du Ravage, une catastrophe planétaire consécutive à l’intervention de mystérieux extra-terrestres en forme de globe (que l’on surnomme les trois étoiles/astres) et qui ont fait disparaître l’ensemble des parents humains de la surface terrestre.

La raison de cette hécatombe ? L’analyse des cauchemars humains qui a montré que les principales victimes desdits cauchemars étaient des enfants. Les coupables étaient donc tout trouvé… les parents !

Dans une Taïwan post-Ravage, Gros Ours et Petit Lapin, deux hommes mûrs décrits comme postpatriarcat et postmaternité (dans le plus sens le plus strict du terme, c’est-à-dire sans père et sans mère) nouent une relation homosexuelle dans une société où le sexe n’est plus un tabou et où l’orientation sexuelle n’est plus un problème. Ce qui importe désormais, c’est la FPI (Fréquence des Pulsions d’Intimité) attribuée à chaque partenaire et qui permet de déterminer la fréquence des rapports sexuels idéale pour le couple.

Collatérale de cette catastrophe, les survivants rechignent à construire de véritables relations intimes devant la peur d’une nouvelle décimation. Les relations dites « ouvertes » sont favorisées et c’est ainsi que Petit Lapin rencontre Ameng, un être hybride, tout comme lui, et dont les deux parties du corps peuvent s’emboîter comme des legos avec celles de son partenaire.

Avec ce bref résumé, le lecteur peut se rendre compte de l’extraordinaire originalité des univers créé par Chi Ta-wei. Question centrale dans Perles, le rapport des êtres humains entre eux, et surtout entre leurs corps différents, comme ce Petit Lapin qui n’a pas de jambes et cet Ameng qui porte en permanence une combinaison de plongée sous-marine.

À la fois utopie et récit post-apocalyptique, Perles s’interroge sur l’évolution de rapports amoureux et sociaux dans une société où les normes se sont déplacées et où l’on apprécie désormais davantage les carrés que les cercles, que l’on associe traditionnellement aux trois astres meurtriers.

Récit à la fois touchant et constamment inattendu, Perles triture les corps et les esprits pour ouvrir un horizon d’événements amoureux empreint d’une tolérance admirable. La perle devient ici un symbole de transgression des peurs sociales et un moyen singulier de s’unir malgré la terreur.



L’Après-midi d’un faune

Virage à 180° avec la seconde nouvelle : L’Après-midi d’un faune.

Point de science-fiction cette fois mais une sorte de réalisme magique (voire même du fantastique, osons le terme) en forme de récit expérimentale où A-so rencontre K, son double (qualifié de « reflet ») fan de Kafka.

Si l’un danse et que l’autre dessine, les deux s’attachent rapidement l’un à l’autre à tel point que K offre à son nouvel ami une magnifique montre à gousset qui serait son « deuxième cœur palpitant ». Suite à un événement tragique, A-so s’éloigne définitivement de K mais l’horreur le hante jusqu’au drame inévitable et au tic-tac de la mort qui l’accompagne.

Déroutante et totalement abstraite, L’Après-midi d’un faune a bien plus de mal à convaincre que les autres textes du recueil. Expérimentation sur le double et questionnement moral, le lecteur retrouve une nouvelle fois cette interrogation sur l’altérité et le rapport à un corps loin de la chair et dont les parties deviennent volontiers indépendantes. Un texte mineur mais curieux.



La guerre est finie

Retour en terre science-fictive avec ce troisième texte qui nous transporte en 2025 aux côtés de Meimei, une aDome, c’est-à-dire une humanoïde (ou être artificiel de compagnie) destiné à réconforter les combattants partis au front dans une lointaine guerre intergalactique. Au gré des absences de son mari pour laquelle on l’a créé sur mesure, Meimei se lamente sur ses insuffisances en tant qu’épouse et rencontre Lola, une autre aDome à la perception de l’existence radicalement différent. Alors qu’un amour secret se tissent entre elles, Meimei reçoit une terrible nouvelle : la guerre est finie…et son mari revient pour de bon !

Quelle sublime nouvelle que cette histoire tout en pudeur et en émotions ! Métaphore évidente de la condition lesbienne (voir gay en général) dans un monde où l’on ne conçoit que l’amour hétérosexuel tout en convoquant les fantômes des femmes de réconfort utilisées durant la Seconde Guerre Mondiale par les Japonais, La guerre est finie explore la lente prise de conscience de Meimei quand à ce qu’elle aime (d’abord par la cuisine puis par le sexe) au contact d’une femme à la conscience plus libre, Lola, pour qui l’existence n’est pas conditionnée à son obligation sociale de satisfaire son mari. Pour cette histoire, Chi Ta-wei se fait révolutionnaire des mœurs et transgresse les interdits, déniant l’autorité patriarcale traditionnelle pour trouver ce que chacun cherche : le bonheur et la conscience de sa propre humanité. Poétique, poignante, intelligente, La guerre est finie touche le lecteur en plein cœur…avec des êtres artificiels et différents !



Éclipse

Pour cette quatrième histoire, Chi Ta-wei tisse à nouveau un univers dense et protéiforme dans la lignée de Perles.

Dans un futur indéterminé, le lecteur suit l’existence de deux frères, le Grand et le Petit, dans un immeuble dressé tel un corps caverneux dont il occupe le dernier étage. Avec son frère, le narrateur s’adonne à des jeux interdits en utilisant le château d’eau du toit de l’immeuble comme une chambre aux secrets. S’éloignant de cette relation troublante, le jeune homme esquisse les contours d’une ville envahie par les insectes, insectes qu’il collectionne et stocke en secret dans le fameux château d’eau. Devant cette abondance de corps chitineux, certains citoyens sont devenus des « mangeurs d’insectes », une pratique réprouvée par la société et qui peut conduire à contracter une grave maladie, l’AITS (allusion transparente à l’AIDS, abréviation anglophone pour le SIDA) qui conduit à une hyperphagie pathologique. Confronté à ce penchant chez son propre frère, et encore bouleversé par le départ de son père, notre narrateur tente de ressembler à sa mère (en fait, un homme mais qui tient à être maman jusqu’au bout) avant de découvrir l’impossibilité pour eux de cohabiter.

Tout comme La guerre est finie, Éclipse n’est pas qu’une simple évocation poétique à la T.S Eliot 2.0, c’est aussi une réflexion métaphorique sur la place des homosexuels dans notre société et le regard des autres à leur égard. En se plaçant dans un futur où la sexualité ne connaît plus d’à priori, l’auteur Taïwanais s’interroge sur le ressenti d’une personne différente confrontée aux normes d’une société qui ne le reconnaît pas. Son frère évoque d’ailleurs la possibilité d’un double, et si les deux frères n’étaient qu’un mais que les deux présentaient des personnalités incapables de s’accepter l’une l’autre ? Cette réflexion ample, originale et parfois même inquiétante par son univers à la limite de l’apocalypse, offre une ébullition intellectuel salutaire au lecteur.



Au fond de son œil,

au creux de ta paume,

une rose rouge va bientôt s’ouvrir

Nouvelle expérimentation littéraire après L’Après-midi d’un faune, côté science-fiction/techno-thriller cette fois.

Chi Ta-wei s’essaye à une narration à la deuxième personne du singulier pour démêler l’histoire d’un mandaté de l’Institution, une agence de contrôle indépendante chargée d’enquêter sur une nouvelle drogue surpuissante, le miroir noir, produite par une multinationale tentaculaire, la SM, adversaire d’une autre multinationale gigantesque, l’Empire.

Notre enquêteur se perd rapidement entre ses expériences personnelles et les délires de la drogue tandis que le narrateur tire sur les fils du récit pour dérouler une toute autre version de cette drôle d’infiltration policière où le héros n’est plus celui que l’on croit et où l’on croise des scientifiques mégalomaniaques, des manipulations génétiques autour de la reproduction humaine et des luttes d’influences à l’échelle galactique.

Encore une fois, le Taïwanais se sert de références culturelles évidentes (Blade Runner, la mythologie grecque…) pour servir un propos sur le corps et sur le statut des personnes homosexuelles. Si l’on creuse cette utopie queer (où les hommes peuvent se reproduire entre eux), on trouve autant d’écueils que de promesses car, comme l’avoue Chi Ta-wei lui-même : « il ne cessera jamais d’interroger le processus d’établissement de tout système. »

Dès lors, la nouvelle alterne les fulgurances à mi-chemin entre un rêve d’affranchissement des contraintes reproductives et une déstructuration complète de l’être sous l’influence d’une drogue qui bouleverse jusqu’à la langue de ses personnages.

Passionnant et radical, une nouvelle qui retourne le cerveau, assurément.



La comédie de la Sirène

Pour finir, La comédie de la Sirène revisite la version de Disney sous la plume d’un écrivaillon à la fois misogyne et féministe (!!).

Échoué sur une plage, un Prince se réveille et aperçoit à l’orée de son regard une magnifique créature aux seins envoûtants qu’il n’aura de cesse de chercher par la suite : la Sirène !

Celle-ci, impressionnée par cet étrange spécimen à deux jambes et sous le charme brut de l’humain endormi, sacrifie sa voix pour devenir une femme ordinaire capable de marcher sur la terre ferme. Malheureusement, seul un baiser pourra lui rendre la parole…et le Prince n’a rien d’un idéal !

Et si l’homme n’était pas la condition sine qua non de cette fable intemporelle ?

Chi Ta-Wei s’amuse avec l’archétype de la petite Sirène en même temps qu’avec la perception des choses que peut avoir son lecteur en faisant directement intervenir l’auteur supposé de ce classique revisitée !

Ainsi, La comédie de la Sirène est à la fois une vision crûment misogyne du mythe ET un joli pied de nez féministe à l’histoire originelle. Sans délaisser sa fascination débordante pour le corps et la chair (et ses infinies possibilités) de côté, l’auteur dérange et interroge avec malice, encore et encore.



Perles fascine et interpelle le lecteur. Auteur du corps, de la transformation, de la libération des mœurs et de la tolérance, Chi Ta-wei a l’art de construire des futurs radicalement originaux et inattendus où ses personnages se perdent et se retrouvent avec terreur et volupté. D’une humanité indéniable, voici un ouvrage différent et exotique au possible, un voyage brutalement dépaysant et envoûtant.
Lien : https://justaword.fr/perles-..
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Perles

L'auteur Chi Ta-wei est un auteur de romans Fantastique et de Science-fiction, connu mondialement. Il s'est toujours engagé pour défendre la cause homosexuelle sur l'île de Taiwan. Il a été découvert en France lors de la sortie en 2015 de son roman, "Membranes", que je n'ai pas lu.



"Perles" est un recueil de nouvelles "queer". Il a fallu que je cherche la signification exacte de ce terme sur internet car je l'avoue, je n'en avais qu'une vague définition. Je vous renvoie sur le net si vous voulez en savoir davantage.

Mais qu'importe les mots, ces nouvelles nous emmènent dans le monde particulier de l'auteur, un monde qui laisse une large place à l'imaginaire, un monde peuplé de personnages tous aussi originaux les uns que les autres : des faunes, des sirènes, des androïdes et autres créatures... Ces mondes nouveaux ressemblent étrangement au nôtre, mais diffèrent par la réflexion que ses habitants humains ou pas, effectuent au quotidien pour essayer de se sortir de trop de technicité, de trop de normes, de trop de superficialité dans les rapports humains.

L'auteur nous invite à inventer d'autres relations entre personnes et à réfléchir sur le genre, le sexe et sur notre rapport à l'autre. C'est un recueil dont certaines nouvelles ont été écrites il y a 20 ans, à l'aube de l'an 2000, et qui s'avère déjà d'une grande modernité en ce qui concerne le regard porté sur notre société, ses tabous et ses aprioris.

A la fin de chacune de ces nouvelles, l'auteur propose en guise de postface, une courte analyse de ses écrits, et il nous décrit précisément les circonstances de leurs créations. Il donne aussi des clés pour mieux comprendre le message qu'il a voulu adresser aux lecteurs.



Ce court texte m'a bien aidé à réaliser toute la teneur de son engagement. Mais néanmoins, je le reconnais, je n'ai pas tout compris des références littéraires ou cinématographiques dont il s'est inspiré dans certaines de ses nouvelles. A relire un jour donc pour aller plus loin !



Un recueil que j'ai trouvé inégal mais que j'ai eu du plaisir à découvrir. Si vous êtes fans de SF ou de littérature asiatique, n'hésitez pas à lire des auteurs taiwanais, ils aiment la culture française et de nombreuses références de notre culture étayent toujours leurs écrits.



Les nouvelles ont été traduites du chinois par Olivier Bialais, Gwennaël Gaffric, Coraline Jortay et Pierrick Rivais, une tâche pas facile pour eux que je salue ici.



Merci à l'éditeur pour sa confiance et pou son envoi !



Vous trouverez sur mon blog, un bref résumé de chacune des nouvelles...et donc une critique plus complète.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Membrane

Membrane est un court roman de SF, qui se déroule dans une cité sous-marine, dans les années 2100. De nombreuses références historiques et culturelles rattachent ce monde au nôtre le rendant très réaliste. Il a été écrit dans les années 1990, aussi semble-t-il se rapprocher tout doucement d'une uchronie.

Ce micro-univers prospectivé par Chi Ta-wei, est connecté au nôtre. Cette "ville-dôme" n'est ni une utopie ni une dystopie, c'est un reflet de notre époque, de l'anticipation de l'intensité d'un film comme Her dont il partage certaines thématiques. Pourtant c'est aussi un monde post-apocalyptique, la surface de la Terre est entièrement brûlée par les UV, mais finalement le lecteur ni passe que peu de temps aussi ce n'est pas l'impression qui domine.



Avec Membrane, on réfléchit sur l'Identité, la réalité, la conscience de soi, la relation à l'autre...



La mémoire est un thème traité de manière originale. Certains passages de la vie de l'héroïne, Momo, lui reviennent. Ils sont relus par le lecteur à l'identique, à différents moments du roman, par fragments, réorganisés,...: Comme des boucles dans lesquelles Momo serait enfermée incapable de comprendre. On a toujours un temps d'avance sur elle, on sait ce qui lui arrive, on l'observe débrouiller les fils de son histoire, nous rejoindre et puis de nouveau on s'éloigne d'une révélation de plus.



La Réalité se desquame peu à peu jusqu'au Réel.



Chi Ta-wei est un auteur dont je vais suivre les traductions assidûment !



Il fait appel à tous nos sens, il les effleure, nous masse l'imaginaire.
Lien : http://baobabcity.over-blog...
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Membrane

On découvre Momo, une jeune femme esthéticienne, qui a un passé difficile dû à une grosse opération et qui la pousse à s’interroger si elle est vraiment entière, si son moi intérieur est intègre etc… A travers son quotidien, elle se remémore son passé et nous le fait découvrir.

Il y a une certaine poésie dans ce roman, de la sensualité et aussi de l’espace, une espèce de vide volontaire.

C’est un roman très particulier que j’ai découvert là. Je m’attendais à de la science-fiction, de notre civilisation forcée de trouver refuge sous l’eau en raison des guerres et de la dégradation de l’environnement nécessaire à la survie de notre espèce.

Tout ça en fait partie, il est vrai, mais c’est bien plus encore. C’est aussi un plaidoyer en faveur du genre humain à travers le personnage principal. Quand je parle de genre je pense au genre masculin et/ou féminin ; en moins de 200 pages l’auteur nous parle de la difficulté de l’identité sexuelle et il arrive à nous faire poser de nombreuses questions où il n’apporte pas forcément les réponses mais il nous pousse à nous interroger. C’est une nouvelle longue mais tellement riche et je dois avouer que c’est le genre d’ouvrage qu’on peut lire plusieurs fois et qui apporte à chaque fois de nouveaux questionnements et de nouvelles pistes à explorer.

Il y a un avant-propos écrit par l’auteur qui nous parle des conditions et du contexte dans lesquelles il a écrit ce roman et aussi une postface ; les deux sont nécessaires à la compréhension et au but poursuivi de l’auteur.

Une nouvelle qui ne m’a pas laissé insensible et m’a entrainé vers de nouveaux horizons insolites.

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Membrane

Dans la longue nouvelle Membrane, nous suivons Mo, à l'aube de ses 30 ans, esthéticienne renommée de T-Ville. Solitaire, elle entretient un rapport très particulier à son corps et à celui des autres. Comme la bulle qui protège la ville de la pression océanique, Mo a l'impression de vivre à travers une membrane qui la couperait de contact réel, physique et émotionnel avec autrui. Elle ressent comme une "frontière impossible à franchir" l'empêchant de toute forme d'intimité, la bloquant comme dans une cage.

Cette membrane, elle existe aussi entre elle et sa mère, qu'elle n'a plus vu depuis 20 ans. Elle semble détachée de cette situation mais y revient sans cesse, comme une obsession, comme une blessure refusant de guérir, attisant cet écart qu'elle ressent avec les autres. Elle va même jusqu'à remettre en question sa propre raison d'exister.

Le monde dans lequel Mo évolue n'arrange rien. Les dérèglements climatique et le trou dans la couche d'ozone ayant atteint un point de non retour, les rayons ultraviolets rendent invivable la terre, completement irradiée. L'humanité s'est donc réfugiée dans l'océan, dans des villes sous-marines où "les hommes semblaient vivre comme dans une serre", une autre forme de membrane. Bien évidemment les dérèglements géopolitiques inévitables à propos de la division de l'océan ont conduit à la guerre car ce partage repose au bout du compte sur "la force militaire et économique de chaque pays" et puis "il y avait toujours autant de raison d'entrer en guerre". Ces combats se déroulant sur la terre calcinée en surface, la technologie androïde fut donc développée efficacement et rapidement pour pouvoir envoyer en pâture ces robots humanoïdes à la place des êtres humains. Ces évolutions furent également appliquer au domaine médical. Mo en fut d'ailleurs la bénéficiaire quand elle était jeune...



Grâce à son personnage complexe, désireux de vivre indépendamment de sa mère mais sans cesse divisé par des questionnements sur la réalité de son corps liées à son passé, l'auteur, Chi Ta-wei aborde des sujets aussi divers que passionnants. Écrits dans les années 90, ils sont toujours valable dans notre actualité. Le propos écologique, l'aliénation à la technologie, l'absurdité de la guerre et de la condition humaine sont autant de thématiques presentes dans Membrane.



A noter également la superbe postface du traducteur Gwenaël Gaffric, qui replace à merveille l'auteur et son œuvre dans une époque, sans oublier de noter le caractère sans âge du roman. L'histoire de Taïwan est elle aussi rappelée très justement. Ainsi que le parcours de Chi Ta-wei et son engagement à la fois en tant qu'ecrivain de sf queer mais aussi en tant que spécialiste de la littérature queer.
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Membrane

L’image de couverture des éditions du « Le livre de poche » de 2015 et 2017 me semble raciste. L’auteur taïwanais n’y est probablement pour rien.



En effet, l’histoire se déroule dans un futur hypothétique asiatique (personnages d’origines taïwanaise, japonaise, indienne).



La 1ere version du roman a été édité en 1996 et a probablement été écrit entre 1990 et 1995. Ce qui en fait un précurseur du thème « identité de genre » enfin plus présent aujourd’hui (2022).



À travers cette oeuvre, L’auteur critique, d’une part, la pensée militarisante de nos sociétés et, d’autre part, destructive de notre écosystème.



J’ai adoré.
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Membrane

Première lecture de Chi Ta-wei, un auteur important dans la littérature taïwanaise.

J'ai trouvé l'histoire originale et bien ficelée, le tout forme un condensé de nombreuses questions.

Ce court roman/longue nouvelle interroge sur la quête de soi, ainsi que sur les avancées informatiques et technologiques. La fin est inattendue et est le gros point fort de cette oeuvre.





Relecture du 25 février 2023 :



Ce court roman est extrêmement bien pensé et, je trouve, assez novateur pour l'époque. Rappelons-le, il a été écrit par Chi Ta-wei en 1995, mais l'auteur avait déjà inséré les romans électroniques, l'utilisation des mails et d'internet ainsi que d'androïdes.



Chi Ta-wei interroge sur de nombreuses problématiques, notamment la dégradation de l'environnement à tel point qu'il nous faille changer radicalement de vie (sous l'océan). Il nous montre aussi les limites des robots et leur utilisation pas toujours à bon escient.



J'ai trouvé très intéressant le fait que l'auteur ne nous présente presque que des personnages féminins et la plupart homosexuelles. Il semble nous montrer que ce que certains de nos jours appellent la "norme" s'est finalement peut-être renversée.



Le personnage de Mo, sa solitude sont extrêmement touchants. La fin n'en est que plus impressionnante.

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Membrane

Très curieux de découvrir cet auteur et cette SF chinoise, je n'ai pas pu aller au delà de la moitié tant ce livre a fini par m'ennuyer. Dommage.
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Membrane

Membrane est un roman de science-fiction de Chi Ta Wei, dans lequel l’auteur met en scène une Terre ravagée par le changement climatique, ce qui a poussé l’humanité à vivre dans des dômes sous les océans, sans abandonner les conflits entre les nations ou le pouvoir écrasant de certaines multinationales. Celles-ci fabriquent des androïdes pour faire la guerre à la place de soldats humains, mais aussi servir de banque d’organes vivantes.

Le roman nous fait suivre Momo, une esthéticienne célèbre qui sait exactement comment soigner ses patients grâce aux M-Skin, une forme de hacking biologique qui lui permet de récolter leurs données personnelles. Grâce à ces membranes, elle tente d’obtenir des renseignements sur sa mère, dans l’espoir de renouer avec elle, ce qui déclenche des révélations en cascade sur son environnement et sa nature.

Chi Ta Wei met en scène une relation mère(s)-fille particulièrement touchante et traite de la question de la définition de l’être humain.

Je vous recommande chaudement ce roman !

Chronique complète et détaillée sur le blog.
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Perles

Bien que très daté temporellement, Membrane, le roman de Chi Ta-wei m’avait laissé une impression forte. Ce nouveau livre à son nom, Perles, n’est pas un roman, mais une collection de six longues nouvelles allant du fantastique à la science-fiction principalement écrites entre 1995 et 1996, sauf celle ouvrant le recueil publiée pour la première fois en 2020. Chacune aborde une facette de l’écriture de l’auteur et de ses obsessions : littéraires, liées à la sexualité et au genre, à la parentalité, à son île, etc.

Celle qui ouvre ce recueil donc, Perles, est à la fois le texte le plus récent et le plus déroutant du livre. Le monde de Gros Ours et de Petit Lapin est tellement différent du nôtre qu’il y a une somme d’informations à ingérer sur une trentaine de pages pour ce qui n’est finalement que le récit d’un adultère plus ou moins accepté par l’autre conjoint. Cette nouvelle donne néanmoins le ton. D’une page à l’autre, ce recueil bousculera sans cesse les préconceptions de l’auteur. Ainsi La Comédie de la sirène est-elle une réécriture d’Andersen, un pastiche de Disney ou une critique des prétentions littéraires de l’auteur en début de carrière ? Et Éclipse dont Chi Ta-wei cite Antonioni ou John Waters comme références avec un double hommage à Kafka et T.S.Eliot joue également avec les apparences et les mots, évoquant fortement pour le coup les dystopies de J.G.Ballard. Au fond de son œil, au creux de ta paume, une rose rouge va bientôt s’ouvrir est, elle, un récit de science-fiction très expérimental également, mais très fort en émotion et dont les nombreux clins d’œil mythologiques fournissent les clés. Finalement, même si elles sont très différentes l’une de l’autre, L’après-midi d’un faune et La Guerre est finie semblent presque des textes classiques par rapport aux quatre autres récits. Cela ne veut pas dire qu’ils sont moins intéressants, en jouant pour l’un sur l’obsession et la culpabilité et pour l’autre sur l’humanité et la prise d’indépendance, mais ils sont d’un abord plus facile que les autres textes.

Dans son ensemble, Perles de Chi Ta-wei demande une certaine collaboration intellectuelle du lecteur et pourra parfois le laisser de marbre comme pour ma part avec Éclipse, mais ce recueil est très riche et je fais le pari que sur les six nouvelles, la majorité saura vous toucher, car parlant finalement de façon très personnelle et par le prisme queer propre au vécu de l’auteur de préoccupations universelles.
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Perles

Ce recueil de six nouvelles (dont "Perles" qui est inédite) plus originales les unes que les autres nous montre bien la complexité de l'univers de Chi Ta-wei. Nous y découvrons des thèmes qui lui tiennent à cœur comme par exemple l'homosexualité, ou des sujets sur des problèmes de société. L'auteur nous entraine dans des mondes futurs et possibles, où nous suivons des mangeurs d'insecte, des humanoïdes et des sirènes, sur diverses planètes.

L'écriture de Chi Ta-wei est complexe et riche, il utilise de nombreuses métaphores et références littéraires ou cinématographiques. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié les postfaces que l'auteur a ecrites à la fin de chaque nouvelle.
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Membrane

Un court roman de queer science fiction taïwanaise des années 1990 qui surprend par sa justesse et sa perspicacité. Très accessible, l'auteur a trouvé le juste niveau de caractérisation de son univers futuriste, cette humanité condamnée à vivre sous les eaux, les conflits qui en ressortent et l'existence de technologie androïde, sans jamais que ces aspects ne monopolisent la narration et nous fassent oublier notre protagoniste. La SF est à son mieux quand elle permet de créer de nouvelles façons d'aborder des sujets profondément humains, et à ce titre le roman est une réussite : la solitude de l'enfance confrontée à la maladie, l'amour parental, la sexualité, le voyeurisme, le sens identitaire - ce sont des sujets difficiles que l'auteur aborde avec simplicité et parfois naïveté à travers les yeux de son héroïne en quête de réconciliation. Et c'est dans le dénouement que le roman prend une toute nouvelle dimension et lui donne un sentiment à la fois d'amertume et de douceur.
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Perles

Perles est un recueil de nouvelles de Chi Ta Wei qui appartiennent à la science-fiction, à la réécriture de conte ou au fantastique. L’auteur décrit des mondes au sein desquels les corps se transforment, et interroge les identités queer en employant certaines techniques de la littérature postmoderne.



J’ai découvert la plume de l’auteur grâce à ce recueil, et j’ai hâte de vous parler de Membrane, que j’ai beaucoup apprécié aussi !

Chronique complète et détaillée sur le blog.
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Perles

Cauchemars éveillés, oniriques, étrangement calmes, ambiances de fin du monde, parfois burlesque voire cartoon. Les univers de cette anthologie enflent et se complexifient à mesure qu'on pénétre la vie des personnages.

Chaque nouvelle m'a emportée dans son univers particulier et immersif. L'auteur taïwanais est cosmopolite dans ses références et ses inspirations, donnant au lecteur que je suis un sentiment de familiarité : Faunes et labyrinthes, Alice de l'autre côté du miroir, la petite sirène de Walt Disney, ... revisités, démembrés, reconstruits version cyberpunk romantique. Il broie tous les clichés dans son creuset d'alchimiste pour imaginer des univers où la norme est LGBT+. 



J'ai adoré chacune de ses histoires qui titillent nos tabous bien plus loin que les auteurs que je lis habituellement.

Il expérimente à chaque fois de nouvelles formes littéraires. En funambule expert, Chi Ta-wei réussit à émerveiller et surprendre, surplombant les problématiques liées à la sexualité, la famille, la société, l'amitié, l'amour,...



Chaque nouvelle est suivie d'une postface de l'auteur qui précise ses intentions et le contexte d'écriture. 



Une très belle édition 😍 ! 
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Membrane

Même si avec Le Problème à Trois Corps et ses deux suites de Liu Cixin, la science-fiction chinoise a été un des gros succès de 2016, la littérature de genre asiatique reste largement méconnue en France. Pourtant on trouve parfois des perles, au ton très différents des auteurs anglo-saxons et francophones, même sur des thématiques communes. À titre d’exemple, Membrane du romancier et traducteur taïwanais Chi Ta-Wei. Sorti en 1996 et réédité en 2011, il n’a été traduit en France qu’en 2015. Pourtant, c’est un petit bijou de réflexion sur l’identité. Qu’est-ce qu’être humain ? Où est la frontière entre l’homme et la machine ? D’un genre à l’autre ?

Certains éléments sont très datés, comme la mention de Gopher qui a pratiquement disparu au profit du Web classique ou la disparition de la couche d’ozone alors qu’en 2017 cette menace s’est éloignée (contrairement au réchauffement climatique). Et le genre de cyberpunk lui-même est un peu tombé en désuétude. Pourtant, ce récit écrit presque uniquement du point de vue de Momo, narratrice peu fiable s’il en est, reste tout à fait d’actualité. Comme Momo, les lecteurs s’interrogent sur la différence entre l’apparence et la réalité, sur la profondeur des sentiments, familiaux ou autres, et sur le sens de leur vie.

Comme pour Liu Cixin, il faut faire l’effort de rentrer dans le récit de Chi Ta-Wei, même s’il est très court. Cet effort est largement mérité et jusqu’au retournement final, dont on se doute assez rapidement de la teneur, l’histoire de Momo, pauvre en action, est particulièrement riche en sentiment et en réflexion.
Lien : https://www.outrelivres.fr/m..
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Membrane

http://liliandtheworldofbooks.blogspot.be/2017/07/membrane.html



Malheureusement, ce livre ne m'a pas du tout transporté, je m'explique. Tout d'abord, j'ai quand même trouvé l'univers et l'écriture de l'auteur assez original et assez bien mené. Seulement, voilà, je n'ai pas du tout accroché avec son histoire et je n'ai pas compris où il a voulu en venir.



Je n'aime pas laisser une histoire en suspens, mais celle-ci, je n'ai vraiment pas su continuer. Pourtant, le début commençait bien, mais par la suite, je me suis perdu et je n'ai pas su continuer.



Bien évidemment, je ne dirai jamais qu'un livre est nul ou mal écrit, car cela n'est pas le cas. C'est juste que cette histoire n'est pas faite pour moi donc, je me suis donné le droit d'arrêter ma lecture. Par contre, je sais que plusieurs d'entre vous, aime ce genre d'histoire et je pense que cela peut vous plaire.



Pour conclure, même si cette histoire ne m'a pas plus, je lirai quand même ses autres livres (s'il en a), car sa plume et vraiment agréable à lire.
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